Séisme et tsunami au Japon
Communiqué n°16
Déchets en mer
After choc n°2. Ce communiqué fait suite à l’After choc n°1 consacré aux déchets terrestres du séisme et du tsunami japonais.
Le tsunami consécutif au séisme a dévasté environ 300 km de linéaire côtier, de villes, de serres agricoles et d’installations industrielles. La vague est rentrée jusqu’à 10 kilomètres à l’intérieur des terres et a submergé au moins 500 km². A terre, la catastrophe à double détente a laissé environ 25 millions de tonnes déchets et quand le tsunami a reflué vers l’Océan Pacifique, il a entraîné des quantités considérables de déchets divers. Cette injection dans le milieu marin se perpétue par le biais des fleuves côtiers. Tous ces déchets entrent depuis le 11 mars dans un infernal cercle océanique, la boucle du Pacifique Nord. Le tour complet se fait en dix ans.
Carte © Robin des Bois. Libre d’utilisation. Haute définition disponible.
Les déchets ont été projetés en mer sous des formes diverses dont il serait vain de dresser la liste complète ; avions, bateaux, voitures et réservoirs qui vont progressivement rejeter en mer les hydrocarbures et autres liquides toxiques, fûts, jerrycans, bombes aérosols d’origines domestique et industrielle épandant dans l’océan des solvants, des acides, des pesticides, des médicaments, des bois traités. L’océan n’est pas seulement contaminé par la radioactivité, loin de là.
La force majeure du désastre a ouvert en mer une gigantesque décharge alors que les conventions internationales interdisent l’immersion de déchets dans tout l’océan mondial. Certains types de déchets sont particulièrement dangereux : les appareillages électriques ou électroniques relarguent en mer des polluants persistants comme les PCB et les composés bromés qui se nichent dans les chaînes alimentaires.
Les débris les plus lourds ou les plus détériorés ont coulé et seront un danger pour la pêche et les équipages quand les activités reprendront. A l’épreuve du temps, des emballages en plastique peuvent aussi couler. Les scientifiques japonais ont repéré avant le tsunami par 7.216 m de fond des déchets d’emballage en plastique dans la fosse sous-marine de Ryukyu, à l’Est du Japon.
Le panache des déchets flottants entre deux eaux est pris en charge par le courant du Pacifique Nord. Les risques de collision entre des gros déchets, conteneurs maritimes et troncs d’arbres, et les navires de surface et les sous-marins ne sont pas négligeables. Après le typhon Morakot qui a dévasté Taiwan en 2009, 170.000 tonnes de bois ont été récupérées dans les eaux territoriales du Sud du Japon mais la majorité des bois flottés ont été pris en charge par les courants trans-Pacifique.
Les déchets du tsunami voyagent à une vitesse moyenne de 5 à 10 milles marins par jour. Une petite fraction sera entraînée par le courant de l’Alaska. Le gros de la marée mettra 2 ans pour traverser l’Océan Pacifique avant d’être repris par le courant de Californie. 2 ans de dérive seront à nouveau nécessaire pour longer du Nord au Sud les côtes californiennes. Les déchets seront en partie captés et piégés par un courant circulaire et formeront le désormais bien identifié Eastern Garbage Patch, une zone d’accumulation préférentielle où la densité des déchets est statistiquement élevée mais qui en aucune manière ne peut être qualifiée d’île de déchets. Les déchets les plus légers propulsés par les courants, les vents et les vagues sont attendus dès le printemps prochain sur les plages au nord de l’archipel d’Hawaï ; les bouteilles vides en plastique seront les premières avec d’autres emballages alimentaires.
Certains déchets continueront le voyage. A l’Ouest, une autre zone d’accumulation de déchets océaniques a récemment été localisée (la Western Garbage Patch), plus petite que son homologue du Pacifique Est. Une étude scientifique récente citée dans le Marine Pollution Bulletin atteste que des déchets en plastique collectés dans cette décharge marine sont transportés par des albatros de Laysan jusqu’à l’atoll de Kure, au centre de l’Océan Pacifique ; un vol de 4000 km au terme duquel dans les sites de nidification ces déchets de plastique sont ingérés par les poussins.
C’est là en effet le principal danger de ces déchets errants ; ils leurrent les oiseaux, les poissons, les mammifères marins et les tortues et rentrent à leurs dépens dans leurs régimes alimentaires, provoquent des occlusions, des étouffements, des pertes d’appétence et des troubles de la mobilité. Les milliers d’engins de pêche arrachés aux quais et aux épaves de bateaux de pêche par le tsunami japonais ne manqueront pas non plus de se livrer pendant des décennies à la « pêche fantôme », capturant par milliers des requins, des mammifères marins, des saumons, et d’autres poissons de haute valeur commerciale, des oiseaux, des espèces menacées d’extinction comme les phoques moines d’Hawaii.
Les 25 millions de tonnes de déchets terrestres produits par la double catastrophe du 11 mars 2011 sont sous la responsabilité des autorités japonaises (cf. communiqué After Choc 1). Les déchets aquatiques, eux, deviennent un problème international. Il est temps de mettre en œuvre des conventions et des moyens logistiques d’assistance mutuelle pour collecter après les catastrophes naturelles les flux de déchets qui rejoignent la mer, avant leur dispersion et leur multiplication par fragmentation.
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