Le Serval, un remorqueur construit en 1977, battant pavillon Saint-Vincent-et-Grenadines, arrive à Cherbourg. La dernière inspection du Serval en janvier 2015 dans le port de Gdynia en Pologne a relevé 11 déficiences. Cet état de précarité est notable depuis 8 ans. En 2007, le Serval avait été détenu au Danemark, 23 déficiences.
Le Serval ne vient pas à Cherbourg pour être démoli. Il est dans le port normand pour remorquer aux risques et périls de la mer un vieux thonier désaffecté et cloué à quai depuis l’été 2007. Le Marginella, construit en 1985, mesure 55 m de long. Son équipage type est de 25 marins. Il appartenait à la flotte thonière soviétique. Il est le dernier survivant de 11 unités de thonier senneur du programme Tibiya construits entre 1980 et 1986, si l’on excepte le Tibiya lui-même transformé en navire de servitudes dans la mer Caspienne.
Le Marginella et son équipage ukrainien, russe, biélorusse partaient de Kaliningrad et se dirigeaient vers l’Atlantique sud pour pêcher du thon tropical. Dans la mer du Nord et au large de l’île de Wight, 2 incendies dans le compartiment machines ont privé le thonier de propulsion et le Marginella en dernier ressort et malgré les réserves de son armateur a été remorqué pour d’évidentes raisons de sécurité dans le port de Cherbourg par l’Abeille Liberté ; la facture du remorquage s’élevant à 400.000 € n’a pas été payée. Au même moment 2 thoniers senneurs appartenant au même armateur étaient saisis au Ghana pour des créances impayées.
Le Marginella est aujourd’hui bien plus encore qu’hier dans un état de délabrement avancé. Tous ses apparaux de pêche, skiff, senne, derricks, sont encore à bord. En 7 ans, l’épave a été victime de quelques entrées d’eau et les pompiers ont eu à intervenir. L’armateur du Marginella, Atlanttralflot basé à Kaliningrad, semble ne plus avoir de navires ; il a vendu ses dernières unités à des chinois.
La destination du convoi Serval–Marginella est pour l’instant inconnue. Il y a un an, Robin des Bois avait recommandé la destruction du navire à Cherbourg. L’inspection maritime du port avait dit, quant à elle, que le Marginella pourrait éventuellement quitter Cherbourg après avoir été reconnu bon pour la navigation par une société de classification digne de ce nom, après le paiement des dettes et après l’autorisation officielle de la Préfecture Maritime. Quelle que soit la longueur du trajet imposé au Marginella, Belgique au mieux, Lituanie au pire, le Marginella risque de sombrer en cours de route et de disperser dans la Manche, la Mer du Nord et la Baltique un filet de plusieurs centaines de mètres de long, des dizaines de bouées, des rouleaux de cordage, et autres accessoires imputrescibles et flottants. Le Marginella au fond de l’eau serait un site pollué sous-marin, plein d’amiante, d’huiles et de peintures toxiques.
Outre les questions de sécurité maritime, les raisons pour lesquelles l’armateur du Marginella ou d’autres intérêts tiennent à récupérer l’épave sont mystérieuses. Il se pourrait que les apparaux de pêche et autres accessoires propres à la pêche thonière soient réutilisés sur des thoniers pirates au large de l’Afrique ou que les éventuels quotas de pêche accordés à l’ex thonier fassent l’objet de marchandages obscurs.
16 septembre 2007 © Brunoh/Shipspotting
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25 février 2015 © Robin des Bois
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