Sommaire
I- Le paquebot est devenu la destination de la croisière
II – Les paquebots de plus de 2.500 passagers
III – Les catastrophes d’abord, la réglementation ensuite
Règles et exceptions
Le rassemblement
L’évacuation
IV – Ce qui vous attend
Feu, feu, feu
Choc, choc, choc
L’effet bascule
Echouages
Navire de croisière ou navire hôpital
La cible
V – Comment allez-vous polluer ?
VI- Le Titanic et les Gigantic vus par Joseph Conrad, marin et écrivain
Sources
I- Le paquebot est devenu la destination de la croisière
Le paquebot traditionnel transportait des passagers d’un point à un autre en ligne régulière. Dans les périodes creuses, certains d’entre eux étaient affectés à des croisières d’agrément vers des contrées touristiques (Canaries, mer Egée, fjords norvégiens, Caraïbes), mais ces prestations n’étaient en fait accessibles qu’à une élite fortunée qui en avait le temps et les moyens.
La concurrence du transport aérien a amené certains armateurs de ligne à se reconvertir dans la croisière en transformant leurs navires ou en passant commande d’unités spécifiquement conçues. La croisière a commencé à se démocratiser, mais sans devenir un loisir de masse.
Les choses vont changer en 1966. La croisière « moderne » apparaît avec la mise en service entre Miami et les Caraïbes du Sunward des Norwegian Caribbean Lines, animées par un certain Ted Arison associé au norvégien Knut Kloster. La clientèle découvre alors un nouveau type de croisière : navire moderne, classe unique, prix raisonnables, ambiance détendue qui tranche avec l’image guindée véhiculée jusqu’ici par la croisière.
En lançant en 1972 la Carnival Cruise Line, Ted Arison développe le concept de « fun ship » où c‘est le navire lui-même – avec de multiples attractions à bord – qui est la vraie destination plutôt que les escales au programme : « Carnival opère dans l’industrie des vacances, et non dans l’industrie de la croisière ». La concurrence ne vient pas des autres compagnies, mais bien plutôt de Las Vegas ou d’Orlando qu’on observe de près pour en suivre l’évolution et y pêcher éventuellement des idées. Un paquebot Carnival se décrit comme « un centre complet de vacances flottant à bord duquel les passagers peuvent se distraire pratiquement 24 heures sur 24 ». Cette conception partagée par plusieurs autres compagnies va entraîner le développement de la croisière de masse.
Pour maintenir des prix attractifs à destination des classes moyennes tout en conservant leurs marges, les armateurs en concurrence les uns avec les autres, font construire au fil des années des paquebots de plus en plus grands de façon à répartir les charges (équipage, propulsion…) sur un nombre plus important de passagers. En 1999, le Voyager of the Seas est le plus grand paquebot du monde avec 3.100 passagers. En 2009, on en est à 5.400 avec l’Oasis of the Seas.
La croissance de la taille des navires n’a pas qu’un objectif économique. Plus les navires sont grands, plus ils peuvent offrir d’« amenities », ces attractions diverses et variées que sont les piscines, spas, centre de fitness, salons de beauté, centres commerciaux, espaces enfants, salles de spectacle, nightclubs, casinos, mini golfs, voire murs d’escalade ou pistes de jogging… qui vont séduire les passagers – qu’on appelle désormais « hôtes » (guests) – autant voire plus que les escales figurant à l’itinéraire.
Surtout à bord des navires d’obédience américaine, le clinquant est de règle, mais cela ne fait pas pour autant de ces paquebots des navires de luxe. Ce qualificatif s’applique plutôt aux unités de plus petite taille. On évolue aussi vers une sophistication des cabines, plus grandes, plus confortables, avec balcons sur la mer…
L’intérêt des escales – dont la durée se raccourcit – devient un peu secondaire. Les armateurs mettent sur le marché de plus en plus de croisières d’une semaine, voire seulement quelques jours, à la fois pour attirer des clients à budget serré (plus c’est court, moins c’est cher) ou manquant de temps libre. De plus, la taille de ces navires ne leur permet d’accéder qu’à un nombre limité de ports, d’où un nombre d’escales a priori réduit dans chaque rotation.
Une intense publicité aux Etats-Unis a imposé la croisière comme un mode de vacances parmi d’autres. La série télévisée « The Love Boat » diffusée de 1977 à 1987 (« La croisière s’amuse » lors de sa diffusion en France) dont l’une des vedettes a été le paquebot Pacific Princess, a joué un grand rôle à cet égard outre Atlantique. Il vient d’ailleurs de quitter Gênes pour un chantier de démolition en Turquie.
Pour la clientèle, le grand paquebot, c’est l’assurance du dépaysement, de la sortie du quotidien, de la fête garantie dans une véritable ville flottante où l’on se permet des extras qu’on s’interdit dans la vie courante. On y vient pour passer un bon moment en famille ou entre amis. Même si cela représente parfois une gêne pour certains, le grand paquebot est aussi l’occasion de se défouler en masse.
Le nombre de passagers de croisière dans le monde s’est élevé à 18,7 millions en 2010 dont 10,5 millions en Amérique du Nord et 5,5 millions en Europe. Par rapport à 2006, on constate que le nombre de passagers a stagné en Amérique du Nord, mais a progressé de 57 % en Europe (estimations de la Royal Caribbean Cruise Ltd.).
II – Les paquebots de plus de 2.500 passagers
Puisqu’il faut bien fixer un seuil à partir duquel un paquebot de croisière peut être considéré comme « de grande capacité », nous avons fixé cette limite à 2.500. Ceci posé, il y a actuellement en service 97 paquebots de plus de 2.500 passagers. La capacité en passagers peut se compter de différentes manières. Aussi avons-nous indiqué d’une part, la capacité en fonction de la « double occupation » (c’est-à-dire le nombre de cabines multiplié par deux) qui est la formule standard de la profession, et d’autre part, la capacité maximale qui suppose que tous les lits pour passagers soient occupés. Ainsi, les Oasis of the Seas et Allure of the Seas de Royal Caribbean International, actuellement les plus grands navires de croisières du monde, peuvent accueillir jusqu’à un maximum de 6.360 passagers alors que leur capacité en « double occupation » est de 5.400 personnes. Il ne faut pas oublier qu’il y a également à bord les membres d’équipage, soit entre 1.000 et 1.300 personnes selon les compagnies et la taille des navires. Dans le cas des Oasis et Allure of the Seas, le nombre de membres d’équipage se chiffre à 2.100 personnes, ce qui signifie qu’on peut compter à bord jusqu’à 8.460 personnes.
Ces 97 paquebots n’arborent que six pavillons. Les couleurs des Bahamas et du Panama sont largement en tête avec respectivement 35 et 26 navires. Viennent ensuite les pavillons de l’Italie (16 unités), des Bermudes (14), de Malte (5) et des Pays-Bas (1).
Pour la saison d’été prochaine, près de la moitié des grands paquebots sont basés aux Etats-Unis (45 sur 97). Un autre contingent important (33 unités) se retrouvera en Méditerranée, tandis que l’Europe du Nord, notamment la Baltique et les fjords norvégiens, recevront 16 navires. Dans cette taille de paquebots, seulement deux unités sont positionnées en Asie, le Voyager of the Seas de Royal Caribbean International et le Superstar Virgo du groupe malaisien Star Cruises. Le Queen Mary 2 de la Cunard constitue un cas particulier dans la mesure où son activité principale (mais non exclusive) est la traversée Southampton/New York et retour.
Les navires de grande capacité ont nettement la préférence des armateurs puisque, sur les 16 paquebots restant en construction ou en commande après les mises en service du mois de mai, il y en a 13 de plus de 2.500 passagers. Il n’y a pour le moment aucune commande dépassant la capacité actuellement record de 5.400 (en double occupation), ni même s’en approchant.
Groupe Carnival Corporation (USA)
CARNIVAL CRUISE LINES (USA)
Navire | Pavillon | Année | Constructeur | Long. (mètres) | Capacité
(double occupation) |
Capacité maximum
(approx.) |
Principale affectation (été 2012) |
Carnival Breeze | Panama | 2012 | Fincantieri | 306 | 3690 | 4600 | Méditerranée |
Carnival Conquest | Panama | 2002 | Fincantieri | 290 | 2974 | 3783 | Miami/Caraïbes |
Carnival Destiny | Bahamas | 1996 | Fincantieri | 272 | 2642 | 3360 | Miami/Caraïbes |
Carnival Dream | Panama | 2009 | Fincantieri | 305 | 3646 | 3652 | Port Canaveral/Mexique, Caraïbes |
Carnival Ecstacy | Panama | 1991 | Kvaerner | 262 | 2056 | 2634 | Port Canaveral/Bahamas |
Carnival Elation | Panama | 1998 | Kvaerner | 262 | 2052 | 2634 | New Orleans/Mexique |
Carnival Fantasy | Panama | 1990 | Masa-Yards | 260 | 2056 | 2624 | Charleston/Bahamas |
Carnival Fascination | Bahamas | 1994 | Kvaerner | 262 | 2052 | 2594 | Jacksonville/Bahamas |
Carnival Freedom | Panama | 2007 | Fincantieri | 290 | 2974 | 3783 | Fort Lauderdale/Caraïbes |
Carnival Glory | Panama | 2003 | Fincantieri | 290 | 2974 | 3783 | Boston ou New York/Canada |
Carnival Imagination | Bahamas | 1995 | Kvaerner | 262 | 2052 | 2634 | Miami/Mexique |
Carnival Inspiration | Bahamas | 1996 | Kvaerner | 262 | 2052 | 2634 | Los Angeles/Mexique |
Carnival Legend | Panama | 2002 | Kvaerner | 293 | 2124 | 2667 | Tampa/Mexique |
Carnival Liberty | Panama | 2005 | Fincantieri | 290 | 2978 | 3700 | Miami/Caraïbes |
Carnival Magic | Panama | 2011 | Fincantieri | 305 | 3690 | 4600 | Galveston/Mexique, Caraïbes |
Carnival Miracle | Panama | 2004 | Kvaerner | 293 | 2124 | 2680 | New York/Caraïbes |
Carnival Paradise | Panama | 1998 | Kvaerner | 262 | 2052 | 2594 | Tampa/Mexique |
Carnival Pride | Panama | 2001 | Kvaerner | 293 | 2124 | 2680 | Baltimore/Bahamas |
Carnival Sensation | Bahamas | 1993 | Kvaerner | 262 | 2052 | 2634 | Port Canaveral/Bahamas |
Carnival Spirit | Panama | 2001 | Kvaerner | 293 | 2124 | 2680 | Seattle/Alaska |
Carnival Splendor | Panama | 2008 | Fincantieri | 290 | 3006 | 3540 | Los Angeles/Mexique |
Carnival Triumph | Bahamas | 1999 | Fincantieri | 273 | 2758 | 3360 | Galveston/Mexique |
Carnival Valor | Panama | 2004 | Fincantieri | 290 | 2974 | 3783 | Miami/Caraïbes |
Carnival Victory | Panama | 2000 | Fincantieri | 273 | 2758 | 3360 | Porto Rico/Caraïbes |
HOLLAND AMERICA LINE (USA)
Navire | Pavillon | Année | Constructeur | Long. (mètres) | Capacité
(double occupation) |
Capacité maximum
(approx.) |
Principale affectation (été 2012) |
Nieuw Amsterdam | Pays-Bas | 2010 | Fincantieri | 285 | 2106 | 2671 | Venise/Méditerranée |
COSTA CROCIERE (Italie)
Navire | Pavillon | Année | Constructeur | Long. (mètres) | Capacité
(double occupation) |
Capacité maximum
(approx.) |
Principale affectation (été 2012) |
Costa Atlantica | Italie | 2000 | Kvaerner | 293 | 2114 | 2680 | Méditerranée |
Costa Deliziosa | Italie | 2010 | Fincantieri | 294 | 2260 | 2828 | Amsterdam/Norvège, Méditerranée/Canaries |
Costa Fascinosa | Italie | 2012 | Fincantieri | 290 | 3016 | 3800 | Venise/Méditerranée |
Costa Favolosa | Italie | 2011 | Fincantieri | 290 | 3016 | 3800 | Venise/Méditerranée |
Costa Fortuna | Italie | 2003 | Fincantieri | 272 | 2716 | 3470 | Norvège, Baltique |
Costa Luminosa | Italie | 2009 | Fincantieri | 294 | 2260 | 2826 | Copenhague/Baltique, Norvège, puis Méditerranée |
Costa Magica | Italie | 2004 | Fincantieri | 272 | 2716 | 3470 | Nice-Savone/Méditerranée |
Costa Mediterranea | Italie | 2003 | Kvaerner | 293 | 2114 | 2680 | Méditerranée, Mer Noire |
Costa Pacifica | Italie | 2009 | Fincantieri | 290 | 3008 | 3780 | Norvège, Baltique |
Costa Serena | Italie | 2007 | Fincantieri | 290 | 3000 | 3780 | Marseille/Méditerranée |
Costa X | – | 2014 | Fincantieri | – | 3700 | 4900 | En commande |
CUNARD LINE (Royaume-Uni)
Navire | Pavillon | Année | Constructeur | Long. (mètres) | Capacité
(double occupation) |
Capacité maximum
(approx.) |
Principale affectation (été 2012) |
Queen Mary 2 | Bermudes | 2003 | St. Nazaire | 345 | 2620 | 3090 | Southampton/New York, Norvège |
P&O CRUISES (Royaume-Uni)
Navire | Pavillon | Année | Constructeur | Long. (mètres) | Capacité
(double occupation) |
Capacité maximum
(approx.) |
Principale affectation (été 2012) |
Arcadia | Bermudes | 2005 | Fincantieri | 285 | 2016 | 2556 | Southampton/Méditerranée, Norvège, Baltique |
Azura | Bermudes | 2010 | Fincantieri | 290 | 3100 | 3597 | Southampton/Méditerranée, Espagne, Scandinavie |
Ventura | Bermudes | 2008 | Fincantieri | 290 | 3078 | 3597 | Southampton/Méditerranée, Espagne, Scandinavie |
X | – | 2015 | Fincantieri | 3600 | 4372 | En commande |
PRINCESS CRUISES (USA)
Navire | Pavillon | Année | Constructeur | Long. (mètres) | Capacité
(double occupation) |
Capacité maximum
(approx.) |
Principale affectation (été 2012) |
Caribbean Princess | Bermudes | 2004 | Fincantieri | 290 | 3080 | 3796 | Southampton/Europe du Nord, New York/Canada |
Coral Princess | Bermudes | 2002 | St. Nazaire | 294 | 1970 | 2581 | Vancouver/Alaska |
Crown Princess | Bermudes | 2006 | Fincantieri | 289 | 3080 | 3599 | Venise/Méditerranée/Civitavecchia |
Diamond Princess | Bermudes | 2004 | Mitsubishi | 290 | 2670 | 3290 | Vancouver/Alaska |
Emerald Princess | Bermudes | 2007 | Fincantieri | 289 | 3080 | 3599 | Copenhague/Baltique |
Golden Princess | Bermudes | 2001 | Fincantieri | 290 | 2590 | 3100 | Seattle/Alaska |
Grand Princess | Bermudes | 1998 | Fincantieri | 290 | 2590 | 3100 | Southampton/Méditerranée, Scandinavie |
Ruby Princess | Bermudes | 2008 | Fincantieri | 289 | 3080 | 3599 | Barcelone/Méditerranée/Venise |
Sapphire Princess | Bermudes | 2004 | Mitsubishi | 290 | 2670 | 3290 | Vancouver/Alaska |
Star Princess | Bermudes | 2002 | Fincantieri | 290 | 2590 | 3300 | Seattle/Alaska |
Royal Princess | – | 2013 | Fincantieri | – | 3600 | – | En commande |
X | – | 2014 | Fincantieri | – | 3600 | – | En commande |
AIDA CRUISES (Allemagne)
Navire | Pavillon | Année | Constructeur | Long. (mètres) | Capacité
(double occupation) |
Capacité maximum
(approx.) |
Principale affectation (été 2012) |
Aidabella | Italie | 2008 | Meyer | 252 | 2050 | 2500 | Majorque/Méditerranée |
Aidablu | Italie | 2010 | Meyer | 253 | 2192 | 2800 | Warnemünde/Baltique |
Aidadiva | Italie | 2007 | Meyer | 252 | 2050 | 2500 | Antalya (Turquie)/Méditerranée |
Aidaluna | Italie | 2009 | Meyer | 252 | 2050 | 2500 | Hambourg/Norvège, New York/Bermudes, Bahamas |
Aidamar | Italie | 2012 | Meyer | 253 | 2192 | 2800 | Hambourg/Norvège et Islande ; Hambourg/Le Havre |
Aidasol | Italie | 2011 | Meyer | 253 | 2192 | 2800 | Warnemünde/Baltique |
Aidastella | – | 2013 | Meyer | 253 | 2192 | 2800 | En construction |
X | – | 2015 | Mitsubishi | – | 3250 | – | En commande |
Y | – | 2016 | Mitsubishi | – | 3250 | – | En commande |
Groupe Royal Caribbean Cruises Ltd (USA)
ROYAL CARIBBEAN INTERNATIONAL (USA)
Navire | Pavillon | Année | Constructeur | Long. (mètres) | Capacité
(double occupation) |
Capacité maximum
(approx.) |
Principale affectation (été 2012) |
Adventure of the Seas | Bahamas | 2001 | Kvaerner | 311 | 3100 | 3807 | Malaga/Méditerranée, Canaries |
Allure of the Seas | Bahamas | 2010 | STX Finland | 360 | 5400 | 6360 | Fort Lauderdale/Caraïbes |
Brilliance of the Seas | Bahamas | 2002 | Meyer | 292 | 2100 | 2502 | Amsterdam et Le Havre/Norvège |
Enchantment of the Seas | Bahamas | 1997 | Kvaerner | 301 | 2250 | 2730 | Baltimore/Bermudes |
Explorer of the Seas | Bahamas | 2000 | Kvaerner | 311 | 3100 | 3840 | Bermudes, Caraïbes |
Freedom of the Seas | Bahamas | 2006 | Aker | 339 | 3600 | 4375 | Port Canaveral/Caraïbes |
Independence of the Seas | Bahamas | 2008 | Aker | 339 | 3600 | 4375 | Southampton/Canaries, Méditerranée |
Jewel of the Seas | Bahamas | 2004 | Meyer | 293 | 2100 | 2502 | Harwich/Baltique |
Liberty of the Seas | Bahamas | 2007 | Aker | 339 | 3600 | 4375 | Barcelone et Toulon/Méditerranée |
Majesty of the Seas | Bahamas | 1992 | St. Nazaire | 268 | 2350 | 2767 | Miami/Bahamas |
Mariner of the Seas | Bahamas | 2003 | Kvaerner | 311 | 3100 | 3807 | Civitavecchia/Méditerranée |
Monarch of the Seas | Bahamas | 1991 | St. Nazaire | 268 | 2350 | 2766 | Port Canaveral/Bahamas |
Navigator of the Seas | Bahamas | 2002 | Kvaerner | 311 | 3100 | 3807 | Civitavecchia/Méditerranée |
Oasis of the Seas | Bahamas | 2009 | STX Finland | 360 | 5400 | 6360 | Fort Lauderdale/Caraïbes |
Radiance of the Seas | Bahamas | 2001 | Meyer | 293 | 2100 | 2531 | Vancouver/Alaska |
Serenade of the Seas | Bahamas | 2003 | Meyer | 293 | 2100 | 2490 | Barcelone/Méditerranée |
Voyager of the Seas | Bahamas | 1999 | Kvaerner | 311 | 3100 | 3840 | Asie (notamment Chine) |
X | – | 2014 | Meyer | – | 4100 | – | En commande |
Y | – | 2015 | Meyer | – | 4100 | – | En commande |
CELEBRITY CRUISES (USA)
Navire | Pavillon | Année | Constructeur | Long. (mètres) | Capacité
(double occupation) |
Capacité maximum
(approx.) |
Principale affectation (été 2012) |
Celebrity Solstice | Malte | 2008 | Meyer | 317 | 2850 | 3145 | Barcelone/Méditerranée |
Celebrity Equinox | Malte | 2009 | Meyer | 317 | 2850 | 3145 | Civitavecchia/Mediterranée |
Celebrity Eclipse | Malte | 2010 | Meyer | 317 | 2850 | 3145 | Southampton/Norvège, Baltique, Méditerranée |
Celebrity Silhouette | Malte | 2011 | Meyer | 315 | 2886 | 3184 | Venise et Civitavecchia/Méditerranée |
Celebrity Reflection | – | 2012 | Meyer | 315 | 3030 | 3270 | En construction |
PULLMANTUR CRUISES (Espagne)
Navire | Pavillon | Année | Constructeur | Long. (mètres) | Capacité
(double occupation) |
Capacité maximum
(approx.) |
Principale affectation (été 2012) |
Sovereign | Malte | 1987 | St. Nazaire | 268 | 2300 | 2600 | Barcelone/Méditerranée |
Autres compagnies
DISNEY CRUISE LINE (USA)
Navire | Pavillon | Année | Constructeur | Long. (mètres) | Capacité
(double occupation) |
Capacité maximum
(approx.) |
Principale affectation (été 2012) |
Disney Magic | Bahamas | 1998 | Fincantieri | 294 | 1750 | 2700 | Port Canaveral et New York/Bahamas, New York/Canada |
Disney Wonder | Bahamas | 1999 | Fincantieri | 294 | 1750 | 2700 | Seattle/Alaska |
Disney Dream | Bahamas | 2010 | Meyer | 340 | 2500 | 4000 | Port Canaveral/Bahamas |
Disney Fantasy | Bahamas | 2012 | Meyer | 340 | 2500 | 4000 | Port Canaveral/Caraïbes |
NORWEGIAN CRUISE LINE (USA)
Navire | Pavillon | Année | Constructeur | Long. (mètres) | Capacité
(double occupation) |
Capacité maximum
(approx.) |
Principale affectation (été 2012) |
Norwegian Dawn | Bahamas | 2002 | Meyer | 294 | 2340 | 2683 | Boston/Bermudes, Boston/Québec |
Norwegian Epic | Bahamas | 2010 | St.Nazaire | 329 | 4100 | 5186 | Barcelone-Marseille/Méditerranée |
Norwegian Gem | Bahamas | 2007 | Meyer | 294 | 2394 | 2750 | New York/Bahamas, New York/Québec |
Norwegian Jade | Bahamas | 2006 | Meyer | 294 | 2402 | 2750 | Venise/Méditerranée |
Norwegian Jewel | Bahamas | 2005 | Meyer | 294 | 2402 | 2750 | Seattle/Alaska |
Norwegian Pearl | Bahamas | 2007 | Meyer | 294 | 2394 | 2750 | Seattle/Alaska |
Norwegian Spirit | Bahamas | 1998 | Meyer | 268 | 2018 | 2975 | Barcelone/Venise et vice versa |
Norwegian Star | Bahamas | 2001 | Meyer | 294 | 2348 | 2683 | New York/Bermudes |
Norwegian Breakaway | – | 2013 | Meyer | – | 4000 | 5100 | En construction |
Norwegian Gateway | – | 2014 | Meyer | – | 4000 | 5100 | En commande |
STAR CRUISES (Malaisie)
Navire | Pavillon | Année | Constructeur | Long. (mètres) | Capacité
(double occupation) |
Capacité maximum
(approx.) |
Principale affectation (été 2012) |
Superstar Virgo | Panama | 1999 | Meyer | 269 | 1870 | 2975 | Singapour/Malaisie et Thaïlande |
MSC CRUISES (Italie)
Navire | Pavillon | Année | Constructeur | Long. (mètres) | Capacité
(double occupation) |
Capacité maximum
(approx.) |
Principale affectation (été 2012) |
MSC Divina | Panama | 2012 | St. Nazaire | 333 | 3502 | 4363 | Venise/Méditerranée |
MSC Fantasia | Panama | 2008 | St. Nazaire | 333 | 3274 | 3882 | Marseille/Méditerranée |
MSC Magnifica | Panama | 2010 | St. Nazaire | 294 | 2550 | 3013 | Baltique, Norvège |
MSC Musica | Panama | 2006 | St. Nazaire | 294 | 2550 | 3013 | Venise/Méditerranée |
MSC Orchestra | Panama | 2007 | St. Nazaire | 294 | 2550 | 3013 | Livourne/Méditerranée |
MSC Poesia | Panama | 2008 | St. Nazaire | 294 | 2550 | 3013 | Baltique, Norvège |
MSC Splendida | Panama | 2009 | St. Nazaire | 333 | 3274 | 3882 | Gênes/Méditerranée |
MSC Preziosa | – | 2013 | St. Nazaire | – | 3500 | – | En construction |
TUI CRUISES (Allemagne)
Navire | Pavillon | Année | Constructeur | Long. (mètres) | Capacité
(double occupation) |
Capacité maximum
(approx.) |
Principale affectation (été 2012) |
X | – | 2014 | STX Finland | 295 | 2500 | – | En commande |
III – Les catastrophes d’abord, la réglementation ensuite
Le 14 avril 1912, lors de son voyage inaugural vers New York, le Titanic, finalement déclaré insubmersible par les autorités compétentes du Royaume-Uni heurte un iceberg et coule dans la nuit entraînant la disparition de 1.503 passagers et membres d’équipage. A cette époque où le transport maritime est essentiellement mobilisé par les migrants anonymes, les accidents de routine causent 700 à 800 morts par an pour les seuls navires battant pavillon anglais. Le naufrage du Titanic, très « people » et baignant dans le lyrisme, décide les gouvernements à agir. En janvier 1914, 13 pays dont la France se réunissent à Londres sur l’invitation du gouvernement anglais et adoptent la première Convention pour la sauvegarde de la vie humaine en mer, SOLAS (Convention for the Safety of Life at Sea). Mais la première guerre mondiale éclate et cette première version de SOLAS n’entre pas en vigueur même si plusieurs pays intègrent quelques unes de ses dispositions dans leur législation nationale.
En 1929, une seconde conférence se réunit à Londres en présence de 18 pays. Une nouvelle version de la convention SOLAS est adoptée et elle entre en vigueur en 1933. Elle comprend des règles relatives au compartimentage étanche des navires et spécifie que les embarcations de sauvetage et engins flottants doivent être « promptement disponibles en cas d’urgence et être adéquats ». « Il doit être possible d’embarquer les passagers dans les embarcations rapidement et en bon ordre ».
En 1948, les développements techniques rapides dans le domaine de la radiocommunication mais aussi les catastrophes successives comme celle du Morro Castle (incendie, 137 morts en 1934), appellent une troisième version de SOLAS. Ce nouveau texte entre dans les détails notamment en ce qui concerne la stabilité et le maintien des fonctions essentielles du navire en cas d’urgence. L’Organisation Maritime Consultative Inter-gouvernementale -OMCI- qui deviendra l’OMI est créée sous les auspices de l’Organisation des Nations Unies la même année et devient l’organe permanent compétent pour encadrer le transport maritime.
L’OMI organise sa première conférence SOLAS douze ans plus tard, en 1960, et 55 pays y participent. Une quatrième version de la Convention est adoptée. De nouvelles prescriptions relatives aux installations radioélectriques et aux engins de sauvetage sont notamment imposées.
En 1974, les règles internes de l’OMI et le nombre croissant des Etats-membres ralentissent l’entrée en vigueur des nouvelles prescriptions de SOLAS, et les innovations réglementaires, c’est bien joli, mais ça coûte cher quand il faut les appliquer. Cependant, avec la participation de 71 pays une nouvelle Convention est adoptée avec des délais plus rapides d’application des amendements. Cette version de SOLAS est celle qui est en vigueur aujourd’hui et elle est régulièrement modifiée, toujours au gré des catastrophes, courant après l’évolution du marché et les déficiences des navires.
Ainsi, la répétition des accidents causés par le feu sur les navires à passagers comme celui du Yarmouth Castle (1965, 90 morts) suscite des amendements pour prévenir les incendies (cloisonnement thermique, utilisation restreinte de matériaux combustibles, dispositifs de détection, moyens de lutte…). C’est à cette époque que l’emploi de l’amiante sur les navires est encouragé.
En 1983, le chapitre dédié aux engins et dispositifs de sauvetage est remanié en vue de renforcer leur disponibilité, les conditions de sécurité d’abandon du navire, la survie, le repérage et le repêchage des survivants.
En 1988, le naufrage de l’Herald of Free Enterprise (1987, 193 morts) induit des amendements spécifiques aux navires transbordeurs de passagers et de véhicules plus connus sous l’appellation car ferry et accélère également l’adoption de dispositions visant à améliorer encore la stabilité de tous les navires à passagers après avarie.
En avril 1992, suite à l’incendie du Scandinavian Star (158 morts en 1990) les dispositifs de prévention et de lutte contre les incendies sont renforcés et les navires à passagers doivent être notamment équipés de systèmes de détection de fumée, d’alarme, de dispositifs d’extinction dans les locaux d’habitation et de service, les escaliers et les coursives et d’un éclairage d’urgence. L’introduction de ces nouvelles mesures se fait progressivement jusqu’en 2000. Tous les navires à passagers existants sont concernés alors que dans le passé les nouvelles règles SOLAS ne s’appliquaient généralement qu’aux navires neufs.
En 1994, SOLAS intègre un nouveau chapitre afin de rendre obligatoire le Code international de gestion de la sécurité (Code ISM – International Safety Management) qui exige des procédures d’intervention pour faire face aux situations d’urgence à bord, et l’implication à terre d’une cellule d’urgence co-responsable de la gestion de crise.
En 1996, les dispositions relatives au risque incendie sur les navires à passagers sont une nouvelle fois modifiées. Depuis leur révision en 1992, les incendies sur l’Achille Lauro (1994, 2 morts et 8 blessés) et du Regent Star (1995, 2 blessés) servent de piqûre de rappel.
Le recueil international de règles relatives aux engins de sauvetage (recueil LSA Life Saving Appliances) est alors créé. Les caractéristiques techniques des engins de sauvetage, bouées, brassières, combinaisons d’immersion, fusées de détresse et fumigènes y sont regroupées. Par exemple, tout radeau de sauvetage doit être construit de façon à pouvoir résister aux intempéries pendant 30 jours à flot quel que soit l’état de la mer, son intérieur doit être d’une couleur qui ne gêne pas les occupants et il doit être équipé d’un jeu d’engins de pêche. Toutes les embarcations de sauvetage doivent avoir une solidité suffisante pour pouvoir être mises à l’eau lorsque le navire en difficulté fait route à une vitesse de 5 noeuds en eau calme ; cette disposition a été introduite pour tenir compte de l’impossibilité de stopper rapidement des navires de plus en plus gros. Le recueil LSA limite à 150 personnes la capacité des embarcations de sauvetage.
En 1997, après la catastrophe du transbordeur Estonia (1994, 852 morts), les navires à passagers transportant 400 personnes ou plus doivent se conformer aux prescriptions imposées initialement aux seuls navires transbordeurs en vue d’éviter un chavirement malgré l’envahissement par l’eau des compartiments principaux.
En 2000, le Recueil international de règles applicables aux systèmes de protection contre l’incendie est adopté (Recueil FSS – Fire Safety Systems). Des inquiétudes s’expriment à l’OMI face au gigantisme et à la démesure des navires de croisière, face aussi à la multiplication des avaries, des incidents, des départs de feux et autres anomalies constatées ; l’OMI lance un réexamen des mesures de sécurité applicables à ce type de navires.
En 2004, la formation et les exercices d’urgence, l’entretien et l’inspection des engins de sauvetage sont revus.
En 2005, les mesures visant à assurer la stabilité des navires à passagers sont de nouveau modifiées.
En 2006, les travaux lancés en 2000 sur la sécurité des navires à passagers aboutissent à une nouvelle série d’amendements qui consacrent la stratégie du « retour au port en sécurité». Le navire de croisière en lui même est considéré comme la meilleure embarcation de sauvetage ; quand bien même il serait victime d’un incendie ou d’une voie d’eau, il doit pouvoir rester opérationnel et avoir la capacité de rejoindre un port. Le mythe du paquebot insubmersible refait surface. Il vient une nouvelle fois de sombrer avec le Costa Concordia. Dans le cas d’un incendie, si le navire ne peut gagner la terre, les systèmes essentiels à la lutte contre le feu et à la faisabilité de l’évacuation doivent rester disponibles pendant 3 heures, le temps de procéder à l’évacuation de façon ordonnée. Ces dispositions sont applicables aux navires à passagers construits depuis le 1er juillet 2010 et de plus de 120 m de long.
Des syndicats de navigants estiment que le commandant du navire n’a pas assez de garantie sur le comportement du navire pour décider en âme et conscience de ne pas faire procéder à l’évacuation. Lourde responsabilité. D’autres experts pensent que la stratégie du retour au port a détourné l’attention du sujet principal, à savoir les difficultés de l’évacuation des milliers de passagers et des membres d’équipage.
Les amendements de 2006 précisent tout de même le nombre de brassières pour les nourrissons et l’obligation de prévoir des accessoires pour attacher les brassières sur des personnes pesant jusqu’à 140 kg. L’évacuation des personnes en surcharge pondérale dans des coursives en panique est un sujet d’inquiétude, de même que celle des personnes âgées ou à mobilité réduite et des enfants.
Suite à l’accident du Star Princess (cf. chapitre sur les incendies), les dispositions anti-incendie sont une nouvelle fois amendées pour imposer un dispositif fixe de détection et d’alarme sur les balcons des cabines.
En 2007, le Sea Diamond heurte un rocher près de l’île de Santorin en Grèce, deux personnes disparaissent dans le naufrage.
En 2010, le recueil LSA des règles relatives aux engins de sauvetage est adapté; les radeaux gonflables et rigides doivent être conçus pour des passagers d’un poids moyen de 82,5 kg et non plus 75 kg.
En 2012, le Costa Concordia heurte lui aussi un rocher cette fois-ci près de l’île de Giglio (32 morts). Le secrétaire général de l’OMI déclare : « Nous devons sérieusement prendre en considération les leçons de cet accident et si nécessaire à la lumière des conclusions de l’enquête revoir les règles de sécurité des grands navires à passagers. En cette année du centenaire du Titanic, les risques des activités maritimes se sont une nouvelle fois rappelés à nous ». Un point sur la sécurité des navires à passagers a été ajouté à l’ordre du jour du prochain Comité Sécurité Maritime de l’OMI qui se réunira en mai prochain. Loin des médias, dans les coursives de l’OMI, l’industrie de la croisière représentée par la Cruise Lines International Association (CLIA) et l’International Chamber of Shipping (ICS) a toujours voulu éviter l’introduction de nouvelles mesures de sécurité onéreuses. Dans ce domaine, les assureurs sont de meilleurs alliés pour les futurs croisiéristes.
En prévision du naufrage du Costa Fascinosa ou d’un autre Gigantic, les compagnies d’assurance vont réévaluer les risques et les primes, ce qui pourrait plus sûrement que les tergiversations de l’OMI avoir un effet limitatif sur la taille et la population des navires de croisière. Le naufrage du Costa Concordia pourrait coûter 1 milliard de dollars à ses 28 assureurs. Ajusté de l’inflation, le naufrage du Titanic n’a coûté aux assureurs que 120 millions d’euros.
Règles et exceptions
Les dispositions générales de SOLAS ne s’appliquent pas au transport de troupes et elles prévoient des exemptions pour les navires affrétés pour le transport de pèlerins. Les navires à passagers sont généralement soumis aux règles SOLAS et recueils associés suivant leurs années de construction. Les plus vieux sont les plus vulnérables ; par chance ce ne sont pas les plus gros. Réaliste, l’OMI a prévu le cas de la reconversion de vieux navires de charge en navires de croisière et dans ce cas la date de transformation doit être prise en compte pour déterminer les règles applicables. Par abus de langage et d’interprétation, Costa affirme à ses clients que le Costa Allegra, porte-conteneur datant de 1969, récemment victime d’un incendie de machines dans l’Océan Indien, a été construit en 1992, date de sa reconversion. De plus, des dérogations aux règles SOLAS sont accordées au cas par cas, par exemple en ce qui concerne le nombre maximum de personnes pouvant prendre place dans les embarcations de sauvetage.
Le rassemblement
SOLAS impose dans les 24h qui suivent l’embarquement des passagers des exercices de rassemblement et la diffusion d’instructions sur l’utilisation des gilets de sauvetage et la conduite à tenir en cas d’urgence. Aux Etats-Unis, cette procédure est généralement appliquée avant le départ du navire et l’expérience du Concordia montre que cette précaution n’est pas superflue.
Les équipages doivent être formés et entraînés aux situations de crise (Convention STCW on Standards of Training, Certification and Watchkeeping for Seafarers). Le niveau de formation du capitaine, des officiers et des matelots diffère considérablement de celle de la majorité de l’équipage constitué de personnel hôtelier, de femmes de ménage, de coiffeurs, de serveurs, de moniteurs, d’animateurs, de danseurs, de vendeurs de pacotilles et de croupiers sans oublier les Forces Spéciales Anti-Vomissures très sollicitées pendant les deux premiers jours de mal de mer (1). Chacun reconnaît que cette formation est insuffisante et que la maîtrise pacifique des mouvements de foule ou du comportement erratique individuel dans ces circonstances exceptionnelles où chacun veut sauver sa peau ou celle de sa famille exigent au bout du compte des années d’étude et de pratique. La massification du secteur a eu aussi des conséquences sociales et le turnover des marins de l’industrie de la croisière est très élevé, entre 25 et 35% par an. Dans ces conditions il est difficile que tout l’équipage international soit familiarisé avec les procédures de lutte incendie ou d’évacuation et impossible qu’il se connaisse et qu’il se comprenne assez bien pour réagir en cas d’alerte avec la cohésion nécessaire. La fatigue et l’impossibilité de communiquer convenablement dans une langue commune sont deux facteurs humains qui influencent négativement la réaction lors de la gestion de crise. Les gens se disent bonjour en anglais et paniquent dans leur langue.
L’évacuation
La Commission d’enquête accidents maritimes anglais a publié une étude en 2001 recensant plus de 100 accidents ou décès durant des exercices avec les embarcations de sauvetage. En réponse aux préoccupations fréquemment formulées, SOLAS a été amendée en 2006 afin que la présence de marins à bord de certaines embarcations ne soit plus obligatoire pendant les exercices. Des navigants rappellent pourtant que seul un entraînement en conditions réelles permet une bonne préparation. De nouvelles dispositions pour remédier aux problèmes de conception et de maintenance des dispositifs de mises à l’eau des embarcations de sauvetage sur les navires en service avant mai 2011 rentreront en vigueur en 2014.
La capacité maximale de transport des embarcations de sauvetage fixée à 150 personnes n’est pas toujours respectée, par exemple par la société Royal Caribbean Cruises, gestionnaire des deux plus gros navires de croisière au monde : l’Oasis of the Seas et l’Allure of the Seas. Leurs embarcations de sauvetage sont dimensionnées pour accueillir 370 personnes chacune. Les sociétés de classification et les Etats du pavillon accordent des dérogations sur la base de simulations qui ne prennent pas en compte le processus d’évacuation dans son entier et en toutes circonstances. Les premiers naufragés de ces méga embarcations de sauvetage feront le test grandeur nature mais qu’ils se rassurent, elles sont équipées de toilettes, une grande avancée dans l’histoire du sauvetage en mer. Interrogées par des consommateurs potentiels sur la faisabilité d’évacuer 8.500 ou 4.500 personnes d’un navire en détresse, sur les risques de mouvements de foule ou sur le nombre dérogatoire de naufragés dans les embarcations de sauvetage, Royal Caribbean Cruises et Mediterranean Shipping Company ne répondent pas et envoient les fascicules disponibles à bord ou des liens vers des vidéos rassurantes où les simulations d’évacuation se passent toujours en plein jour, par temps calme et ambiance zen. SOLAS requiert que les embarcations de sauvetage puissent être mises à l’eau dans les 30 minutes qui suivent le signal d’abandon du navire, après que le rassemblement des passagers équipés de leurs gilets de sauvetage a eu lieu. L’étude réalisée par une société de classification montre qu’après une collision ou un échouage extrêmes, l’évacuation devra être terminée dans les 10 à 15 minutes pour atteindre un niveau maximum d’efficacité. En cas d’incendie, 60 minutes sont disponibles selon la même étude. Dans la pratique c’est difficile, voire impossible dans certains cas par exemple le navire a de la gîte, il fait nuit, le quart des passagers a plus de 75 ans et il y a beaucoup d’enfants à bord.
Certains officiers et experts estiment que l’évacuation des Gigantic par mer forte est simplement irréalisable et que l’industrie de la croisière sombre dans la démesure, au détriment de la sécurité des passagers et des équipages.
Enfin, si dans leur malheur les naufragés ont tous la chance de prendre place dans des embarcations ou engins de sauvetage, il faut quelqu’un pour aller les chercher. Les compagnies qui proposent des croisières en zone éloignée, jusqu’en Arctique, se préoccupent peu des moyens de sauvetage extérieurs.
IV – Ce qui vous attend
Feu, feu, feu.
L’incendie est le risque majeur à bord des navires de croisière. Entre 1998 et 2011, au moins 6 départs de feu et incendies se sont déclarés à bord des navires de croisière transportant plus de 3.000 « invités » et membres d’équipage. Les causes sont multiples et relèvent éventuellement de la responsabilité des équipages et des passagers. C’est souvent dans le compartiment machines que le feu prend sa source, plus spécialement dans le secteur crucial des générateurs d’électricité.
A titre d’exemple, l’incendie du Carnival Ecstasy a ravagé toute la partie arrière du navire. La compagnie a dit que le départ de feu provenait de la laverie collective de l’équipage. Des travaux de soudure y étaient en cours. Les fumées et les flammes ont envahi les ponts 1, 2, 3 et 4, le pont des manœuvres au port. Des palettes de cordages en polypropylène se sont alors embrasées, redoublant la violence du sinistre. L’incendie a eu lieu en vue de Miami. La motorisation du navire s’est arrêtée. Simultanément, le commandant disait ne pas avoir besoin d’assistance extérieure. Le port de Miami a cependant dépêché des remorqueurs et des navires anti-incendie. L’extinction totale du feu et le remorquage ont duré plus de neuf heures. Soixante passagers et membres d’équipage ont été intoxiqués et hospitalisés. La version officielle selon laquelle des négligences dans le pressing de l’équipage étaient à la base de l’incendie est contredite par le témoignage d’un mécanicien. Selon lui, le feu a pris dans le compartiment machines.
A la différence des Etablissements Recevant du Public comme les centres commerciaux ou à la différence des avions, il n’est pas en tout lieu interdit de fumer dans les navires de croisière accueillant des milliers de personnes. Un mégot lancé d’un pont supérieur échoue sur la terrasse d’une cabine au lieu de s’éteindre dans les eaux côtières de la Jamaïque. Le feu couve dans des transats et autres matériaux combustibles et enflamme une de ces cloisons en polycarbonate qui sépare les terrasses des « invités ». L’incendie se propage sur trois ponts superposés et ravage une centaine de cabines. Des passagers tentent de s’échapper par les couloirs. « Tout était noir et suffocant, on était comme dans un four, sans savoir où aller » dira plus tard une rescapée. Son mari n’a pas eu de chance. Il meurt asphyxié. Princess Cruises trouve judicieux dans son communiqué de presse d’évoquer un arrêt cardiaque.
Le Carnival Splendor, après un incendie de machines a dérivé dans l’Océan Pacifique en 2010 pendant 24 heures au large du Mexique avant d’être repris par des remorqueurs et conduit à San Diego. L’aventure a duré cinq jours pour les 4.500 passagers et membres d’équipage privés du confort élémentaire et de communication et ravitaillés en sandwichs par hélicoptères. Un mois après, les US Coast Guard diffusaient à l’intention de tous les professionnels – chantiers navals, sociétés de classification, assureurs, armateurs, représentants du personnel de bord, agences de voyage – une notice d’alerte révélant que le système automatique d’extinction par dioxyde de carbone n’avait pas fonctionné par la faute de malfaçons, de la corrosion, de procédures d’utilisation fallacieuses et d’un entraînement déficient du personnel affecté à la lutte anti-incendie. Cette défaillance, qui a empêché la mise en sécurité totale et définitive de la salle des machines a soulevé des inquiétudes dans le monde maritime. Le principe selon lequel « le navire de croisière géant constitue en lui-même la chaloupe de sauvetage idéale » a été en cette occasion récente battu en brèche.
Un autre incendie dont un Gigantic de la Royal Caribbean, un acteur majeur du marché, a été indirectement la victime démontre l’absence de coordination entre le navire et le port d’accueil et le manque unanime de considération envers les passagers et les membres d’équipage. A Gibraltar, les paquebots faisaient escale à quelques mètres d’un stockage de déchets d’hydrocarbures pompés dans les cales et les soutes des navires de commerce. Aucun architecte n’aurait eu la cruauté ou l’autorisation de construire dans ces conditions de danger encadrées par la directive européenne Seveso le moindre petit immeuble. Par contre, l’industrie de la croisière en coopération avec la Chambre de Commerce locale a eu l’heureuse idée, faute de mieux, d’introduire dans ce contexte industriel des villes flottantes de 300 mètres de long, 60 mètres de haut à la cime et 6.000 habitants – plus de 150 escales par an. Fin mai 2011, alors que des travaux de soudure étaient en cours sur le toit d’une citerne d’hydrocarbures, une explosion et une boule de feu ont troublé la sérénité et la rentabilité de l’escale. Le navire a été soufflé par l’onde de l’explosion. Douze passagers ont été blessés. Il y a eu des mouvements de panique à bord. Au premier abord, les gens ont cru à un attentat. L’accident a eu lieu vers 15h30. Le départ du navire était prévu pour 16h00. Il était donc en instance de départ ; seule cette circonstance fortuite a permis à l’Independence of the Seas de se dégager rapidement.
Les incendies à bord sont donc prévisibles et redoutés. Certaines causes cependant sont improbables : les lampes clignotantes des gilets de sauvetage ont provoqué deux départs de feu dans une cabine passagers et dans une embarcation de sauvetage. Plus fort encore, une embarcation de sauvetage a pris feu à cause d’un court circuit du dispositif d’éclairage. Dans les trois cas, la responsabilité du fabricant chinois est suspectée.
Choc, choc, choc
La collision est aussi un risque majeur pour tous les navires de commerce. Mais pour les navires de croisière, il expose 2.000, 3.000, 6.000, 8.000 victimes potentielles à une obligation d’évacuation, à des fractures et d’autres traumatismes corporels, sinon à la mort.
Il y a les collisions navire-navire. Le choc prémonitoire d’une grande catastrophe s’est produit vers 2h du matin en août 1999 dans le détroit de la Manche. L’événement est gravé dans la tête des experts comme l’accident qui a failli être « le Big One ». A la suite d’une erreur d’attention et de navigation, le Norwegian Dream est entré en collision avec un autre géant, un autre champion de la mondialisation : l’Ever Decent, un porte-conteneurs en rotation entre l’Asie et l’Europe et coupant cette nuit là le rail de la Manche pour se rendre à Zeebrugge. Les deux navires se sont heurtés de plein fouet. C’est le paquebot qui a éperonné le porte-conteneurs dans le secteur des marchandises dangereuses. Les services de secours ont mis cinq jours avant d’éteindre l’incendie. Le bulbe d’étrave du Norwegian Dream a déchiré l’Ever Decent au milieu de la cale n°3, sous la ligne de flottaison.
Vingt quatre personnes, passagers et membres d’équipage ont été blessés sur le Norwegian Dream. « Quand j’ai entendu le Bang, j’ai tout de suite pensé au Titanic. Tout valsait autour de nous » témoigne Arielle, 16 ans, originaire de New York. Une autre passagère originaire de Los Angeles, victime d’un tremblement de terre confirme : « ça nous a juste fait penser à un 7,5 sur l’échelle de Richter ». Au nécessaire jeu du « What if » [que ce serait-il passé si] les experts plus de dix ans après se posent trois questions majeures :
– que serait-il advenu si la collision avait été inversée, l’étrave renforcée du porte-conteneurs éperonnant au niveau des ponts cabines le Norwegian Dream ?
– que serait-il advenu si les deux navires, après la collision, ne s’étaient pas séparés l’un de l’autre et si l’incendie sur le porte-conteneurs s’était propagé sur le navire de croisière ?
– comment dans des conditions d’urgence les 3.000 résidents à bord du Norwegian Dream auraient-ils pu être évacués ?
En 2007, pour la Saint Valentin, les invités ont eu la croisière abrégée. Juste avant l’embarquement, le navire est heurté par un convoi de barges sur le Mississippi. Il gîte. La compagnie procède quand même à l’embarquement. Les bars et buffets sont ouverts. L’accès aux cabines est différé. Certains des 2.000 passagers s’inquiètent. Après que l’équipage a constaté une fissure de 10 mètres sur la coque et qu’en conséquence les travaux de réparation dureraient plusieurs semaines, tout le monde a été prié de redescendre. Une illustration de plus de la devise des compagnies de croisières depuis un siècle résumée par la presse américaine : « The show must go on, même si le bateau n’en peut plus ».
Les collisions frappent aussi dans les ports. A la suite de l’accostage du Costa Europa perturbé par des vents violents dans le port de Charm el-Sheik en Egypte, trois marins d’origine indienne, du Honduras et du Brésil ont été tués dans leur cabine dans les ponts inférieurs, en pause dans des locaux aveugles où un bureaucrate normal serait réticent à installer une photocopieuse. Les autorités de tutelle italiennes ont refusé de transmettre à l’OMI le rapport d’enquête ; trois morts confidentielles.
L’effet bascule
3.500 passagers et 1.200 membres d’équipage sont à bord du Crown Princess, tout neuf et construit en Italie. Temps calme au départ de la Floride. Destination New-York. Le navire s’est mis tout à coup et à deux reprises à gîter violemment sur tribord. Les piscines se vidangent. Des vagues de passagers, de tables, de fauteuils, de bouteilles, de sacs et d’objets personnels et décoratifs déferlent sur les cloisons de droite. Près de 300 passagers sont blessés plus ou moins gravement – fractures, coupures, plaies ouvertes. Les autorités du port de départ sont informées … par un passager à 15h50, 25 minutes après la panique. Les Coast Guard entrent en relation avec le navire vers 16h00. La compagnie informe les Coast Guard que le navire rentre par ses propres moyens à Port Canaveral d’où il est parti 2 heures avant. Les Coast Guard interdisent verbalement au navire de rentrer dans le port tant qu’ils n’auront pas procédé, par eux mêmes, à des vérifications sur la manoeuvrabilité du navire. A 18h36, le Crown Princess est à quai. L’accident, selon le rapport d’enquête, est dû à une mauvaise appropriation par le commandant et son staff du système de pilotage automatique produit par une société allemande. Plutôt que d’insister sur un manque de formation et d’apprentissage collectif, la compagnie a préféré mettre en avant la responsabilité exclusive et l’erreur humaine d’un officier en second « immédiatement relevé de ses fonctions ».
En 2010, un autre Gigantic en navigation en plein milieu du golfe du Mexique a dû effectuer une manœuvre d’urgence pour éviter « un obstacle » qui n’avait pas été identifié par les radars et qui n’avait pas depuis la passerelle de navigation fait l’objet d’une détection visuelle. Par contre, quelques passagers disent l’avoir repéré et constaté que le navire fonçait droit dessus. Le golfe du Mexique est encombré de bouées et de repères flottants en tout genre signalant des épaves, des sites d’immersion d’explosifs ou de déchets industriels ou des futurs lieux d’ancrage de plateformes d’exploration de gaz ou de pétrole. Tous ces obstacles sont cartographiés. Au dernier moment, le Carnaval Ecstasy a viré de bord, entraînant une gîte violente sur bâbord. Une soixantaine de passagers ont été blessés.
Echouages
Les Gigantic s’aventurent là où ils ne doivent pas aller. Le Costa Concordia s’est éventré sur un rocher de l’île de Giglio le 13 janvier 2012. Trois jours auparavant, le MSC Poesia s’était vautré sur un récif en approche de Port Lucaya dans l’archipel des Bahamas. C’était une visite d’essai, une sorte d’avant-première destinée à valider des escales régulières sur l’île de Grand Bahamas. 2.500 passagers rassemblés à l’occasion d’une croisière musicale animée par 20 DJs servaient de cobaye. A 7h00 du matin, un grand boum a réveillé tout le monde, faisant encore une fois valser verres, plats et poste de télévision et paniquer les passagers. Les tentatives de déséchouage par 4 gros remorqueurs ont fini par être couronnées de succès après 15h d’efforts, de secousses et de tremblements.
« L’arrivée des grands navires de croisière est un projet phare pour développer le tourisme. C’était un essai, nous espérons qu’il pourra malgré tout être concrétisé » déclarait sobrement à la suite de l’accident le président du port de Grand Bahamas.
Il n’y avait pas de pilote local à bord et Mediterranean Shipping Company ne s’est pas expliqué sur les causes et les conséquences pour le navire et pour l’environnement de cet échouage.
Navire de croisière ou navire hôpital
Les épidémies de gastroentérites et autres contagions infectieuses sont relativement fréquentes à bord des Gigantic. Elles sont résistantes et récurrentes. Elles se propagent à des centaines de personnes dont les membres d’équipage, ce qui inévitablement réduit la capacité d’organisation et de réaction si un autre événement vient compromettre la sécurité et imposer une évacuation. Les gastroentérites se signalent par l’apparition soudaine de vomissements et/ou de diarrhées. Dans les pires cas, 80% des passagers peuvent être touchés. L ‘alimentation, l’eau et les contacts physiques participent à la transmission de la maladie. Les épisodes sont persistants malgré la mise à disposition dans les endroits stratégiques de distributeurs de gel liquide et l’utilisation répétée de désinfectants de surface. Il peut être décidé par le service médical du navire de mettre en quarantaine des passagers malades jusqu’à 24h après la disparition des derniers symptômes. Selon des spécialistes indépendants de l’industrie de la croisière, un navire transportant des milliers de personnes est un incubateur idéal et il ne peut pas y avoir de protocole entièrement efficace pour prévenir la propagation des maladies infectieuses dans de tels environnements surpeuplés et confinés. C’est le même problème dans les camps de réfugiés. Les principales pathologies observées et déclarées sont la maladie du légionnaire, les gastroentérites transmises par des norovirus, les E.coli et les shigella flexneri 2a, la méningite, la peste porcine, le SRAS (Syndrome Respiratoire Aigu Sévère) et la salmonellose. La désinfection du navire n’est pas possible en mer. Elle se fait au port, les coussins et les couvertures sont incinérés ; ce que les passagers et membres d’équipage ont pu toucher, de la vaisselle aux jetons de casino, est aseptisé et un aérosol de chlore est injecté à tous les niveaux du navire. Le nettoyage approfondi dure une semaine. Il passe par la décontamination globale du système d’air conditionné.
Les services médicaux des compagnies maritimes disent que les épidémies se déclarent à bord à cause de passagers contaminés avant leur embarquement. Les compagnies ne déclarent pas systématiquement ces évènements sanitaires aux autorités des ports d’escale. Elles souhaitent éviter les annulations et les lourdes charges financières dues à l’immobilisation du navire, à la mise en quarantaine des passagers, à leur transfert, à leur rapatriement et à leur remboursement. L’Espagne, l’Australie, Antigua, Sainte-Lucie et la Nouvelle-Calédonie ont interdit des escales ou le débarquement des passagers susceptibles de faciliter à bord et potentiellement dans le pays d’accueil la transmission du virus H1N1.
Malgré des épisodes successifs mortels ou imposant une hospitalisation d’urgence, les personnes âgées particulièrement vulnérables ne sont pas préalablement informées et sont accueillies à bord par un avertissement en cabine résumant les précautions à prendre pour éviter autant que faire se peut de contracter les virus ; même protocole pour les enfants. L’amende susceptible d’être infligée à l’organisateur de la croisière par les autorités du port d’escale après une omission de déclaration d’épidémie n’est pas spécialement dissuasive. Le chiffre de 30.000 USD est évoqué par les autorités sanitaires de Londres, Royaume-Uni. Les gastroentérites sont aussi très actives sur les navires de croisière aux Etats-Unis. Pendant le premier trimestre 2012, selon le Centers for Disease Control and Prevention, 7 épidémies de gastroentérites sur des navires de croisière en escale dans les ports américains ont été référencées.
Les sources de pathologies infectieuses et dans une certaine mesure foudroyantes sont multiples : l’eau fournie aux navires dans certains ports peut être contaminée, les protocoles de désinfection de l’eau sanitaire insuffisants, l’eau potable dans des circuits longs et complexes contaminée par les eaux usées.
Pour le cas particulier de la légionellose, la prolifération des virus est favorisée par la stagnation de l’eau par les variations de température ambiante, par les conditions de stockage de l’eau et les variations de niveaux consécutives au roulis et au tangage des navires. Les légionnelles prospèrent aussi dans les piscines et les SPAs si l’eau est mal filtrée et les canalisations insuffisamment curées et désinfectées.
Il y a deux mois, une serveuse âgée de 30 ans a été débarquée du MSC Armonia à Santos en même temps que dix autres passagers et membres d’équipage. Elle souffrait depuis quelques jours de troubles respiratoires aggravés et n’a pas, selon ses collègues, bénéficié de toute l’attention nécessaire de la part du médecin de bord. Cette jolie brésilienne est morte deux jours après son admission à l’hôpital.
La cible
A bord de ces villes flottantes rassemblant dans un lieu fermé des milliers de personnes venues pour l’occasion, les vols, les agressions verbales et sexuelles, l’alcoolisme et les filouteries ne sont pas par miracle suspendus en haut de la passerelle d’accès au Gigantic. Il n’y a pas de trêve à bord, ni d’ailleurs dans les ports d’escale. De plus, les Gigantic sont des cibles idéales sur le plan sociologique, symbolique, moral et numérique pour les projets terroristes. En 2010, aux Etats-Unis, une agence gouvernementale (US Government Accountability Office, GAO) a réclamé le renforcement des mesures générales de sécurité sur les navires de croisière et la transmission systématique préalable de toutes les identités des passagers aux services douaniers. Selon le rapport « une attaque réussie sur un grand navire de croisière dans les eaux américaines ou à leur proximité aboutirait à la fermeture d’un port américain, dissuaderait les passagers potentiels et nuirait gravement à l’économie américaine » ; le GAO constate que même si les services de renseignements n’ont pas de preuves récentes sur la mise en œuvre de tels projets, il n’en demeure pas moins que ces mêmes services ont identifié des groupes capables de se lancer dans de telles initiatives. Le cas du Scandinavian Star est resté dans les annales. La responsabilité d’un pyromane danois mort des suites de l’incendie est officiellement engagée dans le rapport officiel d’enquête. Sans avoir l’ampleur des scénarios terroristes, les gestes individuels ou concertés de malveillance peuvent avoir dans n’importe quel immeuble collectif et surtout dans un lieu isolé et confiné comme un navire de croisière des conséquences dramatiques.
V – Comment allez-vous polluer ?
Un navire de croisière avec à son bord 3.000 passagers et membres d’équipage produit en une semaine environ 800.000 litres d’eaux noires provenant des toilettes, 4 millions de litres d’eaux grises provenant des douches, éviers et laveries, 90.000 litres d’eaux de cale chargées d’hydrocarbures, plus de 800 litres de déchets dangereux liquides, 40 tonnes de déchets solides non dangereux et 1 à 2 tonnes de déchets solides dangereux.
Les eaux usées
En septembre 2005, trois membres d’équipage du Monarch of the Seas sont morts et 19 autres ont été intoxiqués par une bouffée de méthane. Ils travaillaient sur une section de tuyauterie connectée au système d’eaux usées. Imperturbable, le porte-parole de Royal Caribbean déclarait le jour même qu’il comptait bien que la croisière vers le Mexique se déroule comme prévu. Après cet accident, le Monarch of the Seas aurait rejeté en mer des tonnes de sédiments contaminés avant de procéder en cale sèche à de nouvelles opérations de maintenance.
Les eaux usées ou eaux noires sont chargées d’excréments, d’urine et d’un cortège de bactéries, coliformes fécaux, germes pathogènes et virus et de résidus médicamenteux surtout quand il y a des épidémies de gastroentérites à bord. Les toilettes sont généralement connectées à des équipements de traitement. Les eaux plus ou moins épurées sont ensuite rejetées en mer. L’azote et le phosphore favorisent la prolifération de planctons et d’algues toxiques. Les contrôles sont rares sauf en Alaska (USA) où en 2009, 72% des navires contrôlés rejetaient des eaux non conformes aux limites autorisées, les Gigantic de Princess Cruises en tête. Depuis, la tendance est à rejeter les eaux polluées au large de la Colombie Britannique (Canada) mais en 2010 sous la pression de l’industrie de la croisière qui menaçait de réduire le nombre d’escales, les règles sur les rejets des eaux usées dans les eaux de l’Alaska ont été assouplies. Le business fait la loi en Alaska comme en Méditerranée.
Les eaux grises proviennent majoritairement des éviers, lavabos, bains, douches, laveries et des cuisines. Elles sont généralement déversées directement en mer et rarement envoyées dans le circuit de traitement des eaux noires. Elles sont chargées de résidus de produits corporels (savon, huile solaire..), de détergents mais encore de bactéries, de métaux lourds, de phtalates et de produits chlorés. Ces micropolluants chimiques et bactériologiques dégradent l’état sanitaire des organismes marins.
Les eaux de cale sont une mixture d’eau, d’hydrocarbures, de lubrifiants, de dégraissant, de détergents et autres fluides s’échappant par exemple des engins de motorisation. Elles doivent être stockées avant déchargement dans une installation à terre ou bien être traitées sur le navire avant rejet en mer. L’absence ou la déficience du traitement de ce mélange complexe est la source la plus commune de pollution marine par l’industrie de la croisière. La violation habituelle des règles environnementales consiste à faire des fausses déclarations sur le registre des hydrocarbures afin de dissimuler des rejets en mer. Les parcours des Gigantic sont répétitifs et leurs rejets s’accumulent autour de leurs voies de passage habituelles.
Perchloréthylène du nettoyage à sec, déchets pharmaceutiques, batteries et piles usées, peintures et aérosols forment les principaux flux de déchets dangereux à bord. En 1999, alors que les navires étaient moins Gigantic qu’aujourd’hui, Royal Caribbean Cruises estimait qu’en une semaine, sur chacun de ses navires étaient produits 850 litres de déchets de peinture, 930 kg de produits chimiques, 36 kg de déchets médicaux, 263 kg de batteries usées et 120 kg de tubes fluorescents. Le stockage de ces déchets dangereux constitue une source importante de fumées toxiques en cas d’incendie ou s’ils sont incinérés à bord.
Déchets d’emballages plastiques, bouteilles, canettes, papiers, verre, cartons, résidus alimentaires, les déchets non immergeables sont stockés à bord ou incinérés. En juin 2011, une décharge sauvage a été découverte à Hawaii. Elle contenait des ordures ménagères en provenance du Pride of America. les navires de croisière produisent 25% des déchets générés par les navires de commerce alors qu’ils ne représentent qu’un pourcentage infime de la flotte mondiale.
La pollution atmosphérique
Les incinérateurs embarqués de déchets traitent des boues d’hydrocarbures, des boues issues du traitement des eaux noires, des médicaments périmés et des déchets solides d’emballages en plastique ou en carton et des déchets alimentaires. Un Gigantic brûle jusqu’à 2,5 tonnes par jour de boues d’hydrocarbures. A la différence des incinérateurs terrestres, il n’y a pas de normes pour les émissions des incinérateurs à bord des navires. Les cendres d’incinération sont généralement rejetées en mer.
Un Gigantic de 2.500 passagers émet chaque jour autant de pollution atmosphérique que 12.000 voitures. Les navires de croisière d’aujourd’hui sont des circuits automobiles en même temps que des centrales thermiques. Ils brûlent du gasoil (12 t/h pour les plus gros), du gaz et du fuel lourd à haute teneur en soufre. Les compagnies américaines ont longtemps contesté devant les tribunaux et auprès des parlementaires la décision de l’Etat de Californie d’interdire l’utilisation de fuel à haute teneur en soufre à moins de 24 milles nautiques du littoral. Malgré ses efforts de lobbying, la CLIA (Cruise Line International Association) devra se plier le 1er août 2012 à une nouvelle réglementation imposée par l’Organisation Maritime Internationale dans le cadre des ECA (Emission Control Area). En effet, dans la limite de 200 milles nautiques au large du Canada et des Etats-Unis, il sera interdit d’utiliser du fuel contenant plus de 1% de soufre. Il est notable que de telles contraintes visant à améliorer la qualité de l’air et de l’environnement marin ainsi qu’à protéger la santé des riverains ne seront pas en vigueur avant plusieurs années en Méditerranée, dans le Golfe de Gascogne, en Asie ou encore dans l’Atlantique Sud.
Les dragages
Pour que les Gigantic accèdent au cœur des ports pittoresques et des villes historiques sans risque d’échouage, les autorités locales en coopération avec les compagnies maritimes doivent élargir et approfondir les approches nautiques et les chenaux d’accès. Les dragages se font au détriment d’un environnement marin fertile pour les pêcheurs et propice au maintien de la biodiversité marine. Un conflit oppose à ce sujet les protecteurs de l’environnement et du patrimoine de Key West en Caroline du Sud et les promoteurs du commerce local – Key West reçoit chaque année 800.000 passagers, une invasion au regard des 25.000 résidents permanents.
L’atteinte au paysage
« Voir Venise et mourir » ou « Mourir plutôt que de voir un HLM dans Venise » ? Classée au patrimoine mondial de l’humanité, Venise voit débarquer dans sa lagune des Gigantic qui font de l’ombre aux palais. La Convention européenne du paysage note dans son préambule que « le paysage participe de manière importante à l’intérêt général, sur les plans culturel, écologique, environnemental et social, et qu’il constitue une ressource favorable à l’activité économique, dont une protection, une gestion et un aménagement appropriés peuvent contribuer à la création d’emplois ». Mais alors que font-ils là ?
Voir également sur le communiqué du 19 janvier 2012.
VI- Le Titanic et les Gigantic vus par Joseph Conrad, marin et écrivain.
Extraits de « Quelques réflexions sur la perte du Titanic » 1912 et de « Quelques aspects de l’admirable enquête sur la perte du Titanic » 1912. Les traductions françaises proviennent du livre « Le naufrage du Titanic et autres écrits sur la mer » publié en janvier 2009 par Arléa.
« Ainsi le fameux système de fermeture situé sur le pont, et présenté comme un instrument d’une grande fiabilité, avec son harnachement de sonnettes d’alarme, de lampes de couleur et autres coquetteries, n’était-il rien d’autre, dans le cas de ce navire, qu’une panoplie de farces et attrapes techniques ».
« Le Titanic n’était qu’en partie cloisonné. Juste assez pour noyer de pauvres diables comme des rats dans une cave ».
« Mais mourir noyé prisonnier sous les ponts est une mort des plus affreuses. Il est à craindre que des hommes du Titanic soient morts de cette façon. Encompartimentés, si l’on peut dire. Songez seulement à ce que cela signifie ! Rien ne peut approcher l’horreur d’une telle fin, sauf celle d’être enterré vivant dans une cave, au fond d’une mine ou dans son caveau de famille ».
« Les responsables de ces gros navires n’ont été animés que par des considérations de profit – le profit qu’on peut tirer en se pliant aux exigences absurdes d’une vulgaire demande de luxe, le luxe de l’hôtellerie embarquée ».
« Ne vendez pas tant de billets, ô vertueux dignitaires. Après tout, les hommes et les femmes (à moins qu’on les considère d’un point de vue purement commercial) ne sont pas tout à fait comparables au bétail que le commerce maritime occidental avait coutume, il y a vingt ans de cela, de jeter par-dessus bord en cas d’urgence et de laisser nager en rond jusqu’à ce qu’il se noie ».
« N’ayons pas une vision romantique du soi-disant progrès. Une entreprise qui vend du voyage est un commerce, même si, à la manière dont parlent et se comportent ses représentants, on pourrait voir en eux des bienfaiteurs de l’humanité, mystérieusement engagés dans quelque noble et extraordinaire entreprise ».
« Un capitaine doit être capable de tenir son navire et toute chose à bord dans le creux de sa main. Mais cette stupide foi moderne dans le matériel et les palaces flottants l’interdit désormais. Un homme peut faire de son mieux, mais il ne peut accomplir une tâche qui, par cupidité, ou plus probablement par simple bêtise, a été conçue pour excéder ses forces ».
Sources
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The Times – http://www.thetimes.co.uk/tto/news/
(1) Citées dans l’excellente nouvelle de David Foster Wallace « Shipping Out, On the (nearly lethal) comforts of a luxury cruise » parue en 2006 dans Harpers Magazine.
Rédaction : Jacky Bonnemains et Charlotte Nithart. Gérard Cornier pour les chapitres I & II Documentation, photos, illustrations: Illustration originale: Le naufrage du Titanic de Willy Stöwer Responsable de la publication : Jacky Bonnemains |
Robin des Bois avril 2012
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