Dans le cadre d’une campagne d’information animée par le collectif “Agir Ici pour un monde solidaire”, l’association Robin des Bois a effectué un voyage d’observation de la filière bois à l’Est et au Sud-Est du Cameroun.
Filiale du groupe Pasquet, la concession R. Pallisco basée à Messamena a particulièrement attiré notre attention. 750.000 hectares de forêt primaire y ont été exploités depuis 1972 avec l’aide de sociétés satellites. La production annuelle est d’environ 85.000 m3, Pallisco est au Cameroun le plus gros exploitant de moabi (Baillonella toxisperma). Cet arbre est vital pour les populations pygmées et bantou du Sud-Est Cameroun. C’est à la fois un arbre alimentaire dont les amandes sont pressées pour obtenir la seule huile disponible en milieu forestier. L’écorce est utilisée comme remède traditionnel polyvalent et c’est un arbre culturel qui tient sa place dans les communautés villageoises. Depuis mai 1994, l’étude de l’utilisation du moabi dans l’Est Cameroun a montré que les peuplements sont de faible densité et que la croissance est lente. C’est un arbre très grand, jusqu’à 60 m de haut et 5 m de diamètre émergeant au-dessus de la canopée qui fait la fierté des villages et constitue un point de repère important dans les rapports de proximité. En 1997, la coupe d’un moabi géant par un sous-traitant de Pallisco a été ressentie par la communauté villageoise bantou de Bareko comme une atteinte directe au paysage et au mode de vie. La loi du Cameroun interdit pourtant la coupe des moabis dans un rayon de 5 km autour des villages. La coupe illégale des moabis et le braconnage dans la réserve voisine du Dja sont tolérés par Pallisco. De même Pallisco exploite les talis (Erythrophleum ivorense) qui ont eux aussi pour les populations locales des vertus médicales.
Dans les scieries locales, à Mindourou, la main-d’œuvre travaille dans des conditions précaires et n’est pas protégée des poussières toxiques, agressives pour les voies respiratoires. “Ça bombarde” disent les ouvriers. Les produits de traitement pesticide sont fabriqués sur place selon des formulations dont l’usage est interdit aujourd’hui en Europe. Les employés ne sont pas protégés, ni informés, les coulures sont importantes et l’utilisation répétitive de ces produits fongicides et insecticides imprègnent les sols, contaminent des cultures vivrières et des cours d’eau.
C’est pourquoi nous demandons aux ouvriers, aux syndicats et à l’encadrement du groupe Pasquet de rechercher dès maintenant des essences de substitution dont l’exploitation n’aurait pas d’effets négatifs sur les populations et l’environnement. Nous pensons en particulier aux arbres faisant ou pouvant faire l’objet d’une sylviculture en Bretagne, en France et en Europe. Contrairement à la légende et aux efforts de marketing de l’industrie du bois, il n’est pas possible, même à moyen terme, d’envisager d’accorder à ce type d’exploitation africaine des “écocertifications”. Alors que la bourgade d’Argentré-du-Plessis est prospère grâce à l’exploitation d’arbres déjà considérés par les experts comme rares, il a fallu que le village de Djouyaya attende pendant deux ans pour “bénéficier” d’une case commune de 50 m2, couverte de tôle. Cet édifice faisait partie des promesses faites par Pallisco avant l’ouverture de l’exploitation forestière.
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