Depuis quarante ans, les algues vertes envahissent le littoral de l’Ouest de la France et étendent lentement et inexorablement leur aire de répartition.
Des idées reçues et pratiques attribuent quasi exclusivement cette poisse aux activités agricoles. Les contributions des marées noires historiques, des immersions de boues de dragage des bassins portuaires, de la pollution atmosphérique issue des activités industrielles et maritimes ne sont pratiquement pas prises en compte. Une tonne de pétrole contient 20 kg d’azote. Depuis 1970 il est connu des spécialistes que les teneurs en phosphore et en azote de l’eau de mer sont au moins cent fois plus élevées à proximité d’un site de rejet de boues de dragage que dans le milieu environnant. La contribution du trafic maritime à la pollution atmosphérique par les oxydes d’azote (NOX) est en augmentation. Les apports en phosphore dus à la croissance de la flotte de plaisance sous-équipée pour le traitement des eaux de WC ne sont pas comptabilisés.
Le cumul et la synergie de toutes ces causes non exhaustives aboutissent à un état de catastrophe environnementale et sociale dont la puissance publique et régionale tarde à prendre conscience. Un jogger est mort en été 1989 à Saint-Michel-en-Grève (22) dans un tapis d’algues vertes en décomposition. L’hydrogène sulfuré a été suspecté.
Les stockages provisoires près du littoral – tels des stockages de déchets de marées noires – réalimentent en sels nutritifs les ruisseaux et eaux souterraines qui se dirigent vers le littoral.
Le gouvernement, les pouvoirs régionaux en Bretagne, en Normandie, dans les Pays-de-la-Loire sont tétanisés par cette colonisation d’origines anthropiques. Moins on en parle mieux on se porte. C’est le syndrome Amoco Cadiz.
Le gouvernement a pris son épuisette et pêché des mesurettes. Des expérimentations de ramassage en mer ouverte des algues vertes vont avoir lieu l’année prochaine : le gouvernement Rocard devait le faire en coopération avec le CEDRE*. Mieux, en 1982, la collecte se faisait en mer dans la baie de Lannion.
L’Etat va participer aux frais de collecte sur le littoral : des millions d’euros ont été engloutis dans la recherche sur la valorisation des algues vertes considérées dans les années 80 et jusqu’à aujourd’hui comme une manne de richesses, mieux que la chicorée.
Il faut sans retard inscrire les algues vertes échouées et collectées dans la liste des déchets dangereux, créer des filières fermées d’élimination, protéger tous les acteurs depuis la collecte jusqu’au traitement, consacrer des fonds et des ressources humaines à un observatoire scrupuleux et réactif des espèces algales invasives, faire un inventaire de tous les stockages non déclarés et non confinants, inventorier et peser sur toutes les causes de la prolifération, inventorier et chiffrer toutes les conséquences pour la biodiversité, la pêche et le tourisme. * Centre de Documentation, de Recherche et d’Expérimentations sur les pollutions accidentelles des eaux
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