Lettre ouverte aux gouvernements des pays-membres de la Convention de Washington
Le commerce international de l’ivoire sera réouvert entre 3 pays d’Afrique australe et le Japon en mars 1999 conformément à la décision prise par les pays-membres de la Convention de Washington (CITES) à Harare au Zimbabwe, en juin 1997. Mais le Comité Permanent de la Convention devra préalablement s’assurer que les 11 conditions à la reprise du commerce sont effectivement remplies. Pour l’essentiel, elles concernent le renforcement de la coopération interafricaine dans la maîtrise du braconnage des éléphants et de la contrebande de l’ivoire. Cet examen aura lieu à Genève au palais des Nations-Unies du 8 au 12 février 1999. Plus d’une centaine de délégations des pays-membres sont attendues.
L’ivoire kaki
Paris
Objet : Sommet franco-africain sur la sécurité
Depuis juin 1997 et la décision internationale prise au Zimbabwe de rouvrir le marché de l’ivoire, la guerre et tous ses effets pervers se sont installés et propagés en Afrique centrale et en Afrique australe. Dans ces régions, le troc de l’ivoire contre des armes légères, des munitions, des missiles ou du matériel roulant contribue au développement durable de la violence aveugle et des souffrances infligées aux populations civiles. De 1970 à 1987, l’armée sud-africaine a échangé des armes contre des défenses d’éléphants et des cornes de rhinocéros. Le braconnage était pratiqué par les milices rebelles de l’Angola et du Mozambique et la contrebande par l’armée sud-africaine qui ramenait par avion et par train vers Johannesburg les cargaisons illicites. Le trafic de matières animales était associé au pillage des tecks de l’Angola et du Nigéria. Les grumes étaient acheminées en Afrique du Sud, par convoi routier, à travers le Zaïre, la Zambie, le Botswana ou la Namibie dans l’indifférence ou avec l’approbation des douanes interafricaines. Sur la côte Est de l’Afrique de 1980 à 1992 notamment au Mozambique et dans les pays périphériques comme la Tanzanie, le programme “des armes contre de l’ivoire” a été appliqué grâce à la complicité des troupes du Zimbabwe, d’Afrique du Sud et d’hommes d’affaires portugais. Ces sources de financement des guerres civiles sont le plus souvent attestées par des témoignages ou des enquêtes de justice plusieurs années après les faits mais déjà les observateurs sur le terrain ont constaté au Kenya et au Cameroun une aggravation de la pression de chasse sur les éléphants consécutive aux guerres ou aux troubles civils actuels au Soudan, en Somalie et au Tchad.
Fontainebleau : l’UICN dans sa tour d’ivoire
En 1994, l’UICN a commandité un rapport sur les conséquences de l’interdiction du commerce international de l’ivoire entrée en vigueur en 1990. Les conclusions douteuses de ce travail exclusivement réalisé par des experts nommés par l’UICN, WWF et Traffic ont servi de fondement au Botswana, au Zimbabwe, et à la Namibie pour obtenir à l’arraché la réouverture partielle du commerce international de l’ivoire et le déclassement des 3 populations d’éléphants (Loxodonta africana) concernées de l’annexe I à l’annexe II de la Convention de Washington. Cette convention porte sur le commerce international des espèces animales et végétales sauvages menacées d’extinction. C’est à Harare, Zimbabwe, que la décision fatidique a été prise le 19 juin 1997 dans le cadre de 10ème conférence plénière. L’UICN agit en tant qu’expert scientifique auprès de la Convention de Washington.
La Flèche n°30
Lire la suiteHarare : hold-up sur l’ivoire
Harare
Après un premier vote négatif survenu mardi 17 juin 1997, les pays d’Afrique australe, soutenus par la Norvège, les pays arabes, d’Amérique du sud et asiatiques ont arraché ce matin la réouverture partielle du trafic international de l’ivoire.
Une ébauche de projet visant à maîtriser la reprise du trafic n’a pu faire l’objet d’une discussion préalable au deuxième vote.
Le rôle ambigu et partial de la Commission Européenne et des délégations des pays européens, parmi lesquels la France, a joué un rôle clef dans ce vote. L’Union Européenne n’a pas pris en compte les inquiétudes des pays de l’aire de répartition, notamment en Afrique de l’ouest, en Afrique centrale et en Afrique de l’est et s’est positionnée dès l’ouverture de la Conférence en faveur du transfert de l’éléphant en Annexe II. Traitant l’éléphant et l’ivoire comme s’il s’agissait de filet de bœuf et de cornes de vaches, l’Union Européenne a fait un pas de plus vers le libéralisme triomphant et a négligé au nom du cliché du “développement durable” le principe de précaution scientifique et les risques de contrebande. Même si l’accord amendant les propositions de la Namibie, du Zimbabwe et du Botswana empêche théoriquement la reprise du trafic avant 18 mois, il est probable que dès les semaines qui viennent, les éléphants, non seulement en Afrique, mais aussi en Asie, vont être victimes d’une recrudescence du braconnage et que les stocks d’ivoire vont se gonfler en attente de la reprise du marché.
La nuit la plus longue pour les éléphants
L’amendement de l’Afrique du Sud proposant un déclassement immédiat de l’éléphant d’Afrique de l’Annexe I à l’Annexe II, avec l’interdiction pendant 18 mois de la reprise du trafic international de l’ivoire et la création d’un groupe de travail panafricain visant à étudier le renforcement des mécanismes d’identification et de contrôle de l’ivoire, vient d’être rejeté d’extrême justesse.
La séance est interrompue. Elle reprendra demain matin.
Sauf subterfuge de dernière minute, et étant donné qu’il n’y a pas de consensus parmi les Etats de l’aire de répartition de l’éléphant d’Afrique, les propositions originelles des 3 pays d’Afrique australe devraient être rejetées demain matin. Mais la tension et les arrangements qui règnent dans les coulisses de la conférence d’Harare incitent encore à la vigilance.
Eléphants – travailler d’abord – décider après
Harare
Un groupe de travail panafricain incluant dans ses paramètres les retombées d’une éventuelle modification du statut de l’éléphant d’Afrique sur l’éléphant d’Asie ne peut aboutir à des résultats sérieux en quelques heures ou jours.
Une concertation interrégionale et intercontinentale imaginant, mettant en place, et contrôlant l’application des dispositifs techniques et financiers indispensables au contrôle du commerce international de l’ivoire ne peut être réglée à la sauvette.
La paix pour les éléphants
Harare
La Convention de Washington, dite CITES, a pour vocation de réglementer le commerce international des espèces végétales et animales et de leurs dérivés. Or, il y a entre les acheteurs éventuels d’ivoire et certains producteurs d’Afrique australe une incompatibilité majeure : les premiers sont réticents à en acheter dans l’état actuel du marché – y compris au Japon où 60 associations de protection de la nature ont signé un manifeste contre la réouverture du marché de l’ivoire – et les seconds veulent vendre de l’ivoire à tout prix.