Le 15 mai 2003, l’inspection des Coast Guards relève à bord du paquebot Norway, ex-France, 6 déficiences dont 3 concernent la sécurité du navire. La scène se passe sur l’île américaine de Saint Thomas, en mer Caraïbe. Aux yeux des autorités américaines, l’immobilisation du paquebot ne se justifie pas, mais cette inspection de 2003 témoigne d’une dégradation de la maintenance du navire par rapport aux 3 années antérieures.
Le 25 mai 2003, à Miami en Floride, l’explosion d’une chaudière projette débris et vapeurs dans le compartiment machines. L’incendie est circonscrit, mais 4 membres de l’équipage sont tués et 17 sont brûlés, dont 4 dans un état critique. Ils sont philippins. A ce jour, les victimes ou leurs familles n’ont reçu aucune indemnité de la part de l’armateur norvégien et l’enquête sur les causes du sinistre menée par le ministère des transports américain (US National Transportation Safety Board) n’a pas abouti.
Fin 2003, le Norway est remorqué jusqu’à Bremerhaven, en Allemagne, où des réparations sont évoquées par l’armateur.
Quel que soit l’avenir du navire, le désamiantage du compartiment machine – une ” cathédrale ” de 100 m de long et de 15 mètres de haut – ainsi que des zones périphériques est alors considéré par les experts comme une priorité. L’amiante des flocages, des calorifugeages, des joints de tuyauteries, des capots et écrans pare-chaleur et vapeur s’est déconfinée et dispersée. L’amiante est français. Il provient de la mine de Canari en Corse dont l’exploitation a cessé en 1965. Le France a été mis en service en 1961 à Saint-Nazaire. En 1995, les syndicats des chantiers de l’Atlantique constatent que l’amiante du France frappe à retardement et que des centaines d’ouvriers sont ou en seront victimes d’ici 2005.
La dernière hypothèse en date selon laquelle le Norway serait reconverti à Singapour en hotel flottant est une galéjade destinée à faciliter le départ de l’ex-paquebot d’un port européen et à contourner les directives de la Convention de Bâle sur les mouvements transfrontaliers des déchets. L’ex-France serait en fait sur le point d’être vendu à des récupérateurs de métaux en Asie. En général les chantiers de démolition des épaves y sont sur la plage, et même si des améliorations plus théoriques qu’effectives sont mentionnées depuis 3 ans, les ouvriers travaillent à mains nues et à visages découverts et sans information préventive. Pour les incrédules, il suffit d’imaginer l’épave du France échouée sur la plage de la Baule et se faire démantibuler jour après jour dans des nuages de poussières et de fumées et dans des mares d’hydrocarbures et de PCB par une nuée d’ouvriers journaliers logés dans des cabanes de tôle et de bois flotté en contrebas de la promenade de mer.
L’ancien paquebot est non seulement désaffecté. Il est aussi accidenté. Il est toujours sous pavillon des Bahamas et il pourrit sur un quai à l’écart comme il avait commencé à le faire sur ” le quai de l’oubli “, au Havre à la fin de la décennie 1970. Le propriétaire norvégien a fait retirer il y a quelques jours du Norway deux belles vedettes ayant servi aux transferts des passagers américains entre le bord et les îles caraïbes. L’amiante, les résidus d’hydrocarbures, le pyralène, les systèmes électriques, il les a laissés.
Robin des Bois demande à l’Allemagne d’interdire en l’état le départ du Norway vers l’Asie, à la France, à la Norvège et aux Bahamas, état du pavillon de participer au désamiantage préliminaire et à l’extraction des autres toxiques embarqués, et à l’Union Européenne d’accélérer la mise en œuvre d’un chantier de démolition et de recyclage des navires en fin de vie en mer du Nord ou sur la façade atlantique.
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