Communiqué Lubrizol n°1
Reportage photos et vidéo ci-dessous
La carence d’informations sur les matières dangereuses impliquées dans l’incendie de l’usine Lubrizol de Rouen découle de l’instruction du gouvernement du 6 novembre 2017 relative à « la mise à disposition et aux conditions d’accès des informations potentiellement sensibles pouvant faciliter la commission d’actes de malveillance dans les installations classées pour la protection de l’environnement ». Cette instruction a été vivement critiquée par le représentant de Robin des Bois au Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques (CSPRT) quand elle a été présentée à la séance du 5 septembre 2017. Immédiatement après cette réunion, Robin des Bois a publié un communiqué intitulé « L’Instruction omertante » et qui se concluait ainsi: « Sous le couvert de la lutte contre le terrorisme, l’État démantèle la culture collective de sécurité et le droit de chacun à savoir où il met les pieds et les poumons ».
Ce communiqué a créé un vif incident entre Robin des Bois, le cabinet du Premier ministre et le ministère de l’Écologie. Fin novembre 2016, pendant la préparation de cette instruction, Robin des Bois avait été consulté par une mission intergouvernementale. Les représentants de l’association étaient favorables dans les circonstances du moment à ce que les plans précis des usines avec l’emplacement des bacs, stockages, rétentions contenant des substances dangereuses pour la santé humaine et l’environnement ne fassent pas l’objet d’une communication sur internet. Cependant, Robin des Bois réaffirmait la nécessité, conformément à l’article L125-2 du code de l’environnement (1), d’informer loyalement les populations permanentes ou temporaires sur les substances dangereuses et les risques auxquels elles sont exposées en fonctionnement normal, en fonctionnement dégradé et en situations accidentelles. Sur un plan pratique, Robin des Bois avait recommandé dans le cadre de cette consultation que les clôtures des établissements Seveso soient notablement renforcées et que des rondes nocturnes physiques soient multipliées. La communication du rapport final de cette mission intergouvernementale a été refusée à Robin des Bois ; ce document n’est pas public.
Depuis l’application de cette instruction certaines rubriques des arrêtés préfectoraux et des autres documents publics d’information sont classés comme confidentiels. Robin des Bois avait aussi prévenu que cette « censure » entraînerait de nombreux contentieux après des accidents majeurs. Il s’agit d’un retour en arrière considérable par rapport aux progrès dans l’information préventive réalisés après la catastrophe d’AZF à Toulouse en septembre 2001.
Maintenant que la catastrophe a eu lieu chez Lubrizol à Rouen, Robin des Bois demande aux pouvoirs publics de révéler l’inventaire qualitatif et quantitatif des substances, produits et déchets présents sur le site. D’après les informations parcellaires en notre possession en provenance de sources ouvertes, il s’agit en particulier de :
– pentasulfure de phosphore (considéré comme précurseur d’armes chimiques) et d’acide dithiophosphorique
– di-alkyl dithiophosphates de zinc (DATP ou ZDDP) et ses substances intermédiaires
– additifs détergents et dispersants
– acide chlorhydrique et sous-produits chlorés dont du dioxyde de chlore et des chlorures de soufre
– solvants divers notamment éthylhexanol
– hydrocarbures simples, hydrocarbures sulfurés, hydrocarbures azotés, hydrocarbures phosphorés
– soude ou potasse caustique
– substances ou mélanges non-nommés dégageant des gaz toxiques au contact de l’eau
– diverses substances toxiques pour les organismes aquatiques
– sources radioactives scellées
– amiante
Par ailleurs, les sols et les eaux souterraines du site Lubrizol Rouen sont pollués à l’arsenic, aux Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques et au zinc et ces pollutions sont attribuées aux activités de l’usine.
La combustion de ces matières et des installations industrielles produit des substances toxiques et persistantes comme des dioxines et des furanes. Les conséquences sanitaires et environnementales de cette marée noire atmosphérique vont devoir être étudiées pendant plusieurs mois et années et sur un vaste périmètre. Plusieurs fragments d’amiante provenant des toitures de Lubrizol ont atterri dans la nuit de l’incendie dans des jardins sur les hauteurs de Rouen à plus de 3,5 km du sinistre. Certains bâtiments de cette usine Seveso soumise aux risques d’incendie, d’explosion et de surpression étaient encore couverts par 8000m2 de tôles en fibre d’amiante et en ciment. Le préfet a prescrit des mesures d’empoussièrement par les fibres d’amiante dans un rayon de seulement 300 m autour de l’usine dévastée.
(1) Article L125-2 du code de l’environnement: “Les citoyens ont un droit à l’information sur les risques majeurs auxquels ils sont soumis dans certaines zones du territoire et sur les mesures de sauvegarde qui les concernent. Ce droit s’applique aux risques technologiques et aux risques naturels prévisibles.”
Documents complémentaires:
– Fiche d’information Seveso de l’usine Lubrizol de Rouen où il est indiqué: “Les accidents pouvant entrainer une explosion sur les installations ont une probabilité d’apparition relativement faible (évaluée au maximum à une fois tous les 10.000 ans).”
– Arrêté préfectoral du 26 septembre 2019 imposant à la société Lubrizol des prescriptions de mesures d’urgence pour son site situé sur la commune de Rouen.
– Arrêté préfectoral du 28 septembre 2019 relatif à des restrictions sanitaires de mise sur le marché de productions alimentaires d’origine animale et végétale produites sur la zone impactée par les retombées de suies de fumées de l’incendie de l’usine Lubrizol.
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