L’inventaire des petits incinérateurs fermés réalisé par Robin des Bois dans les régions PACA et Corse a permis d’identifier 39 sites potentiellement pollués dont 11 dans le seul département des Alpes-Maritimes : Bonson, Cannes, Guillaumes, Isola, Le-Bar-sur-Loup, Le Moulinet, Saint-Martin-Vésubie, Tende, Tourette-Levens, Utelle, Valderoure. Ces installations, dont les bâtiments sont en totalité ou en partie encore debout ou reconvertis, menacent la santé publique et l’environnement. Les dépôts adjacents de mâchefers et de cendres contenant et libérant des dioxines et un cortège de polluants toxiques et persistants constituent la source principale de risques.
L’enquête a montré que la mémoire était courte et que les traces écrites d’un site industriel se biodégradent beaucoup plus vite que les déchets sous-produits. Face à l’amnésie ou à la rétention de certaines collectivités locales et administrations, Robin des Bois a décidé d’effectuer des visites de terrain. Elles ont confirmé nos craintes : certains sites sont de véritables menaces pour l’environnement et ne font malheureusement pas à ce jour l’objet d’Evaluations Simplifiées des Risques (ESR). C’est tout particulièrement le cas de l’incinérateur de Guillaumes. Selon des témoignages, l’incinérateur était conduit par un seul employé qui occupait à la fois les fonctions de pontier (transfert des ordures de la fosse vers le four par manutention du grappin), de conducteur du four (surveillance des conditions de combustion) et de collecteur des cendres (elles étaient retirées manuellement à la pelle). Les fumées ne se contentaient pas de sortir par la cheminée mais passaient également par les interstices du toit, contaminant au passage l’ouvrier. L’exploitant était la société NOVERGIE. La fermeture du four en décembre 2002 n’a malheureusement pas mis fin aux pollutions. Des milliers de tonnes de mâchefers et de cendres ont été déversées dans le ravin situé en contrebas de l’incinérateur. Rincés par les eaux de pluie, ces résidus relarguent leurs polluants (métaux lourds, dioxines), contaminent les sols, le cours d’eau qui traverse le massif de déchets et peut-être la nappe phréatique. Ce site mérite donc une attention particulière et doit faire l’objet d’un mémoire de fermeture et d’une ESR.
Sur la commune de Moulinet, l’incinérateur, un bel édifice en pierre de taille, a cessé de fonctionner depuis 1990. Il est toujours en l’état et les mâchefers et les cendres ont été vidés dans le ravin. En contrebas, coule la Bévéra. Il n’a fait l’objet d’aucun diagnostic de pollution. A Bonson, l’incinérateur est en l’état, les mâchefers et les cendres ont été évacués dans la décharge brute située à proximité.
Les sites d’Isola et de Valderoure ont fait l’objet de diagnostics de pollution. Ils présentent cependant des carences. A Isola, le paramètre dioxines n’a pas été analysé dans les mâchefers et les sols. Or, cela permettrait d’obtenir des indications sur la contamination potentielle du site et de ses environs (zone située dans le panache des fumées) et d’envisager éventuellement une étude sanitaire des populations soumises aux émissions de l’incinérateur. A Valderoure, une analyse de dioxines dans les rejets atmosphériques a été effectuée. Elle ne nous a pas été transmise malgré plusieurs demandes au préfet. Sur l’emprise du site de l’incinérateur était implantée la maison du gardien. Ce dernier exerçait par ailleurs une activité d’élevage de volailles et de lapins à vocation commerciale. Dans ce contexte, une étude sanitaire nous semble indispensable.
Robin des Bois demande que l’ensemble des 11 sites des Alpes-Maritimes fassent l’objet d’évaluation des risques, que des cartographies de la répartition des dépôts secs de polluants et des études sanitaires soient effectuées dans les cas les plus défavorables. Enfin, ces installations devront être démantelées conformément au protocole en cours d’élaboration au sein d’un groupe de travail au ministère de l’Ecologie dont Robin des Bois fait partie.
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