Depuis un an et demi, ils vivent dans la hantise du contact, de l’inhalation ou de l’ingestion de l’arsenic. Malgré cinq réunions du groupe de travail arsenic placé sous la présidence de la sous-préfecture de Lodève, malgré la responsabilité évidente des collectivités locales et de BRL, Eric VIGNON et Aurélie DEVOCHELLE n’ont reçu aucun secours, aucune indemnité leur permettant de se réinstaller ailleurs. Malgré la naissance imminente d’un enfant au moulin du Bosc, aucune proposition n’a été faite aux parents pendant les neuf mois de gestation, sauf de minables propositions d’hébergement provisoire dans une chambre d’hôtel.
L’intoxication chronique à l’arsenic agit sur de multiples organes: la peau (dermites, plaies, tumeurs bénignes et malignes), les muqueuses (gingivite, stomatite, laryngite, perforation de la cloison nasale) le sang (anémie), les poumons, le système digestif, le foie, les reins. Il est cancérigène.
Dans la réglementation française la teneur maximale admissible dans l’eau de boisson est actuellement de 0,05 mg/l. La réglementation européenne l’a fixée à 0,01 mg/l.
Pour les sols, la valeur de constat d’impact est fixée à 37 mg/kg de matière sèche pour un usage sensible, une habitation par exemple. Au moulin du Bosc des teneurs allant de 400 à 51.000 mg/kg sont mesurées.
1961: La Compagnie Nationale d’Aménagement du Bas-Rhône et du Languedoc (BRL) s’apprête à noyer la mine d’Avène et son usine de traitement du minerai sous les eaux du barrage d’irrigation qu’elle vient de construire. Elle a acheté les emprises à PENARROYA, qui y exploitait le plomb et fabriquait un pesticide à base d’arsenic, le Penarsol. Des tas de résidus miniers et des stocks de produits arséniés sont hâtivement débarrassés de la mine d’Avène, de l’usine, et de la gare de Ceilhes-Roqueredonde. BRL choisit un ferrailleur et des transporteurs routiers locaux pour effectuer le travail, et confie plus de 1000 t de Penarsol à un intermédiaire afin de les revendre. A Lodève, au bord de la Lergue, le moulin du Bosc est rempli de sacs et de bidons de Penarsol.
1973: Le Penarsol et d’autres composés arsénicaux sont interdits d’emploi en France. Un entrepreneur de travaux publics de Lodève utilise une partie du stock du moulin pour remblayer les cuves polluées aux hydrocarbures à l’usine à gaz de Lodève. Gaz de France est propriétaire du terrain et maître d’ouvrage des travaux.
1978: Le Penarsol stocké au moulin du Bosc inquiète. Le Conseil Général de l’Hérault finance une évacuation vers la mine d’or de Salsigne, dans l’Aude. La Direction Régionale de l’Industrie et de la Recherche (DRIR) enregistre l’arrivée à Salsigne de 478,8 t de Penarsol. Mais le travail est bâclé, des tonnes de pesticide sont laissées en vrac au moulin, des bidons sont enterrés sur place. Ni le Conseil Général, ni la DRIR n’effectuent de contrôle en fin de travaux.
1983: 50 t de Penarsol sont découvertes dans la décharge d’Aspiran. Un second intermédiaire de la filière est identifié.
1992: Le Conseil Général de l’Hérault commande une étude sur “L’origine des concentrations élevées en arsenic dans les eaux souterraines de la région du lac du Salagou”. Des prélèvement sont réalisés au moulin du Bosc, mais curieusement, pour l’arsenic le rapport mentionne que “le laboratoire de géochimie n’a pas pu nous fournir les valeurs des concentrations”. La DDASS reçoit une copie du rapport.
1995: Eric VIGNON achète le moulin du Bosc à un curé de Mende. Pendant cinq ans il constate que ses chiens meurent empoisonnés.
Fin 2000, il découvre des bidons enterrés dans la remise. En avril 2001 le cabinet CAMEX-GTA identifie la présence massive d’arsenic dans les sols et les murs du moulin. La préfecture de l’Hérault est prévenue, mais ne réagit qu’une fois la presse alertée par Robin des Bois. L’enquête de Robin des Bois et du Collectif Arsenic de Lodève révèle qu’une dizaine d’autres sites sont pollués à Lodève, à Avène, à Ceilhes. Le successeur de Penarroya, METALEUROP, est contacté par Robin des Bois et annonce qu’il prend en charge la dépollution du moulin. En septembre, 18 t de déchets arséniés sont excavées. Mais l’audit de fin des travaux constate que les emprises et le bâti du moulin sont toujours imprégnés d’arsenic en profondeur. Les fondations des anciens gazomètres à l’usine à gaz de Lodève sont déblayées: 900 t de terres polluées sont envoyées pour stockage profond en Alsace. Un tas de 260 t de résidus miniers habituellement submergés est découvert par Robin des Bois au fond du lac d’Avène, le niveau d’eau étant particulièrement bas. BRL l’évacue, de fortes teneurs en plomb et en arsenic y ont été mesurées.
Juin 2002: Eric VIGNON découvre de nouveaux bidons et du Penarsol en vrac, dissimulés dans les sous-sols de son moulin… L’enquête judiciaire elle, est au point mort.
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