“Foire aux grenouilles” à Vittel : fast-food, fast-extinction

17 avril 2023

Atteintes à la biodiversité et souffrances animales au menu du plus grand repas de cuisses de grenouilles au monde

Paris / Munich, 17 avril 2023 – Pendant la “Foire aux grenouilles” de Vittel dans les Vosges qui se tiendra cette année les 22 et 23 avril, environ sept tonnes de cuisses de grenouilles sont consommées en seulement deux jours par quelques 20.000 visiteurs. “Rien que pour ce rassemblement, jusqu’à 350.000 grenouilles sont capturées, notamment en Indonésie et en Turquie, où les populations de grenouilles sont déjà en déclin alarmant”, indique Charlotte Nithart de l’organisation française Robin des Bois. Dr Sandra Altherr de l’organisation allemande Pro Wildlife ajoute : “Les visiteurs savent-ils que pour leurs snacks, les grenouilles sont amputées vivantes à l’autre bout du monde ? “

Cette foire qui se veut une fête de la gastronomie française est en fait une foire commerciale où les grenouilles sont une marchandise de masse bon marché très majoritairement importée d’Asie.
La “Foire aux grenouilles” sera officiellement ouverte par un défilé de la Confrérie des Tastes-cuisses de grenouilles de Vittel qui le reconnaît sur son site internet: “Quelle que soit sa provenance, la cuisse de grenouille n’a en elle-même aucun goût. Tout est dans l’assaisonnement”.

La grenouille indonésienne des eaux saumâtres (Fejervarya cancrivora) sera une des guest-stars de Vittel.
© Ganjar Cahyadi

La France est le plus gros consommateur de cuisses de grenouilles

Selon l’étude de Pro Wildlife et Robin des Bois, l’Union Européenne importe en moyenne 4070 tonnes de cuisses de grenouilles par an, ce qui correspond à 80 à 200 millions de grenouilles selon leur taille.
“Notre analyse montre que la France importe au total plus de 3000 tonnes de cuisses de grenouilles par an – 80% provenant d’Indonésie, 13% du Vietnam, 3,4% de Turquie et moins de 1% d’Albanie”, détaille Charlotte Nithart. “Les règles européennes concernant l’information des consommateurs sur l’espèce vendue et le pays d’origine sont souvent bafouées.”
“C’est absurde : les grenouilles que l’on trouve en Europe dans la nature sont protégées par la législation européenne. Mais l’UE tolère toujours la capture de millions d’animaux dans d’autres pays, même si cela menace les populations de grenouilles qui s’y trouvent. Cela n’est pas du tout conforme à la récente stratégie de l’UE en matière de biodiversité”, critique Sandra Altherr.

La demande en Europe provoque un effet domino mortel

Dans les années 1960 à 1980, l’Inde et le Bangladesh étaient les principaux fournisseurs de l’UE. Mais les populations de grenouilles se sont effondrées dans ces pays, provoquant des invasions de moustiques, des ravages sur les cultures par des nuisibles et une augmentation de l’utilisation de pesticides. Ces deux pays ont pris des mesures d’urgence à la fin des années 1980 en interdisant les exportations.

Depuis, l’Indonésie est devenue le principal fournisseur : les trois quarts des cuisses de grenouilles actuellement importées par l’UE proviennent d’Indonésie où les grenouilles sont toujours capturées dans les milieux naturels. Les populations des espèces de grandes tailles sont décimées les unes après les autres. L’espèce autrefois fréquemment commercialisée en raison de ses grandes cuisses, la grenouille de Java (Limnonectes macrodon), a disparu du commerce depuis plusieurs années déjà.

Il y a deux ans, des chercheurs turcs ont à leur tour tiré la sonnette d’alarme en affirmant que les grandes espèces de grenouilles pourraient être exterminées dans leur pays d’ici 2030 si la chasse se poursuit au rythme actuel. En Albanie, des premières espèces de grenouilles sont maintenant aussi menacées.

Pro Wildlife et Robin des Bois demandent l’arrêt des importations de cuisses de grenouilles en Europe: “Dans l’Union européenne, un tel pillage de la biodiversité couplé à des méthodes de mise à mort aussi cruelles ne seraient pas autorisés; la conséquence logique doit donc être l’arrêt des importations”.

Plus d’informations :
Rapport “Deadly Dish – role and responsibility of the European Union in the international frogs’ legs trade” (juin 2022, pdf, anglais) : https://robindesbois.org/wp-content/uploads/FROGS-LEGS-report-16-June-2022.pdf
“Le cas de la France” – Extrait du rapport (en français, pdf) https://robindesbois.org/wp-content/uploads/Extraits-Deadly-dish-Grenouilles-ProWildlife-robindesbois.pdf
L’Union européenne responsable de l’extinction en cascade des populations de grenouilles (communiqué sur le rapport, juin 2022, français): https://robindesbois.org/lunion-europeenne-responsable-de-lextinction-en-cascade-des-populations-de-grenouilles/
Contexte de la “Fête des grenouilles” à Vittel (en allemand)
https://www.prowildlife.de/aktuelles/kommentar/froschschenkel-statt-currywurst/
Étude réalisée en Turquie (2020)
https://www.cambridge.org/core/journals/oryx/article/unsustainable-harvest-of-water-frogs-in-southern-turkey-for-the-european-market/5DCFB7A02E81FE030C2A7198FDBE74A9

À propos de Pro Wildlife
Pro Wildlife est une organisation à but non lucratif qui s’engage dans le monde entier pour la protection des animaux sauvages et de leurs habitats. Notre objectif est de préserver la biodiversité et de sauver les animaux. Pour ce faire, nous accordons une grande importance à la survie des espèces dans leur habitat, mais aussi à la protection de chaque animal. Nous nous engageons pour de meilleures lois et des mesures de protection efficaces pour les animaux sauvages. Dans différents pays, nous soutenons des projets d’aide aux animaux en détresse, nous contribuons à la préservation des habitats et nous nous engageons pour la coexistence entre l’Homme et les animaux sauvages.

À propos de Robin des Bois
Robin des Bois est une ONG à but non-lucratif fondée en 1985. Son objectif est la protection de l’Homme et de l’environnement par toutes formes d’actions non-violentes. Robin des Bois mène des enquêtes de terrains et participe régulièrement à une dizaine de groupes institutionnels de concertation ainsi qu’à des conventions internationales. Depuis 1988, l’association a le statut d’observateur à la CITES (Convention sur le commerce international des espèces de faunes et de flore sauvages menacées d’extinction) et de la CBI (Commission baleinière internationale). Depuis 2013, Robin des Bois publie un bulletin d’information et d’analyses sur le braconnage et la contrebande d’animaux (“A la Trace” en français, “On the Trail” en anglais), un outil utile aux institutions et ONG qui luttent contre la criminalité faunique à travers le monde.

 

 

 

 

 

 

 

Imprimer cet article Imprimer cet article