Robin des Bois et la Commission OSPAR – Cork, Irlande, 26-29 juin 2017

7 juil. 2017

OSPAR est une Convention de coopération internationale dédiée à la protection du milieu marin de l’Atlantique du Nord-Est et entrée en vigueur en 1998. La France, la Belgique, le Danemark, l’Allemagne, la Finlande, l’Islande, l’Irlande, les Pays-Bas, la Norvège, le Portugal, l’Espagne, la Suède, le Royaume-Uni de Grande Bretagne et d’Irlande du Nord et l’Union européenne en sont membres ainsi que le Luxembourg et la Suisse au titre de l’influence sur la qualité des eaux marines de l’Atlantique des fleuves et des rivières qui les traversent. Robin des Bois a le statut d’observateur à la Commission OSPAR depuis 2005.

OSPAR perd-elle son fil d’Ariane ?
Cork – Irlande. Au 17ème étage au dessus du fleuve Lee surplombant d’un côté les tours de l’église et de l’autre d’interminables collines vertes, OSPAR met la dernière main à son rapport intermédiaire 2017 (1). C’est à la fois un résumé des connaissances scientifiques à partir de 47 évaluations sectorielles et une anticipation de tout ce qu’il reste à faire pour parvenir en 2020 à réduire comme convenu par tous les Etats-membres les effets des activités humaines sur l’océan Atlantique du Nord-Est. Les conclusions du rapport intermédiaire montrent qu’il y a une réduction significative des substances dangereuses contrôlées par OSPAR et que cependant des mesures complémentaires doivent être mises en œuvre pour protéger les espèces et les habitats vulnérables.

Malgré des difficultés majeures notamment en ce qui concerne les macro déchets et les Aires Marines Protégées (2), le rapport intermédiaire montre aussi des progrès significatifs dans l’application de la stratégie pour le milieu marin de l’Atlantique du Nord-Est. Cette stratégie est le fil conducteur d’OSPAR. Elle fixe les objectifs des comités Substances Radioactives, Industries Pétrolières et Gazières Offshore, Substances Dangereuses et Eutrophisation, Activités Humaines et Biodiversité. Le temps était presque glacial quand les délégations des Etats-membres se sont attachées à remettre à plus tard l’engagement des ministres pris à Bergen, Norvège, en 2010 et à repousser au delà de 2023 la publication du Bilan de Santé. Sous le souffle frisquet d’une climatisation déréglée et malgré l’appel de Robin des Bois et de Greenpeace à respecter l’échéance retenue par les ministres des Etats-membres en 2010, les délégations ont par consensus décidé de reporter le Bilan de Santé à 2023.

A Cork, les Etats-membres ont aussi tenté de repousser à 2023 l’application d’une nouvelle stratégie pour le milieu marin également décidée à Bergen. Robin des Bois a insisté sur le besoin de ne pas perdre le fil conducteur de ce travail. Ce n’est pas acceptable qu’une Convention majeure sur les mers régionales continue ses petites affaires sans chercher à appliquer un engagement commun de tous les ministres. Tant bien que mal, il a été décidé par l’ensemble des délégations de constituer d’urgence un groupe de travail chargé d’étudier comment combler d’éventuels retards et respecter les objectifs de 2020.

OSPAR dans les eaux glaciales
Le grand froid diplomatique qui règne à l’extrême nord des compétences d’OSPAR commence à se réchauffer, la Commission vient enfin de se voir attribuer le statut d’observateur par le Conseil de l’Arctique (3). La Finlande qui prend la présidence du Conseil a informé la Commission que la protection de l’environnement sera une priorité dans les deux années qui viennent. Robin des Bois a salué cette initiative et souligné le besoin d’accéder à un certain équilibre entre le Pôle sud et le Pôle nord en exhortant OSPAR à œuvrer à la création d’Aires Marines Protégées dans l’océan glacial Arctique. OSPAR est la seule institution mandatée par l’Organisation des Nations-Unis pour cette mission. Indépendamment du Code Polaire prescrit par l’Organisation Maritime Internationale (OMI) et entré en vigueur en janvier 2017, il est urgent de protéger l’Arctique. Le ministre norvégien de l’énergie vient de décider d’attribuer 102 nouvelles concessions de gaz et de pétrole au delà du Cercle polaire arctique et l’agence norvégienne pour la protection de l’environnement réclame le retrait de 20 de ces concessions au motif quelles sont trop proches de l’archipel Svalbard, et plus précisément de l’île de l’Ours, une réserve naturelle qui héberge une des plus grandes colonies d’oiseaux de mer dans le grand Nord.

L’épuisement progressif de l’or noir
Pendant que la prospection des gisements pétroliers et gaziers se développe en Arctique, les réserves de gaz et de pétrole s’épuisent en mer du Nord. Dans la décennie 2020/2030, 100 plateformes devront être démantelées. Les 4 structures offshore du champ de Brent exploité par Shell seront dirigées vers le chantier de démolition Able UK à Hartlepool, Royaume-Uni. Les Etats-membres d’OSPAR n’ont pas à ce jour les capacités techniques pour démonter et recycler tous les équipements pétroliers offshore. Robin des Bois a insisté sur la nécessité de bien évaluer toutes les conséquences en terme d’éthique, de sécurité maritime et de protection de l’environnement du transfert des plateformes et des navires d’assistance désaffectés vers la Turquie, le Bangladesh ou l’Inde. Le champ pétrolier de Brent est devenu un nom commun depuis que dans les années 90 Shell a annoncé sa décision de couler au fond de la mer la Brent Spar, une bouée de stockage et chargement de pétrole brut. La saga s’est finalement terminée par la mise en cocon de la Brent Spar dans le fjord norvégien d’Erfjord et sa conversion partielle en installation portuaire à Stavanger et en 1998 par la décision clef d’OSPAR 98/3 sur l’élimination des installations offshore désaffectées.

Bouée de stockage Brent Spar

Une station de ravitaillement pour les bernaches cravants (Branta bernicla)
Les décisions, les recommandations et les accords d’OSPAR sont en cours de réexamen et notamment la décision 98/3 sur l’élimination des installations offshore désaffectées. Certains Etats-membres redoutent que le Comité sur l’Industrie offshore saisisse cette occasion pour remettre en cause les modalités concrètes de l’enlèvement des structures industrielles. Il y a en tout 1357 installations offshore en opération dans la zone de compétence d’OSPAR soit 726 installations sous-marines en acier, 545 installations fixes en acier et 22 installations gravitaires en béton. La décision de 1998 comprend un régime dérogatoire révisable tous les 5 ans par exemple pour les installations gravitaires en béton et les installations aériennes en acier pesant plus de 10.000 tonnes. A ce jour, seulement 7 dérogations ont été accordées notamment pour le réservoir d’Ekofisk, sa barrière en béton et la substructure en béton de Frigg TCP2. A Cork, Robin des Bois a encouragé les parties contractantes à profiter du réexamen pour imposer des mesures de relevage plus exigeantes prenant en considération les avancées technologiques et l’enjeu des responsabilités sur le long terme. A titre d’exemple, Shell souhaite en ce qui concerne le champ de Brent à 136 km du nord des îles Shetland laisser sur le fond de l’océan :
– une structure en acier de 26.000 tonnes.
– 3 installations gravitaires en béton pesant chacune 300.000 tonnes, Shell justifiant de laisser sur place la partie émergée par l’amélioration de la visibilité pour le trafic maritime et pour les activités de pêche.
– le contenu résiduel des réservoirs des installations gravitaires en béton, soit environ 40.000 m3 de sédiments contaminés par les hydrocarbures et d’eaux huileuses.
– environ 60.000 m3 de boues de forage contaminées par les métaux lourds et des adjuvants chimiques.
– la majeure partie d’un réseau de 103 km de long de pipelines connectant 154 puits aux plateformes Alpha, Bravo, Delta et Charlie ; seule cette dernière est encore en activité.

Ce projet n’a pas encore été présenté à OSPAR mais c’est en quelque sorte un avant-goût de ce qui pourrait se passer dans les années qui viennent. L’argumentaire favori est que des habitats artificiels ont été créés et qu’enlever les infrastructures aurait plus d’impacts négatifs que de les laisser sur place. Il est notable que l’industrie pétrolière et gazière ne prenne pas en compte les coûts réels de la production de l’acier et les bénéfices du recyclage. La vérité est que ces habitats artificiels ont éradiqué la faune et la flore des habitats naturels et que les impacts environnementaux sur le long terme ne sont pas pris en compte dans le bilan global.

Au delà de 2020
L’impact sur le long terme de l’abandon dans le périmètre de compétence d’OSPAR de 50.000 km de pipelines mis en place par le secteur des énergies fossiles est un grand sujet d’inquiétude pour Robin des Bois. Le système de raclage théoriquement mis en œuvre pour nettoyer les canalisations quand elles sont laissées sur place ne décolle pas tous les résidus d’exploitation. Les tartres contiennent sous la forme principale de radium des matériaux à Radioactivité Naturelle Renforcée dits en anglais Naturally Occuring Radioactive Materials (NORMs). Cet élément est de la plus haute importance et c’est l’une des raisons pour lesquelles une nouvelle stratégie à l’horizon de 2020 sur le relevage et la réutilisation ou le recyclage du labyrinthe des pipelines doit être envisagée. En aucune manière le «  loin des yeux, loin des préoccupations» ne doit devenir la NORM dans l’Atlantique Nord-Est et en Arctique.

A Cork, OSPAR a également été invitée à exprimer un avis sur le projet de la Norvège d’immerger 250 millions de tonnes de stériles en provenance d’une mine terrestre d’oxyde de titane dans le Førdefjorden sur une période de 50 ans. Les stériles injectés dans une canalisation dégageront en permanence un panache sous-marin polluant et feront du socle de la mer à 200 m de profondeur un désert. Les micro polluants métalliques contamineront au delà du fjord la colonne d’eau, les écosystèmes benthiques et les poissons pélagiques comme le sébaste, la lotte et la roussette dans une zone fréquentée par les baleines et les petits cétacés. Il a été décidé de rédiger un document de fond qui permettra de décider si oui ou non ce projet rentre dans les compétences d’OSPAR. Robin des Bois a souligné que la Norvège était malheureusement coutumière de cette pratique et que c’était le seul Etat membre d’OSPAR à autoriser le rejet en mer de stériles miniers dans l’Atlantique.

Là encore, Robin des Bois a demandé à toutes les délégations de faire preuve de vigilance et de sens de l’anticipation sur les empreintes écologiques que chacun des Etats qu’elle représente a ou pourrait avoir sur les écosystèmes marins. L’attention des délégations a été en particulier attirée sur l’extraction des ressources minières sous-marines qui pourraient devenir une réalité dans un futur proche et sur la nécessité de ne pas prendre aujourd’hui des décisions qui ouvriraient la porte à des pollutions marines supplémentaires. Après tout, OSPAR a été créée pour prévenir et éliminer la pollution dans la moitié Est de l’Atlantique Nord.

(1) https://oap.ospar.org/en/ospar-assessments/intermediate-assessment-2017/
(2) Le réseau OSPAR comprend 448 Aires Marines Protégées (5,9% de la zone OSPAR) dont 7 situées au-delà des juridictions nationales.
(3) https://robindesbois.org/ospar-perd-le-nord/

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