Les défenseurs de la nature saluent les mesures destinées à renforcer la protection légale des éléphants au niveau international.
Alors que le Kenya s’apprête à brûler 105 tonnes d’ivoire ce samedi 30 avril – soit la plus grande quantité d’ivoire jamais détruite en Afrique et sept fois plus que tout stock d’ivoire jamais détruit jusqu’à présent –, des Organisations Non Gouvernementales qui œuvrent en faveur de la protection des éléphants se félicitent de la stratégie des pays africains qui veulent obtenir une interdiction définitive du commerce international de l’ivoire et la destruction des stocks d’ivoire dans le monde entier.
Hier, au nom des 27 pays membres de la Coalition pour l’Éléphant d’Afrique (CEA), les co-présidents, le Bénin et le Kenya, au côté de plusieurs autres pays, ont soumis cinq propositions convergentes pour examen à la 17e session de la Conférence des Parties (CoP17) de la CITES, la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction, qui se tiendra à Johannesburg du 24 septembre au 5 octobre 2016. Elles préconisent l’interdiction du commerce international de l’ivoire, la fermeture des marchés intérieurs et la destruction des stocks d’ivoire afin de garantir la survie à long terme des éléphants en Afrique et en Asie. L’une des propositions vise à réinscrire tous les éléphants d’Afrique à l’Annexe I de la CITES afin qu’ils bénéficient du niveau le plus élevé de protection internationale.
« Les populations d’éléphants d’Afrique baissent à un rythme alarmant. Le monde doit agir dès maintenant et interdire le commerce de l’ivoire de façon catégorique et définitive avant qu’il ne soit trop tard. Il est vital que les populations d’éléphants en Afrique soient toutes regroupées dans l’Annexe I », a déclaré Vera Weber, présidente de la Fondation Franz Weber.
« Nous saluons les gouvernements qui, unis au sein de la Coalition pour l’Éléphant d’Afrique, présentent une série de mesures ambitieuses qui permettraient aux éléphants de bénéficier du meilleur statut de protection international. Nous exhortons toutes les Parties à la CITES à soutenir cette démarche et à contribuer à sauver les derniers éléphants de la planète », a ajouté Sally Case, PDG de la David Shepherd Wildlife Foundation.
« Il est clair que toutes les tentatives précédentes d’autoriser un commerce de l’ivoire légal et contrôlé ont échoué. Nous pouvons inverser la tendance en fermant les marchés légaux qui favorisent le blanchiment issu de l’ivoire braconné ou récupéré de stocks d’ivoire », a déclaré Daniela Freyer, co-fondatrice de Pro Wildlife.
« Dans le monde entier, de plus en plus de gouvernements s’engagent dans la lutte contre le braconnage des éléphants, que ce soit par la fermeture programmée des marchés intérieurs d’ivoire, l’interdiction des importations ou des exportations d’ivoire ou encore la destruction des stocks d’ivoire. Il est temps pour la communauté internationale réunie au sein de la CITES de mettre un terme au commerce de l’ivoire à l’échelle mondiale », a déclaré Charlotte Nithart, directrice de l’Association Robin des Bois.
* * *
Notes :
La CITES est entrée en vigueur en 1975 et réglemente le commerce de plus de 35 000 espèces de faune et de flore. Actuellement, elle compte 182 pays signataires.
Les cinq propositions soumises par la Coalition pour l’Éléphant d’Afrique sont axées autour des thèmes suivants :
1. Inscription de tous les éléphants d’Afrique à l’Annexe I de la CITES. En 1989, toutes les populations d’éléphants d’Afrique ont été inscrites à l’Annexe I de la CITES, interdisant de manière efficace le commerce international de l’ivoire. Toutefois, cette protection a été affaiblie en 1997 et 2000 quand les populations d’éléphants de quatre pays (Botswana, Namibie, Afrique du Sud et Zimbabwe) ont été rétrogradées à l’Annexe II (correspondant à un statut de menace moins importante) pour permettre la vente de stocks d’ivoire au Japon en 1999 et à la Chine et au Japon en 2008. Contrairement aux arguments avancés à l’époque par les auteurs de cette proposition, le déclassement et ces ventes de stocks d’ivoire, loin de faire reculer le braconnage, ont au contraire engendré une recrudescence du commerce illicite de l’ivoire et du braconnage des éléphants pour faire face à la hausse de la demande, notamment après la seconde vente qui a impliqué la Chine. La proposition soumise par les membres de la Coalition pour l’Éléphant d’Afrique (CEA) recommande le transfert en Annexe I des quatre populations d’éléphants classées actuellement à l’Annexe II de la CITES, ce qui permettra à tous les éléphants d’Afrique et d’Asie de bénéficier du même niveau de protection – le plus élevé – dans le cadre de la Convention. Le commerce international de l’ivoire sera interdit par le droit international. Les populations d’éléphants sont particulièrement touchées par les tueries illégales sur l’ensemble du continent africain. Une inscription universelle à l’Annexe I permettra de proscrire le commerce de l’ivoire, de simplifier l’application de la loi et d’adresser un message clair au monde entier quant à la détermination mondiale à mettre un terme à l’extinction des éléphants d’Afrique.
2. Fermeture des marchés intérieurs à l’ivoire d’éléphant. Cette mesure complète la proposition concernant l’Annexe I en proposant que la CITES recommande à tous les gouvernements de fermer leur marché intérieur au commerce d’ivoire brut et travaillé. De nombreux pays continuent à autoriser le commerce intérieur, qui alimente la demande en ivoire et offre des possibilités de blanchiment d’ivoire braconné, souvent sous prétexte qu’il s’agit de pièces antiques ou d’origine légale. Plusieurs pays, dont la Chine et les États-Unis, ont d’ores et déjà annoncé des mesures visant la fermeture de leur marché intérieur. La proposition de la CEA élargit cette approche à l’ensemble des pays du monde.
3. Destruction des stocks d’ivoire. Les saisies d’ivoire braconné ont gonflé les stocks d’ivoire officiels détenus dans les pays de l’aire de répartition, les pays de transit et les pays consommateurs. De nombreux pays signataires de la CITES ont déjà commencé à détruire publiquement des stocks d’ivoire, ce qui est un moyen de signaler clairement qu’il faut interdire le commerce de l’ivoire afin de sauver les éléphants. La proposition de la CEA encourage la destruction des stocks d’ivoire et charge le Secrétariat de la CITES de fournir les meilleures orientations techniques sur l’inventaire, l’audit, la gestion et l’élimination des stocks d’ivoire, y compris sur les prélèvements d’ADN pour en déterminer l’origine.
4. Arrêt du mécanisme décisionnel de légalisation du commerce de l’ivoire. Depuis neuf ans, la CITES examine un mécanisme décisionnel (MPD) qui aboutirait à un système de commerce international d’ivoire légal. Outre le fait qu’il n’y aucune perspective d’accord de la part des gouvernements, poursuivre ce débat favorise le braconnage et le stockage d’ivoire en vue d’un futur commerce « légalisé ». Une analyse économique montre que cela risquerait d’entraîner une recrudescence du commerce de l’ivoire avec des conséquences désastreuses sur les éléphants. La proposition de la CEA mettrait un terme au débat sur le MPD mené par la CITES.
5. Interdiction de l’exportation d’éléphants d’Afrique vivants. Cette proposition mettrait un terme à l’exportation d’éléphants d’Afrique hors de leur aire de répartition naturelle, y compris vers des zoos étrangers. Cette mesure irait dans le sens des conclusions de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) selon lesquelles le fait de retirer les éléphants d’Afrique de leur milieu naturel pour un usage captif ne présente aucun avantage direct pour leur conservation, cela perturbe les populations sauvages et entraîne des taux élevés de mortalité et de maladie en captivité.
Imprimer cet article