Lettre ouverte
Monsieur le maire,
Selon l’article de presse paru dans le journal quotidien l’Union, la Mairie de Reims envisage de procéder le 3 août à un lâcher de 2000 ballons dans le ciel de la Champagne en hommage aux combattants français de la Grande guerre de 14-18. Ces 2000 ballons vont devenir des déchets et soumettre des animaux terrestres et aquatiques à des risques supplémentaires et inutiles.
Cette manifestation revient à se défaire sciemment de 2000 objets de latex et de plastique dans les milieux naturels européens. Les ballons et fragments de ballons sont dans le top 10 des déchets récréatifs retrouvés dans les milieux naturels et en particulier sur le littoral en compagnie des sacs de plastique, des emballages alimentaires et des jouets. Des fragments de ballons sont retrouvés dans les nids et les estomacs des oiseaux, des mammifères marins, des tortues marines et des poissons. Le lâcher de ballons en grande quantité ou le cumul de lâchers de ballons en petites quantités sont dangereux pour la biodiversité et contribuent à faire de la France et des mers adjacentes une décharge sauvage.
L’abandon dans la nature de déchets en grande quantité, tel que celui envisagé par votre municipalité, est un délit puni de 2 ans d’emprisonnement et de 75.000 € d’amende, la même peine étant également prévue si les milieux aquatiques sont atteints. (Art. L.541-46 et L.216-6 du Code de l’environnement)
Par ailleurs, en procédant à ce largage de déchets, vous contrevenez délibérément aux dispositions de la Charte de l’environnement qui s’imposent totalement aux pouvoirs publics.
De plus, l’initiative prévue pour le 3 août va à l’encontre des critères de réduction à la source et de traçabilité des déchets mis en avant depuis plusieurs années par le Ministère de l’Ecologie et les collectivités territoriales.
Les fabricants asiatiques et les revendeurs français de ballons mettent en avant le soi-disant caractère biodégradable de ces objets. Le terme biodégradable n’a à cette heure aucun caractère normatif ou réglementaire et il est employé à tort et à travers. Il doit à tout le moins être accompagné de précisions sur le temps nécessaire à une biodégradation complète de l’objet en référence ou de chacune des parties de l’objet. Nous notons en particulier que le corps principal du ballon est attaché à un lien de plusieurs dizaines de centimètres de long et qu’à ce lien est accroché une carte par nature résistante aux intempéries puisque le nom d’un soldat est inscrit dessus. Le lien étant lui même un piège ou un leurre pour la biodiversité marine et terrestre. Aux ballons gonflés à l’hélium sont généralement incorporés des embouts en plastique rigide.
L’ADEME – Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie – dans un document récent rappelle que « l’appellation biodégradable, compostable ou plus généralement dégradable ne peut en aucun cas être prétexte à l’abandon d’un produit dans la nature. »
Enfin, tout en partageant l’intérêt que votre municipalité porte à la commémoration de la guerre 14-18, nous estimons déplacée la coloration bleu-blanc-rouge de ces déchets. Ainsi sont oubliés les très nombreuses nationalités des combattants qui eux aussi sont « morts pour la France » et certains ballons seront selon les caprices des courants éoliens retrouvés en Allemagne et dans d’autres pays riverains.
En conséquence, Robin des Bois vous demande instamment, M. le maire, de renoncer à ce projet de lâcher de ballons et de bien vouloir nous faire savoir les suites que vous entendez donner à notre courrier.
Conscients du fait que les ballons et dispositifs de gonflage ont déjà été achetés et loués et que des enfants sont impliqués dans cette opération, nous vous suggérons en lieu et place de cet abandon de déchets de faire en sorte que les ballons restent captifs au moment de la cérémonie.
Enfin, nous vous informons que sur le site de Robin des Bois, sont disponibles des informations complémentaires sur les dangers des lâchers de ballons et des informations sur la découverte d’engins de guerre et sur les stigmates de la guerre 14-18 dans la région Champagne-Ardenne et dans toutes les régions sinistrées par ce conflit.
Dans l’attente de vous lire nous vous adressons nos meilleures salutations.
Jacky Bonnemains,
Président de Robin des Bois.