Boues rouge en Hongrie – Communiqué n°1,
Mise à jour le 8 octobre.
Caractéristiques : Les boues rouges sont les résidus de l’extraction d’alumine à partir du traitement de la bauxite. Elles contiennent de la soude caustique, du fer, de l’alumine, du silicium, du sodium, du calcium, du titane, du manganèse, du vanadium, du chrome hexavalent, du plomb et du cadmium. Le cumul de tous ces métaux et minéraux fait des boues rouges un déchet toxique pour la faune aquatique, les animaux domestiques et d’élevage. Du bétail a été intoxiqué en Australie suite à l’épandage de 20 tonnes de boues rouges par hectare contenant 1,8 kg d’alumine, 24 kg de chlorure, 6 kg de chrome. En eau douce, l’alumine est mortelle pour les truites à partir de 1,5 mg/litre, et 3 mg de fer par litre suffisent à empêcher la reproduction et à ralentir la croissance de nombreuses espèces de poissons. Ces chiffres sont à rapporter au million de m3 qui se sont déversés hors de l’enceinte de confinement. Par ailleurs, les boues rouges provenant du traitement de la bauxite sont très légèrement radioactives. La radioactivité naturelle renforcée des boues rouges par du radium 226 et du thorium 232 est reconnue par l’Union Européenne et par la France. Les boues rouges sont trois fois plus radioactives que la bauxite.
Les boues rouges en Hongrie. L’accident survenu près d’Ajka provient de la rupture d’une digue de retenue de boues rouges. Ce type d’évènement a plusieurs causes possibles : des séquences de fortes pluies qui augmentent considérablement le niveau d’eau, le sous-dimensionnement des digues, leur rehaussement mal calculé ou leur maintenance défectueuse. Un autre site en Hongrie près de Tata au Nord-Ouest du pays témoigne d’une très mauvaise gestion des déchets industriels. Les décharges de boues rouges couvrant plusieurs dizaines d’hectares sont situées directement au bord du Danube, sont soumises aux inondations et les villages voisins aux envols de poussières. Pour réduire ces envols, les autorités hongroises et le producteur des boues rouges n’ont pas trouvé d’autre solution que de les recouvrir avec des cendres d’incinérateur mélangées à des plastiques et à des mâchefers.
Décharge de boues rouges surplombant le Danube près de Tata, recouverte de déchets dangereux comme des cendres et des mâchefers. © Christine Bossard-Charlotte Nithart/Robin des Bois.
Conséquences de l’accident d’Ajka. Le volume de déchets liquides déversés est l’équivalent de 5 Amoco Cadiz ou d’environ 70 Erika. Si comme les autorités hongroises le planifient, les boues répandues dans le bâti et la voirie sont nettoyées au kärcher, elles vont être mélangées à l’eau de décapage puis rejoindre les cours d’eau, et se jeter à terme 110 km plus loin dans le Danube après avoir impacté de nombreuses zones humides. Les mortalités de poissons, d’oiseaux aquatiques, de biodiversité ordinaire vont être massives, autant par les effets du colmatage que par ceux de la toxicité dans les rivières allant jusqu’au Danube. Une fois le fleuve atteint, les risques de mortalité massive et immédiate de poissons adultes sont faibles; par contre, la perturbation du milieu par le flux de boues rouges et le transport des particules fines aura des effets nocifs sur la croissance des oeufs et des larves et les capacités de reproduction de toutes les espèces aquatiques.
Les effets sanitaires immédiats pour les habitants sont des brûlures externes ou internes par contact ou ingestion d’eau contenant de la soude caustique. Les mêmes effets sont prévisibles pour les animaux domestiques et les animaux d’élevage. Les effets sanitaires différés relèvent des risques de contamination des chaînes alimentaires, des produits agricoles, et de la contamination de l’eau par les métaux lourds. Un autre vecteur de transfert et de contamination pour les usagers des territoires pollués sera la transformation rapide des boues en poussières inhalables.
Les boues rouges en France. Elles sont principalement rejetées dans la fosse de Cassidaigne près de Cassis en Méditerranée. Le cumul actuel est d’environ 40 millions de tonnes. Une canalisation souvent sujette à des fuites à cause de la causticité de l’effluent relie l’usine de production d’alumine de Gardanne à l’exutoire en mer. Ces fuites sont assez rapidement repérées et ont pollué des rivières locales.
Le Comité de suivi “ad hoc”sur l’évolution et les effets de la décharge marine de boues rouges au large de Cassis n’est pas représentatif. Aucune association de protection de l’environnement n’y participe. C’est à la suite des nombreuses protestations locales et du rapport de Robin des Bois commandité par l’Autorité de Sûreté Nucléaire révélant la présence notable de radionucléides à vie longue dans les boues rouges que l’industriel et les pouvoirs publics ont été amenés à planifier la réduction du rejet en mer qui s’élève encore aujourd’hui à plus de 200.000 t/an. La Convention de Barcelone pour la protection de la Méditerranée a aussi joué un rôle actif dans la réduction de ces rejets. L’industriel dit que l’objectif zéro sera atteint en 2015. Robin des Bois dit que cet objectif sera en effet atteint parce que l’usine ancienne, enclavée, nécessitant des investissements importants, ayant bénéficié très récemment d’une dérogation sur la pollution atmosphérique par le dioxyde d’azote, sera fermée.
L’auréole de contamination des sédiments dans les fonds marins s’étend aujourd’hui jusqu’à 60 km du point de rejet. Des informations parcellaires contenues dans un rapport confidentiel de Créocéan montrent que les boues rouges de Gardanne ont des effets très toxiques même à très faible concentration sur le développement des larves d’huîtres et sur le cycle de reproduction des oursins.
“Titane dans les sédiments superficiels de l’ensemble du site”.
Extrait du rapport annuel 2003 du Comité de suivi scientifique des rejets de Gardanne.
Disponible sur http://www.alcan-gardanne-environnement.fr/File/RAPPORT%20ANNUEL%202003.pdf
D’autres informations sont disponibles dans les documents suivants :
Chapitre bauxite, extrait du rapport “La radioactivité naturelle technologiquement renforcée” – Robin des Bois – décembre 2005. 2 pages, 74 ko
“Le Pastis de Pechiney” article de La Flèche n°33, journal de Robin des Bois – 1999. 2 pages, 1,5 Mo
Le contexte juridique européen. Après les catastrophes analogues quoique mettant en jeu des effluents toxiques différents, de Aznalcollar en Espagne (Andalousie) en 1998 et de Baia Mare (Roumanie) en 2000, l’Union Européenne a établi une directive sur la gestion des déchets de l’industrie extractive exigeant des Etats-membres un inventaire des sites de stockage de résidus de minerais, un renforcement des mesures de sécurité et de stabilité, et la mise en œuvre de bonnes pratiques garantissant la sécurité du public et de l’environnement. Cet inventaire est en cours en France. D’autre part, menaçant d’autres pays riverains du Danube comme la Croatie, la Serbie, la Bulgarie, la Moldavie, l’Ukraine et la Roumanie, la catastrophe doit être considérée comme trans-frontalière et faire l’objet de procédures d’information et de suivi dans le cadre de la Commission Internationale pour la Protection du Danube qui dispose d’un système d’alerte d’urgence en cas d’accident.
Imprimer cet article