CICTA 2011: les autres décisions

24 nov. 2011

Liberté de Thon n°6.
22ème réunion ordinaire de la Commission Internationale pour la Conservation des Thonidés de l’Atlantique et des mers adjacentes (CICTA / ICCAT)

LES THONS

Les thons obèse et albacore
Malgré les réticences de la Corée, la recommandation présentée par l’Union Européenne et le Japon visant à rétablir les populations de thons obèse et albacore a été acceptée. Dans le Golfe de Guinée, une zone de fermeture de la pêche utilisant des dispositifs de concentration de poissons -objets flottants sous lesquels ils se regroupent naturellement- a été instaurée pendant les deux premiers mois de l’année afin de limiter les prises de juvéniles. Cependant, les captures annuelles ne seront pas réduites -85.000 tonnes autorisées pour le thon obèse et 110.000 tonnes pour l’albacore. L’Afrique du Sud et les Etats-Unis auraient souhaité que les zones de fermeture soient plus étendues dans le temps et dans l’espace, en vain. Le Ghana a jusqu’en 2021 pour « rembourser » les 3000 tonnes de thon obèse qu’il a surpêché depuis 2006.
thon-obese-robindesbois-2011Thon obèse (c) CAFS

Le Germon de l’Atlantique Sud
Il est surpêché notamment par le Taipei chinois (Taïwan), l’Afrique du Sud, la Namibie, le Brésil et l’Uruguay. La limite de capture annuelle admissible a été réduite à 24.000 tonnes pour 2012 et 2013 ; elle sera encore diminuée si les prises de 2011 qui ne sont pas encore toutes déclarées dépassent 29.900 tonnes. La prochaine évaluation des populations de germon du sud a été avancée à l’année 2013. Il y a énormément d’incertitude sur l’état de ces populations. D’une manière générale, « Il y a trop peu d’attention sur les thonidés mineurs » a déclaré le président du comité scientifique.

Le Germon de l’Atlantique Nord
La dernière évaluation des populations a été réalisée en 2009. L’Union Européenne et le Taipei chinois sont les principaux pêcheurs avec les Etats-Unis, le Venezuela et le Japon dont les flottes industrielles capturent dans l’océan Atlantique des germons en même temps que des thons obèses. Le total annuel des prises admissibles (TAC) a été fixé à 28.000 tonnes pour cette population alors que depuis 2007 les prises déclarées sont inférieures à ce tonnage. Il n’y a pas eu cette année de recommandation concernant les germons de Méditerranée.

Le thon rouge
Les bordereaux de capture du thon rouge (Blue-fin Catch Document) vont passer sous format électronique pour éviter les déclarations différées, les ratures opportunistes et les pertes en ligne. La mise en œuvre intégrale du système nommé e-BCD devrait être effective avant la saison de pêche à la senne de 2013. A l’initiative du Japon, des discussions vont être ouvertes pour améliorer la traçabilité des captures d’autres espèces de thons. A l’appui de sa résolution, le Japon citait l’absence de moyens de contrôle adaptés pour les thons obèse finissant en boite de conserve sans garantie qu’ils ne provenaient pas d’une pêche pirate.
D’autre part, il est connu que les thons rouges capturés par les senneurs pour alimenter les fermes d’engraissement ne sont pas tous déclarés. Les tricheurs profitent de la difficulté à compter les poissons lorsqu’ils sont transférés vers les cages. Il suffit que la luminosité soit mauvaise ou que la vidéo soit de qualité médiocre pour que les enregistrements sous-marins ne soient pas ou peu exploitables. Certains armements ne permettent pas aux observateurs chargés du décompte de revoir les films à leurs convenances. Des essais prometteurs ont été effectués avec des caméras stéréoscopiques ; la CICTA ne les a pas encore validées.
Enfin, les impacts sur les populations de thon rouge de la marée noire de Deepwater horizon ne sont pas encore connus ; le Golfe du Mexique est une de ses zones de ponte avec la Méditerranée.
Plus d’informatio ns sur le thon rouge sont disponibles dans nos précédents communiqués CICTA 2011.

LES REQUINS

La recommandation des Etats-Unis, de Belize et du Brésil contraignant les pêcheurs à débarquer toutes les espèces de requins avec leurs ailerons au lieu de les couper sur le pont du navire et de rejeter la carcasse mutilée par-dessus bord n’a pas été acceptée. La Chine, principal consommateur d’ailerons de requins, s’y est opposée.

Le requin soyeux
Les requins soyeux capturés lors des opérations de pêche aux thons doivent dorénavant être remis à l’eau morts ou vivants. Les Etats côtiers en développement qui consomment localement des requins-soyeux comme la Côte d’Ivoire sont exemptés de cette mesure ; c’était une des conditions pour que la recommandation présentée par l’Union Européenne, les Etats-Unis et le Brésil soit acceptée par consensus. Le Japon a ergoté arguant notamment que les requins soyeux pris dans les filets de senneurs sont morts quand la pêche est vidée à bord du navire. Mais une étude réalisée à bord de senneurs français dans l’océan Indien montre que sur 20 requins marqués et relâchés, certes 6 sont morts tout de suite après le rejet et 3 sont morts dans les 15 jours mais 9 ont survécu. De plus, les requins remis à l’eau n’alimentent pas le marché international.

Le requin-taupe
Il est le laissé pour compte des conventions internationales. En mars 2010, le requin-taupe a loupé de peu l’inscription en annexe II de la CITES qui contrôle le commerce international. En novembre 2011, la CICTA a refusé d’interdire la rétention à bord des navires, le transbordement, le débarquement et la vente du requin-taupe. La recommandation présentée par l’Union Européenne et le Royaume-Uni au titre de ses territoires d’outre-mer a été retirée faute de consensus. Elle aurait obligé les pêcheurs à remettre promptement à l’eau et indemnes ces requins. Les études devraient se poursuivre pour mieux connaître l’état des stocks et les zones de reproduction. Au sein de l’Union Européenne, la pêche ciblée sur le requin-taupe n’est pas autorisée. Ils sont le plus souvent capturés accessoirement lors d’opérations de pêche à la palangre ciblant le thon et l’espadon.

L’ESPADON ET LES MAKAIRES

L’espadon de Méditerranée
L’Italie à elle seule pêche 48% des espadons de méditerranée débarqués officiellement. Plus de la moitié des espadons capturés ont moins de 3 ans. La recommandation présentée par l’Union Européenne et la Turquie instaure une fermeture saisonnière de la pêche de trois mois par an, des tailles minimales de captures de 90 cm alors que la taille estimée à laquelle 50% de la population femelle est mature s’élève à environ 140 cm, et des limitations de capacité des engins de pêche (nombre et caractéristiques des hameçons …). Le registre CICTA des navires autorisés à pêcher l’espadon intègre les bateaux de pêche sportive et récréative. Les Etats-Unis ont précisé qu’ils « ne souhaiteraient pas avoir une telle mesure dans l’Atlantique Nord».

L’espadon de l’Atlantique Nord
L’Espagne est le principal pêcheur d’espadon de l’Atlantique Nord (42%) suivi des Etats-Unis (20%). En 2010, plus de 12.000 tonnes auraient été capturées et la CICTA a vu large en fixant le total des prises admissibles à 13.700 tonnes pour 2012 et 2013. Un quota de 40 tonnes a été attribué à Saint-Pierre et Miquelon auxquelles s’ajouteront 20 tonnes transférées depuis le quota européen. Depuis l’année dernière, l’Atlantic Odyssey anciennement pavillon canadien, pratique cette pêche sur l’archipel. Les mesures de conservation et de gestion de l’espadon de l’Atlantique Nord seront révisées en 2013.
Il n’y a pas eu cette année de recommandation sur l’espadon de l’Atlantique Sud.

Le makaire bleu et le makaire blanc (marlin)
L’Union Européenne a annoncé enthousiaste qu’ « il n’y a plus de surpêche pour le makaire blanc par les pays de l’Union » mais a reconnu que la surpêche au makaire bleu perdurait. D’autres pays comme le Venezuela capturent des quantités trop importantes et selon le comité scientifique de la CICTA le stock continuera vraisemblablement à chuter « à moins que les récents niveaux de capture ne soient considérablement réduits». La recommandation présentée par le Brésil limitant l’effort de pêche sur les deux espèces de makaire a été acceptée.


TRANSPARENCE EN MATIERE D’ACCORDS D’ACCES

Les accords d’accès permettent aux navires battant pavillon d’un Etat d’aller pêcher dans les eaux d’un autre Etat. Par exemple, des navires japonais vont pêcher dans les eaux gabonaises et mauritaniennes en vertu d’accords d’accès. Dorénavant et grâce à une proposition des Etats-Unis et de l’Union Européenne, ces accords devront être notifiés à la CICTA en précisant le nombre de navires et les espèces autorisés à la pêche. La proposition a été soutenue par le Sénégal et la Mauritanie. Outre qu’elle améliore la transparence entre Etats membres de la CICTA et envers la société civile, cette recommandation permettra une déclaration plus complète des prises et réduira la pêche pirate. A la demande du Maroc, il a été ajouté un paragraphe stipulant que les exigences nationales en matière de confidentialité devront être respectées. Le Japon, la Chine et la Corée, parmi les grandes nations bénéficiant de ces accords d’accès, ont dans un premier temps dénoncé un fardeau supplémentaire mais ne se sont pas opposés au consensus.
Il a par ailleurs été constaté que les obligations de déclaration des accords d’affrètement – pour pratiquer la pêche dans ses eaux, un Etat affrète un navire immatriculé dans un autre Etat – ne sont pas respectées et un travail en intersession devra trouver des remèdes à cette lacune. Le Brésil a par exemple des difficultés à transmettre le registre des navires japonais qu’il affrète.

COOPERATION AVEC LA CITES

Suite à la proposition d’inscrire le thon rouge en annexe I de la CITES –interdiction du commerce international-, et à son rejet brutal à Doha au Qatar en mars 2010, la CICTA et la CITES ont décidé de se rapprocher. Des « lignes directrices pour la coopération » ont été adoptées à Istanbul. L’Union Européenne est restée en retrait, laissant les Etats-Unis à la manoeuvre. Le document n’aborde pas le point dur, c’est-à-dire la complémentarité de l’annexe II de la CITES qui contrôle le commerce international avec les bordereaux de suivi de capture du thon rouge requis par la CICTA et qui sont censés contrôler les mouvements du thon rouge depuis la capture jusqu’à la commercialisation. Les échanges entre les deux organes doivent cependant inclure des données sur les captures et le commerce. Ce document doit maintenant être validé par la CITES. Les japonais, fermement opposé à l’entrée de toute espèce commerciale marine au sein de la CITES ont le même chef de délégation dans les deux conventions. M. Masanori Miyahara a été en outre nommé à Istanbul président de la CICTA pour deux ans.

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