Comme des bêtes dans les bateaux-poubelles

17 juin 2021

Le rapport “78 bétaillères maritimes agréées par l’UE”, rédigé par Robin des Bois en partenariat avec Animal Welfare Foundation et Tierschutzbund Zürich est plus qu’accablant. Il est tranchant.

Communiqué Robin des Bois, Animal Welfare Foundation et Tierschutzbund Zürich . Vidéos ci-dessous

En mer, une machine-outil est transportée avec plus de soins qu’une vache et un lot d’ordinateurs avec plus de précautions qu’un troupeau de moutons.

Le rapport (1) rédigé par Robin des Bois en partenariat avec les ONG Animal Welfare Foundation et Tierschutzbund Zürich est plus qu’accablant. Il est tranchant. Les 78 bétaillères maritimes agréées par l’Union Européenne pour exporter les animaux d’élevage sont des camisoles flottantes et puantes où le bétail et les équipages sont réduits à l’état de marchandises et d’esclaves de la mondialisation.

La moyenne d’âge de ces bétaillères maritimes est de 41 ans alors qu’en 2020, la moyenne d’âge des navires de toutes catégories partis à la casse était de 29 ans.

Les armateurs bétaillers rachètent au prix de la ferraille des navires de charge promis aux chantiers de démolition. Dans des chantiers navals en mer Noire, ils empilent des ponts supplémentaires pour massifier la cargaison animale et ils disposent ainsi d’une flotte frelatée et bon marché sans avoir à investir dans des navires neufs et spécialement conçus pour transporter du fret vivant, fragile et complètement déboussolé par leur transit en mer. La superposition des ponts modifie le centre de gravité du navire originel, la stabilité de ces convertis est précaire. Le cas d’école de la Queen Hind est exemplaire. Son naufrage dans le port roumain de Midia fait l’objet dans le rapport d’une analyse détaillée.

La flotte de bétaillères maritimes agréées par l’Union Européenne n’est pas conforme à la Convention Marpol pour la prévention de la pollution par les navires. C’est une flotte de dégazeurs et de pollueurs atmosphériques.

43 bétaillères maritimes arborent les pires pavillons de complaisance : Togo, Comores, Palaos, Tanzanie et Sierra Leone. Les autres arborent des pavillons exotiques comme la Jamaïque, la Jordanie, le Liban, Panama, le Liberia, les îles Marshall ou Singapour. Les 2 seules à arborer un pavillon européen sont immatriculées au Luxembourg.

55 sont contrôlées par des sociétés de classification fantomatiques dont certaines sont établies en Grèce, à Chypre ou en Bulgarie grâce à la complaisance de l’Union Européenne.

Les 78 bétaillères maritimes agréées par l’Union Européenne totalisent au moins 411 détentions dans les ports du monde entier.

Au cours des années 2019 et 2020, elles ont cumulé 2504 déficiences en particulier dans le domaine des conditions de travail et de vie de l’équipage, de la sécurité incendie, de la conformité aux Conventions du travail maritime et Marpol. Les conditions de vie du bétail à l’intérieur des navires ne font pas partie des critères de déficiences tels qu’ils sont définis par les inspecteurs dans les ports.

Le rapport rédigé par l’ONG Robin des Bois en coopération avec ses consœurs allemande et suisse se lit comme un roman vrai de la piraterie maritime où se bousculent page après page les incendies meurtriers, les cadavres à la mer, les zoonoses en huis clos, les pavillons de complaisance, l’appât du gain et l’accoutumance à la cruauté. Les animaux pataugent dans leurs excréments, les litières sont détrempées, l’air intérieur est saturé par l’ammoniac des urines, l’eau d’abreuvage est tiède et insalubre. Là-haut le foin sur le sun deck est pourri par les orages et tombe à la mer pendant les tempêtes.

Seules 5 des bétaillères agréées par l’Union Européenne ont été conçues dès le départ pour le transport de bétail. Pour autant, elles ne peuvent pas être considérées comme sûres et exemplaires. Le Bahijah, âgé de 11 ans, a connu des problèmes graves de stabilité et de propulsion. A bord du Brahman Express 14 déficiences majeures ont été relevées en 2019 et 2020. Le Gelbray Express construit en Chine, âgé de 7 ans, a été détenu en Australie et aux Etats-Unis en 2017 et 2018. L’Ocean Drover, 19 ans, a été détenu 3 fois notamment en Chine et a été victime de pannes mécaniques ou de ventilation qui ont provoqué des mortalités importantes parmi les moutons et les bovins.

Ce rapport  devrait servir d’électrochoc à la DG Santé et sécurité alimentaire de l’Union Européenne qui a la haute main sur ce trafic d’un autre âge. En coopération avec la DG Transports, des mesures rapides, énergiques et contraignantes doivent être prises pour envoyer dans les meilleurs délais cette flotte vétuste à la démolition. Il s’agit aussi d’éviter qu’elle pourrisse à quai et soit reconvertie pour le transport de migrants en Méditerranée, ce qui s’est déjà produit en 2015 avec l’Ezadeen.

Aujourd’hui même, vers 12h, est attendu dans le port bétailler de Sète le Sarah M, ex-cargo réfrigéré converti en 2014 à l’âge de 35 ans en bétaillère maritime. Pavillon Panama, équipage cosmopolite. Propriétaire Jounieh Bay Shipping SA enregistré aux îles Marshall.

(1)

Le rapport, version française
78 bétaillères maritimes agréées par l’Union Européenne, Robin des Bois, Animal Welfare Foundation et Tierschutzbund Zürich, juin 2021 (pdf 167 pages, 6,4 Mo)

Version anglaise
78 EU-approved livestock carriers, Robin des Bois, Animal Welfare Foundation and Tierschutzbund Zürich, June 2021 (pdf 166 pages, 14,2 Mo)

Le communiqué commun de Robin des Bois, Animal Welfare Foundation et Tierschutzbund Zürich, 17 juin 2021 (pdf en anglais).

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