Le Centre International de Traitement des Ordures Nocives, Citron SA, occupe depuis quelques années dans le port du Havre une zone dite UX réservée aux installations polluantes et marquée par des activités industrielles superposées où les point zéro et la traçabilité des responsabilités sont impossibles ou difficiles à réaliser. Cette zone UX fait partie de l’écosystème de l’estuaire de la Seine et utilise pour ses rejets liquides le grand canal maritime du Havre, une voie d’eau industrielle et maritime qui pourrait aussi s’appeler le grand dépotoir. Robin des Bois s’intéresse à l’évolution de cette zone depuis 1985.
A l’issue d’une enquête publique en cours jusqu’au 7 juillet 2006, Citron entend être autorisé à traiter 490.000 t/ an de déchets, dont des boues de station d’épuration, des Déchets d’Equipements Electriques et Electroniques (DEEE), des Résidus d’Epuration de Fumées d’Incinération d’Ordures Ménagères (REFIOM). Aujourd’hui l’autorisation est de 90.000 t.
Il faut en termes de communication et de développement durable que les choses soient claires. Citron traite des ordures, coupe les dures et en fait de l’or. De l’or noir comme tous ceux que la malchance ou la curiosité amènent dans cette zone UX peuvent le constater. Cette poudre noire présentée par Citron comme de l’oxyde de fer provient du traitement thermique de résidus de déchiquetage importés de Suisse. Sous le nom commercial de « capping », il était initialement promis à l’industrie cimentière ou aux techniques routières mais personne n’en veut à cause de ses teneurs importantes en benzène, toluène, ethylbenzène et xylène et en carbone organique total et de son instabilité chimique. Seules des décharges en Basse-Normandie et la décharge voisine d’Etares (Ecocentre de Traitement Actif de Résidus Solides) acceptent le « capping » en tant que matériaux de recouvrement des alvéoles en fin d’exploitation.
La Direction Régionale de l’Industrie, de la Recherche et de l’Environnement (Drire) a dit que cet usage du « capping » de Citron, «est toléré dans l’attente de l’aboutissement d’une filière». Cette tolérance se prolonge bien qu’un arrêté préfectoral de décembre 2005 relatif en particulier aux conditions de stockage des déchets ne soit pas à l’évidence respecté. Une mise en demeure serait en cours de rédaction pour obliger l’exploitant à respecter cet arrêté complémentaire. Le « capping » considéré par Citron comme un produit est logiquement défini par le Préfet de Seine-Maritime comme un résidu d’incinération et donc un mâchefer. Ce n’est pas seulement là une querelle académique. Fournir un produit c’est, pour Citron, entre autres agréments, être dispensé de payer la Taxe Générale sur les Activités Polluantes (TGAP). Citron a à ce sujet un contentieux avec les Douanes. La Drire a récemment ordonné des prélèvements sur le terril de « capping » pour vérifier sa conformité aux prescriptions de l’arrêté préfectoral. Les résultats ne seront pas connus avant plusieurs semaines et ne seront donc malheureusement pas pris en compte dans le cadre de l’enquête publique en cours.
C’est donc dans ce contexte consolidé d’incohérence technique, réglementaire et fiscale que Citron entre en enquête publique et prétend produire du CACAO, calcaire décarbonaté, du CHOCO, combustible de substitution, du CIROCO, un granulat utilisable en technique routière, et du CAFE, concentré de calcium et de fer utilisable en cimenterie. Rien n’est apporté dans le dossier sur la validité et la pérennité des débouchés commerciaux et donc sur les capacités d’évacuer les flux de déchets produits. Tous ces (sous) produits (de déchets) seraient en cours d’agrément et de reconnaissance technique par des organismes d’Etat comme le BRGM (Bureau de Recherches Géologiques et Minières), le CSTB (Centre Scientifique et Technique du Bâtiment) , le CETE (Centre d’Études Techniques de l’Équipement ) et par l’EEDEMS (Evaluation Environnementale des Déchets, Matériaux et Sols pollués) dont Robin des Bois membre de la Commission Nationale d’Aides aux sols pollués et de nombreux groupes de travail sur les sites et sols pollués n’a pas entendu parler.
Toutes les nouvelles demandes de Citron doivent être suspendues. Il convient préalablement d’obtenir des preuves sur l’homologation et l’aptitude à la commercialisation des déchets produits et de vérifier la conformité de l’exploitation et de son projet d’extension à l’intégralité des arrêtés préfectoraux et à toutes les autres réglementations nationales et internationales existantes et à venir, comme le programme européen REACH sur la sécurité des produits chimiques.
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