Arcachon : un maquis de négligences, d’archaïsmes et de combines

20 juil. 2022

En France, le risque incendie de forêt est sous-estimé. L’incendie de la forêt de La Teste-de-Buch (7000 hectares détruits) dans le bassin d’Arcachon en est une nouvelle preuve. Dès 2010, les régions Poitou-Charentes, Pays-de-la-Loire, Centre, Ile-de-France, Picardie, Champagne-Ardenne et Basse-Normandie étaient touchées et un tiers des feux de forêts, de landes, de maquis, de broussailles, de garrigues ou de tourbières survenaient au printemps, à l’automne et en hiver. En France, le Rafale a plus la cote que le Canadair.

Communiqué de Robin des Bois du 10 juillet 2012 : “Attention au feu

Nul ne peut être rendu responsable du déclenchement et des conséquences des tremblements de terre de magnitude importante. Pour les feux de forêt, c’est une autre histoire. Seule la foudre échappe à la responsabilité humaine et dans plus de 9 cas sur 10, l’Homme est à l’origine des feux de forêt.

Les barbecues, les réchauds à gaz, les cigarettes, les incursions en moto, en quad ou autres engins à moteur à explosion, les feux de camp, les feux d’artifice, les déchets combustibles sont autant de risques de départ de feu dans un milieu naturel vulnérable aux incendies. Une étincelle peut embraser des milliers d’hectares et un petit départ de feu peut, en quelques secondes, devenir incontrôlable.

Les négligences banales du quotidien ont dans ce domaine des conséquences dramatiques, multiples et parfois insoupçonnées :

– des pertes humaines parmi les soldats du feu, les pompiers du ciel et les personnes riveraines ou de passage piégées par la chaleur, les flammes et les fumées.

– la dégradation de l’état sanitaire des populations par l’inhalation des particules fines transportées par les fumées. Les incendies de forêt libèrent en concentrations importantes des gaz et des composés toxiques comme le mercure et les dioxines. Les fumées des parcelles agricoles et viticoles en lisière de forêt transportent des Polluants Organiques Persistants issus de la combustion des pesticides. Si les feux de forêts périurbaines atteignent des lotissements ou des entrepôts, les fumées transportent des polluants domestiques et industriels et sont susceptibles de contaminer les productions agricoles. Les particules fines en suspension dans l’air pénètrent dans les poumons et sont nuisibles pour la santé. Dans un premier temps, les fumées déclenchent des écoulements nasaux et lacrymaux, des irritations de la gorge et des sinus ainsi que des maux de tête. Dans un deuxième temps, elles favorisent l’apparition ou la résurgence, chez les personnes sensibles, de la toux, de l’asthme, de bronchites, d’allergies et de difficultés respiratoires et l’aggravation des pathologies pulmonaires et cardiaques. Les populations les plus vulnérables sont les enfants, les personnes âgées, les femmes enceintes, les fumeurs, les sujets prédisposés aux maladies cardiaques et pulmonaires, les sportifs, les randonneurs et les travailleurs de plein air. Ces complications sanitaires ne sont pas suffisamment expliquées ni prises en compte par les organismes référents en Europe et notamment dans le bassin méditerranéen.

– oiseaux de nuit, passereaux, chauves-souris, mulots, tortues, salamandres, insectes, couleuvres, lézards et autres animaux arboricoles meurent par milliers. Le feu de forêt ne fait pas le tri et fait preuve de cruauté. Les centres hippiques sont très exposés.

– les cendres, dans ces circonstances périurbaines, se chargent en poussières de plâtre, de peinture, d’amiante et d’autres matériaux et elles sont susceptibles de devenir des déchets dangereux. Elles concentrent les toxiques intégrés à la biomasse et aux biens matériels brûlés par le feu de forêt. Emportées par les pluies, elles aboutissent dans les milieux aquatiques et y introduisent des quantités importantes de métaux toxiques et de nitrates.

– le phosphate et l’azote entrant dans la composition des retardants largués par voie aérienne pour lutter contre le feu contribuent aussi à l’eutrophisation des rivières. Les retardants contenant des ferrocyanures représentent une menace pour la faune aquatique en cas de ruissellement.

– la disparition du couvert végétal fragilise la cohésion des sols et favorise l’érosion. Plusieurs mois et années après les feux de forêt, les coulées de boue et les glissements de terrain deviennent un risque majeur après les orages et les fortes pluies. Les incendies de forêt sur les versants des collines et des montagnes ont les mêmes effets que la déforestation.

– les feux de forêt déclenchent des accidents en cascade, chute de lignes et rupture de l’alimentation en électricité, incendie de transformateurs, explosion de munitions de guerre abandonnées, rupture de gazoducs ou d’oléoducs, incendie de décharges sauvages.

Le risque feu de forêt concerne officiellement 6 000 communes en France et en Corse, soit une commune sur six. La plupart de ces communes se situent dans la moitié sud du territoire mais les feux de forêts gagnent du terrain dans le Centre, en Poitou-Charentes, dans les Pays-de-la-Loire, en Bretagne et en Ile-de-France. De plus, les feux de forêt ne se déclenchent pas seulement en été. Un tiers d’entre eux se déclenchent en automne, en hiver et au printemps.

En conséquence, un comportement réfléchi, maîtrisé, partagé et pédagogique s’impose à tous dans la diversité des milieux forestiers, landes, garrigues, tourbières, maquis, bois et forêts.

 

Les guides Feux de Forêts du GEIDE post-catastrophe (Groupement d’Expertise et d’Intervention Déchets post-catastrophe) rédigés par Robin des Bois, 2013

Guide pour les particuliers
” Sauf quand on en a déjà été victime, l’incendie de forêt est inconcevable. Raison de plus pour s’y préparer. Il fait beau, il fait bon, le ciel est bleu. On imagine difficilement le bruit assourdissant de l’incendie, le galop du feu, les flammes près de la maison et le paysage couvert de cendres.”
La suite sur https://robindesbois.org/wp-content/uploads/2015/01/feux-foret.particuliers_3.pdf
(pdf 1,7 Mo, 24 pages)Guide pour les acteurs économiques
” L’incendie sur les lieux de travail est d’actualité constante. Les incendies peuvent tuer le personnel, la clientèle et aussi les entreprises qui dans 70 % des cas ne se relèvent pas des conséquences économiques et psychologiques du sinistre. La lutte contre les incendies de forêt s’inscrit dans la démarche globale de l’évaluation et de la prévention du risque incendie.”
La suite sur https://robindesbois.org/wp-content/uploads/2015/01/feux-foret.acteurs-eco_3.pdf
(pdf 1,6 Mo, 20 pages)Guide pour les conseillers municipaux, services techniques, responsables des collectivités territoriales
“Les feux de forêts perturbent la vie sociale et les activités économiques, dispersent par voie aérienne des flux importants de polluants, déclenchent des risques sanitaires, déciment la faune et la flore, contribuent à la disparition des espèces menacées et accélèrent l’érosion des sols. Après la course du feu, vient le temps des coulées de boue et des glissements de terrain. Le cycle de l’incendie de forêt commence par des flammes et peut se terminer par des inondations.”
La suite sur https://robindesbois.org/wp-content/uploads/2015/01/feux-foret.collectivites_3.pdf
(pdf 1,9 Mo, 20 pages)

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Arcachon : un maquis de négligences, d’archaïsmes et de combines

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Le Plan Communal de Sauvegarde (PCS) de La Teste-de-Buch est introuvable. S’il existe, il est dissimulé dans les fourrés administratifs de la mairie. Les Plans Communaux de Sauvegarde sont prévus par la loi n°2004-811 du 13 août 2004 relative à la modernisation de la sécurité civile. Ils sont élaborés par les collectivités, ils anticipent les mesures à prendre pour faire face aux conséquences prévisibles des risques identifiés, notamment les évacuations des habitants permanents ou temporaires. La commune de La Teste-de-Buch est soumise aux risques feu de forêt, inondation par submersion marine, inondation par crue de cours d’eau, mouvement de terrain, avancée dunaire, tassements différentiels et radon.

Le 1er février 2007, le préfet de la Gironde, “considérant que le territoire de la commune de La Teste de Buch est particulièrement sensible à l’éclosion et à la propagation des incendies de forêt, en raison de la nature du manteau végétal dominant, de l’extension de l’habitat sous toutes ses formes soit à proximité immédiate de la forêt soit isolé en site forestier, ainsi que des effets de la concentration et des mouvements saisonniers de populations”, a prescrit à la commune l’établissement d’un Plan de Prévention des Risques Naturels Incendie de Forêt (PPRIF). La Teste-de-Buch est une des 159 communes à dominante forestière de la Gironde. Un comité de pilotage composé de 12 membres a été désigné par le préfet en vue de l’élaboration du plan. 15 ans après, le PPRIF est resté dans les cartons.* Le PPRIF vise à réglementer l’urbanisation de la commune et l’attribution des permis de construire avec des prescriptions favorisant la défendabilité des forêts face au feu, des personnes et des biens. En 15 ans, les lotissements, les campings, les pistes de quad ont proliféré sur la commune de La Teste-de-Buch et se sont immiscés dans le massif forestier. Des cabanes de résiniers ont été transformées en résidences secondaires extravagantes qui se vendent cher sur le marché de l’immobilier.

S’il avait été élaboré par le comité de pilotage et approuvé par la préfecture de la Gironde, le PPRIF aurait réglementé la circulation et le stationnement des tiers notamment sur la piste forestière n°214 d’où le feu est parti. L’intrusion sur la piste 214 en période de sécheresse extrême d’un Ford Transit chargé de déchets combustibles est particulièrement malvenue.
Un arrêté municipal interdisant le stationnement sur la piste 214 a certes été pris 8 jours avant l’incendie mais la publicité d’un tel arrêté ne dépasse généralement pas le hall d’accueil des mairies et la piste 214 sert en été “pour contourner les bouchons sur la route d’accès aux plages océanes et aux campings qui bordent la Dune du Pilat” selon la presse locale. En temps normal, le trajet entre les campings de la Dune du Pilat et la déchetterie de La Teste-de-Buch via la D259 prend 17 minutes. Par la piste 214 le trajet dure 13 minutes.

A cause de l’inertie des 3 maires successifs, des querelles entre les propriétaires forestiers, de l’attachement à des privilèges archaïques notamment défendus par l’Addufu (Association de défense du droit d’usage et de la forêt usagère) avec le soutien des élus locaux comme la députée En Marche/Renaissance Sophie Panonacle, les travaux urgents de préparation à la lutte contre les incendies ont été différés. Ils étaient initialement prévus début 2021 et ils ont été repoussés suite à un recours devant le tribunal administratif. Le rapport du CGAAER et du CGEDD ” La forêt usagère de la Teste de Buch – Un fragile équilibre entre propriété et usage” en date du 11 mai 2022 conclut que la réalisation de travaux de défense contre les incendies dans ce massif est un impératif d’ordre public.

*A contrario et à titre d’exemple, Biganos s’est dotée d’un PPRIF seulement 3 ans après l’arrêté de prescription du préfet en date du 1er février 2007 (voici le lien : http://villedebiganos.fr/wp-content/uploads/2016/08/Reglement_PPRIF.pdf )

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Autres publications de Robin des Bois sur ce sujet :

– Rapport “Déchets post-catastrophe : risques sanitaires et environnementaux”, 2007, chapitre V “Les incendies de forêts”, page 52

– “Atlas de la France Toxique”, mai 2019, Edition Arthaud, chapitre “Eté 2015: les feux de chaumes et de forêts” page 78. Extrait: “Et pourtant les incendies n’empêchent pas les constructions ou les activités humaines à la lisière ou au cœur des biomasses combustibles. Les éboueurs sont là pour ramasser les déchets. Avec les feux de forêt, c’est un peu la même mentalité, les pompiers sont là pour les éteindre, au péril de leur vie, de leur santé et au détriment d’autres priorités.”

– Communiqué “Halte au feu !“, 12 juillet 2017.

– Communiqué “Feux d’artifice : il suffira d’une étincelle“, 11 juillet 2019.

Si le règlement interdépartemental de protection de la forêt contre les incendies (Gironde, Lot-et-Garonne et Landes) en date du 20 avril 2016 interdit en toute saison et sans dérogation l’usage des lanternes volantes qui sont des sources d’incendies de forêts ou de bâtis, les feux d’artifices sont seulement interdits en période de vigilance orange. Dans les faits, 74 spectacles pyrotechniques étaient planifiés en juillet et août en Gironde. En juillet, seulement 26 ont été annulés suite notamment à un arrêté préfectoral en date du 12 juillet instaurant le seuil de vigilance orange.

– Communiqué “L’urgence d’une convention internationale pour la protection des forêts“, 23 août 2019. En 2019, à l’occasion du G7 à Biarritz, Robin des Bois a publié ce communiqué sur l’urgence d’une Convention internationale pour la protection des forêts. Elle est pour le moment complètement tombée à l’eau.

– Dossier “Les incendies à la loupe. Panorama de la France qui crame”, 21 octobre 2021

 

 

 

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