Commentaires de Robin des Bois sur le projet d’arrêté ministériel modifiant l’arrêté du 8 octobre 2018 fixant les règles générales de détention d’animaux d’espèces non domestiques
Défavorable
Parmi les éléments positifs de ce projet de modification de l’arrêté du 8 octobre 2018 fixant les règles générales de détention d’animaux d’espèces non domestiques, nous notons:
– l’obligation pour les établissements itinérants présentant au public des animaux d’espèces non domestiques de les marquer individuellement et de manière permanente,
– l’obligation de disposer de l’attestation d’un vétérinaire pour justifier de l’impossibilité de marquer un spécimen,
– l’obligation d’intégrer une estimation du coût d’entretien moyen annuel de l’animal lors de sa vente,
– l’obligation de faire la déclaration de détention préalablement à l’acquisition des animaux.
Pour autant, ce projet de modification suscite de la part de l’association Robin des Bois, observatrice à la CITES depuis 1989 et qui publie depuis 2013 un bulletin trimestriel d’information et d’analyses sur le trafic d’espèces animales menacées (“A la Trace”) les remarques suivantes:
– Art. 3 – II. Il est proposé d’inclure dans l’arrêté que “II. – Par exception, les animaux nés et élevés en captivité des espèces inscrites à l’annexe X du règlement n° 865/2006 du 4 mai 2006 sont exonérés de marquage, sauf si ces espèces sont annotées dans cette même annexe.” L’exonération de marquage pour ces spécimens d’espèces non domestiques nés et élevés en captivité augmente le risque de fraude et de blanchiment de spécimens sauvages introduits dans les “cheptels” pour le renouvellement du patrimoine génétique. Cette disposition est encore moins acceptable quand l’on sait que “par exception, le marquage peut être pratiqué par les éleveurs d’oiseaux pour le marquage par bague fermée des spécimens nés dans leurs propre élevage”. Le marquage est donc possible à moindre coût, sans passer par un vétérinaire.
– Art.3 – IV. L’obligation de marquage doit selon nous aussi s’appliquer aux spécimens “qu’il est prévu de relâcher dans le milieu naturel”. Un braconnier qui détient des animaux encore vivants (ex: passereaux, hérissons) peut prétendre qu’il allait les remettre dans le milieu naturel (“je les ai trouvés au bord de la route”). Robin des Bois est partie civile dans des procès de braconniers et de trafiquants, beaucoup d’entre eux se prétendent “passionnés des animaux” devant les juges et disent quand ils sont pris en flagrant délit que leur intention était justement de libérer les animaux. L’exemption de marquage devrait être réservée à une liste fermée de centres de soins de la faune sauvage reconnus par les services de l’Etat.
– Art.3 – IV, suite. L’obligation de marquage doit selon nous aussi s’appliquer aux spécimens nés et élevés dans un même élevage à une fin de consommation humaine. Cette exemption de “consommation humaine” n’a aucun sens si ce n’est de favoriser les élevages d’animaux à viande “exotique” comme les nandous. Les nandous sont victimes d’un trafic pour leurs plumes, ce que le texte ne prend pas en compte. Pour les espèces inscrites à l’Annexe B du règlement (CE) n° 338/97 du 9 décembre 1996, si aucune annotation à l’inscription en Annexe II de la CITES n’exclut expressément de son champ d’application “la consommation humaine”, cette disposition est à notre avis illégale.
– Art 4. Nous sommes défavorables au retrait de l’obligation d’avoir une autorisation préfectorale pour la sortie de leur lieu de détention des animaux non marqués par transpondeur à radiofréquences. Une “photographie de l’aspect général” n’est pas suffisante pour permettre aux agents de lutte contre la fraude d’identifier un spécimen d’une espèce de serpents venimeux.
– Art 7- III. La déclaration de marquage comprend notamment “l’origine (naissance en captivité, importation)”. Ajouter à la suite de cette phrase “si elle est connue” revient à valider une déclaration de marquage d’un spécimen d’origine inconnue, donc potentiellement issu du trafic. Art 7-IV. Le changement d’adresse de détention et la déclaration de remise en liberté devraient être également des informations à mettre à jour. Sauf erreur, il n’y a pas de délai pour la communication de ces changements. Comme pour la cession, ce délai devrait être de huit jours.
Art 7-VI. Il est proposé d’insérer que “L’obligation d’inscription dans le fichier national d’identification ne s’applique pas aux spécimens qu’il est prévu de réintroduire dans le milieu naturel.” Comme indiqué plus haut, cette disposition n’est pas assez claire et cadrée pour éviter la fraude et les détournements. Art.8- Il y a aucune raison objective que les détenteurs d’appelants utilisés à la chasse échappent à l’encadrement très spécifique de la détention d’animaux non domestiques de cet arrêté. Nous sommes donc contre cette exemption “chasse”.
Art. 13- Il est proposé d’ajouter que la détention est soumise à déclaration notamment lorsque “la détention de rapaces en vue de la chasse au vol ne dépasse pas un effectif total de 6 spécimens”. Cette disposition n’est pas claire au regard du tableau de l’Annexe II. A moins qu’il ne s’agisse d’une deuxième exemption “chasse”. Sans doute faut-il voir là une demande de l’Association Nationale des Fauconniers et Autoursiers français (ANFA). Nous sommes opposés au passe-droit pour la chasse au vol. Article 16- La justification de l’origine légale du spécimen devrait être dans tous les dossiers de déclaration, quelle que soit sa provenance.
Annexe II- La révision de cet arrêté aurait dû être l’occasion d’abaisser certains seuils. Les caméléons casqués et les caméléons panthère inscrits en Annexe II de la CITES devraient être détenus après obtention d’un certificat de capacité et d’une autorisation d’ouverture dès le premier spécimen et il est toujours étonnant de lire que l’on peut avoir à la maison jusqu’à 3 boas constricteurs sans aucune formalité. Ce ne sont que des exemples et dans “A la Trace” en France, en Allemagne et dans d’autre pays de l’Union européenne, les abandons de boas se multiplient (en plein hiver).
– Les dendrobates qui font l’objet d’un fort trafic international devraient également être détenus après obtention d’un certificat de capacité et d’une autorisation d’ouverture, dès le premier spécimen. A terme ils devraient être exclus de la liste positive.
– Enfin, le projet d’arrêté ouvre la porte aux trafics fait sous l’appellation “d’hybrides”. Les hybrides doivent selon Robin des Bois être encadrés selon le régime le plus contraignant applicable au parent non domestique. Les parents ont parfois été importés illégalement en Europe et les descendants sont eux aussi des victimes issues du trafic. Dans un cas de trafic faunique, le tribunal judiciaire de Charleville Mézières dans un jugement en date du 04/07/2022 indique: “Il résulte des investigations réalisées que ces deux animaux n’ont pas été identifiés comme un serval et un caracal mais comme un savannah (…) et un caracat (…). Aucun de ces deux animaux n’ont d’ailleurs été identifiés sur le fichier IFAP (réservé aux animaux appartenant à la faune sauvage) mais sur le fichier ICAD , réservé aux animaux domestiques, ce procédé ayant permis à M. X de ne pas attirer l’attention des autorités sur le caractère illicite de la détention de ces animaux, et ce en violation de l’article 7 de l’arrêté du 8 octobre 2018 imposant aux propriétaires de tels animaux de procéder à leur inscription au fichier national des animaux d’espèces non domestiques”. De même, en octobre 2023, dans la Province de Hollande Septentrionale, Pays-Bas, un chat du Bengale de première génération, issu d’un croisement entre un chat-léopard du Bengale et un chat domestique a été saisi chez un particulier. Il avait été importé illégalement dans l’Union européenne. La condamnation aux Etats-Unis d’Arthur “Jack” Schubarth en septembre 2024 montre que promouvoir ou du moins faciliter la circulation d’hybrides ouvre la voie à de la sorcellerie génétique (hybride de mouflon d’Amérique et d’argali de Marco Polo de ce cas, cf. “A la Trace” n°44 p. 64). En Italie, les “chimères” telles que les tigrons (hybrides de tigres et de lions), les savannahs issus du croisement entre des chats domestiques et des servals ou les croisements entre sous-espèces de tigres sont interdits pour endiguer l’importation d’animaux exotiques sauvages convertis en animaux de compagnie. La France devrait suivre cette voie.
Pour conclure, nous attendons avec impatience la liste positive des espèces non domestiques dont la détention en tant qu’animal de compagnie est autorisée et Robin des Bois reste à la disposition du ministère pour échanger à ce sujet. Cette liste devient urgente en France et dans tous les pays de l’Union européenne.
