Aux sombres zéros de la mer

19 nov. 2003

19.11.2002 : Vers 16h30, le Prestige épuisé et coupé en deux coule. Le 18, la reconnaissance aérienne n’avait montré aucune trace d’hydrocarbures dans le sillage du navire. Les désastres maritimes ont malgré tout l’avenir devant eux :

Sur l’océan mondial et dans les ports, le bouclier juridique qui traite des pollutions par hydrocarbures et autres substances toxiques, c’est Marpol, convention internationale en vigueur depuis 1983. Des gros producteurs de pétrole ne l’ont pas ratifiée : Arabie Saoudite, Koweït, Bahreïn … L’annexe V interdit les rejets en mer de matières plastiques. Elle n’est pas acceptée par l’Iran, Israël, le Canada, la Thaïlande, Bahamas et Malte, chefs de file de la complaisance. L’annexe IV réglemente le rejet des eaux usées depuis les navires, y compris ceux qui transportent des animaux. Elle n’est pas acceptée par la Chine, les Etats-Unis, la Nouvelle-Zélande, l’Australie, les Pays-Bas, l’Irlande, et Chypre. *

L’Italie, la France et Monaco ont délimité un sanctuaire marin incluant la Corse et le Nord de la Sardaigne. L’objectif est d’y réduire les pollutions et les perturbations. Cependant, les épaves du Haven -avril 1991- y sont abandonnées avec 3000 tonnes de résidus pétroliers dedans et 10 à 50.000 tonnes autour ** tandis que, en face de Menton, Nymphéa Waters y a capturé cet été sans être inquiétée une résurgence sous-marine d’eau venue des Alpes.

Présenté comme une opération exemplaire, le renflouement du Tricolor laisse à la mer 10.000 tonnes de ferrailles et une casse sous-marine avec 2532 voitures, 2532 batteries, 2532 x 7 l d’essence, 2532 moteurs avec huile de vidange, 2532 x 80 kg de plastiques, plus de 5000 airbags, 12.660 pneus et d’autres fluides et accessoires toxiques. Un seul engin de chantier a été récupéré. Ils étaient une centaine à bord: gros dangers et inconvénients pour les soles, la pêche et les plages de la Mer du Nord et de la Manche.

Port 2000, au Havre, est le rêve d’un petit cercle du shipping transformé en priorité nationale par le Président de la République. Il est en train de tourner au cauchemar. Faillite financière, maladies techniques: l‘analogie avec la piste d’atterrissage en Antarctique est de plus en plus d’actualité. L’estuaire de la Seine est détruit mais Port 2000 servira-t-il un jour au trafic maritime ?

Le RIF (Registre International Français) est une priorité du gouvernement. À l’instigation de M. de Richemont, sénateur du Poitou, la quasi-totalité des équipages sur les navires battant pavillon français serait recrutée par ” une ou des entreprises de travail maritime “, c’est-à-dire des agences de recrutement ” mettant à disposition ” des marins ou sous-marins étrangers. Dans la pure tradition des pavillons de complaisance, ils pourraient être débarqués n’importe où au gré de l’armateur au terme d’une période d’essai de 3 mois ou s’ils venaient à commettre une faute ” lourde “. Cette fuite en avant vise à dépasser le cap du pavillon des Kerguélen qui oblige à l’emploi de 35 % de navigants français. Elle introduira au cœur des navires sous RIF une fracture pénale. Après l’éperonnage au sud de la Bretagne d’un chalutier des Sables-d’Olonne et la mort de 4 membres de l’équipage, le Bow Eagle a fui et échappé fin août 2002 à une saisie conservatoire grâce aux conseils de M. de Richemont, ” représentant ” de l’armateur norvégien. En mars 2003, un marin philippin, de quart la nuit de la collision, a été condamné par un tribunal de Bergen à 5 ans de prison. Quant à l’armateur et aux 2 officiers norvégiens, ils peuvent continuer à dormir.

* liste complète des signataires consultable sur le site de l’OMI ou disponible chez Robin des Bois.
** source : lettre de la préfecture maritime de la Mer Méditerranée à Robin des Bois – 2003.

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