Pire que le naufrage de l’Erika ?
L’arrêt de la 13ème chambre de la Cour d’Appel de Paris est une nouvelle négative pour la sécurité en mer des équipages et la gestion de l’environnement marin sur l’océan mondial : il prolonge l’incertitude juridique sur l’immunité de Rina (société de classification de l’Erika) jusqu’en 2008, après le délibéré “Erika” rendu par la 11e chambre du Tribunal Correctionnel. il ne va pas dans le sens des demandes conjointes des ONG, des parties civiles au procès de l’Erika, des armateurs, de l’Union Européenne, de l’Agence Européenne de Sécurité Maritime et d’autres institutions tendant à renforcer l’indépendance et la responsabilisation des sociétés de classification.
Erika / Prestige : les causes, les effets, les leçons
A la suite de la conférence de presse qui s’est tenue le 16 décembre 2002 dans les locaux de l’association Robin des Bois, à laquelle participaient: les Amis de la Terre, Le Collectif Anti-Marées Noires de Saint-Nazaire, France Nature Environnement, Greenpeace, Keep it Blue, Robin des Bois et Surfrider Foundation Europe, nous vous prions de trouver ci-joint un compte rendu des interventions des associations présentes.
Robin des Bois
Robin des Bois demande que soit dressée le long de la façade atlantique une liste de ports-refuges et baies afin que tout navire de transport de matières dangereuses en avarie puisse être mis en sécurité. Robin des Bois constate qu’une petite corporation de récupérateurs de bateaux sous-normes pollue le milieu maritime. Ainsi, Gerry Ventouris, Directeur d’Agean Shipping Management dans le port du Pirée est connu de Robin des Bois depuis 1999. Il a alors acheté l’ex-Kifangondo rebaptisé Tango-D. Il est aujourd’hui propriétaire du Byzantio, un pétrolier âgé de plus de 25 ans comme le Prestige. Il fait profession de racheter des bateaux endommagés ou considérés comme perte totale avant de les gérer pour son propre compte ou pour le compte de ses sociétés filiales, il lui arrive aussi de les revendre. Ce genre de pratique doit être interdite pour les citoyens européens. Robin des Bois demande la sortie de flotte immédiate de tous les pétroliers âgés de plus de 25 ans et la mise en oeuvre d’un chantier naval de dépollution, déconstruction et recyclage des navires en Europe du Nord. L’absence de ce type d’installation facilite la fuite des bateaux poubelles vers l’océan indien et l’Asie. D’autre part, en matière de sécurité, les risques de sur-accidents maritimes sur les autoroutes maritimes sont comparables aux risques de sur-accidents sur les autoroutes routières. Enfin, Robin des Bois note que dans un deuxième temps, la collecte des déchets sur les plages ou sur le littoral en Galice s’améliore, avec cependant beaucoup d’hétérogénéité. Des problèmes sont apparus: les stockages intermédiaires, le transport par camion et les sites lourds.
Nouvelles fuites de l’Erika
L’acharnement de Total et de son sous-traitant Brézillon à expédier les résidus de la marée noire de l’Erika aux Pays-Bas et à bon marché est payant.
En novembre 2001, trois camions ont dû revenir à plein de Moerdijk, près de Rotterdam. Brézillon avait omis de fournir au transporteur routier les bordereaux de mouvements transfrontaliers de déchets.
En septembre 2002, le préfet de Loire-Atlantique autorise l’exportation des déchets. En novembre 2002, les Pays-Bas acceptent cette exportation à titre expérimental, et pour un volume global de 1000 tonnes.
Erika, le deuxième naufrage
Le 25 septembre 2000, Bouygues Construction crie victoire. Par le biais de sa filiale Brezillon, le leader mondial des BTP vient d’emporter le marché du traitement des 200.000 tonnes des déchets d’hydrocarbures, déversés sur 450 km de littoral breton et vendéen par la perte totale de l’Erika.
La solution Brezillon a été choisie par Total après un appel d’offres international, parmi 10 autres options. Il s’agit pour résumer du criblage des déchets, de leur fluidification au gasoil et de leur lavage à l’eau. En fin de cycle, le sable dépollué et ne contenant pas plus de 2500 mg/kg d’hydrocarbures doit être revendu à des chantiers de travaux publics de proximité, hors des périmètres hydrogéologiques sensibles.
Erika: stationnement gênant, enlèvement demandé
Malgré le pompage principal et de finition des cuves de l’Erika, des irisations sont toujours observées autour de l’épave et des résidus pétroliers toxiques restent agrégés sur les parois et sur les fonds des réservoirs. Aux résidus pétroliers s’ajoutent les fluides toxiques dont le pyralène utilisé dans les installations électriques, les peintures anti-salissures, et l’amiante des calorifugeages.
Le site du naufrage de l’Erika doit être considéré comme un site sous-marin contaminé. Après le pompage d’une partie de la cargaison, il s’agit maintenant de relever les épaves pour éviter la diffusion lente de produits toxiques dans le milieu marin, une précaution d’autant plus indispensable que d’après nos informations, le laboratoire de physicotoxicochimie de Bordeaux relève des teneurs importantes et croissantes d’Hydrocarbures Polycycliques Aromatiques cancérigènes dans les crustacés collectés dans la zone d’influence des rejets de l’Erika, en particulier les crevettes.
La Flèche n°36
Lire la suiteTOTAL veut mouiller l’Etat
Fin décembre 1999, 15 jours après le naufrage de l’Erika, Total s’est engagé à traiter les déchets ramassés sur le littoral. Le choix des filières d’élimination devait être annoncé à la mi-juin et les travaux préliminaires immédiatement lancés. 200 millions de francs ont été provisionnés à cet effet, une somme sans doute insuffisante au regard des 250.000 tonnes de déchets qui seront stockés d’ici la fin de l’été, auxquels s’ajouteront les matériaux de décontamination des criques et rochers qui reprendront à la rentrée.
Les effets spéciaux de TOTAL
L’armada TOTAL se déploie sous les sunlights et emmène sur la croisette atlantique les journalistes et les écologistes ébahis par ce festival de flexibles et de mercenaires de l’offshore international. TOTAL fait la star grâce au scénario écrit avec le gouvernement et la préfecture maritime de Brest. Les autorités françaises ont mis de côté la loi du 7 juillet 1976 relative à la prévention et à la répression de la pollution marine. Elles ont omis de mettre en demeure l’armateur de l’Erika ou TOTAL de procéder au traitement des pollutions, au renflouement des épaves, et au ramassage des déchets sur le littoral. De telles procédures ont été enclenchées par les préfets maritimes ou les préfets de département, notamment à l’égard de Ciba-Geigy, producteur de pesticides échoués sur le littoral en 1993.
Culture Celte et marées noires
Extraits du livret de l’album “Culture Celte” diffusé par Universal. 50% des profits seront reversés à Robin des Bois. Ces textes ont été rédigés par Robin des Bois.
UNE APPROCHE CITOYENNE
La première fois que Robin des Bois s’est confronté à une marée noire, c’était en 1989 dans le Prince William Sound en Alaska, un pays d’orques, de loutres et de saumons. Le terminal pétrolier de Port-Valdez paraissait sûr. D’ailleurs, les experts dans leurs études de risques en arrivaient à la conclusion, tant étaient élevés les niveaux de sécurité, qu’une marée noire ne pouvait survenir qu’au rythme d’une fois tous les 241 ans. Ils ajoutaient que l’ensemble des dispositifs nautiques et des moyens de secours permettraient de circonscrire le pétrole, d’éviter le désastre écologique et les désordres économiques. Le problème, c’est qu’un pétrolier quasiment neuf, battant pavillon américain et servi par un équipage exclusivement américain s’est planté dans des rochers dont il n’avait strictement aucune raison de s’approcher. Le temps était calme, le parcours bien identifié puisque l’Exxon Valdez faisait régulièrement le voyage entre l’Alaska et la Californie, comme les baleines grises. Le désastre écologique est arrivé d’autant plus vite que beaucoup de moyens de secours étaient indisponibles.
Y a-t-il un toubib au gouvernement ?
Les valeurs limites d’exposition aux hydrocarbures volatils entrant dans la composition du fioul ramassé sur les plages et sur les rochers sont dépassées.
Dans les chantiers de décontamination des sites pollués par hydrocarbures, les intervenants ont un temps de travail sévèrement contrôlé et portent des équipements de protection physique et respiratoire, y compris en milieu ouvert.
L’exposition prolongée des bénévoles aux hydrocarbures volatils comme le naphtalène ou le toluène induit des migraines, des troubles du comportement comme l’agitation ou la confusion, des troubles digestifs, des lésions ou des irritations oculaires. Les enfants, les adolescents, les individus présentant un déficit en glucose, sujets à des dermatoses chroniques, présentant un dosage anormal de la numération sanguine sont particulièrement vulnérables.