Erika / Prestige : les causes, les effets, les leçons

16 déc. 2002

A la suite de la conférence de presse qui s’est tenue le 16 décembre 2002 dans les locaux de l’association Robin des Bois, à laquelle participaient: les Amis de la Terre, Le Collectif Anti-Marées Noires de Saint-Nazaire, France Nature Environnement, Greenpeace, Keep it Blue, Robin des Bois et Surfrider Foundation Europe, nous vous prions de trouver ci-joint un compte rendu des interventions des associations présentes.

Robin des Bois
Robin des Bois demande que soit dressée le long de la façade atlantique une liste de ports-refuges et baies afin que tout navire de transport de matières dangereuses en avarie puisse être mis en sécurité. Robin des Bois constate qu’une petite corporation de récupérateurs de bateaux sous-normes pollue le milieu maritime. Ainsi, Gerry Ventouris, Directeur d’Agean Shipping Management dans le port du Pirée est connu de Robin des Bois depuis 1999. Il a alors acheté l’ex-Kifangondo rebaptisé Tango-D. Il est aujourd’hui propriétaire du Byzantio, un pétrolier âgé de plus de 25 ans comme le Prestige. Il fait profession de racheter des bateaux endommagés ou considérés comme perte totale avant de les gérer pour son propre compte ou pour le compte de ses sociétés filiales, il lui arrive aussi de les revendre. Ce genre de pratique doit être interdite pour les citoyens européens. Robin des Bois demande la sortie de flotte immédiate de tous les pétroliers âgés de plus de 25 ans et la mise en oeuvre d’un chantier naval de dépollution, déconstruction et recyclage des navires en Europe du Nord. L’absence de ce type d’installation facilite la fuite des bateaux poubelles vers l’océan indien et l’Asie. D’autre part, en matière de sécurité, les risques de sur-accidents maritimes sur les autoroutes maritimes sont comparables aux risques de sur-accidents sur les autoroutes routières. Enfin, Robin des Bois note que dans un deuxième temps, la collecte des déchets sur les plages ou sur le littoral en Galice s’améliore, avec cependant beaucoup d’hétérogénéité. Des problèmes sont apparus: les stockages intermédiaires, le transport par camion et les sites lourds.

Collectif Citoyen Anti-Marées Noires de Saint-Nazaire
Le collectif déplore que le FIPOL ne rembourse pas les victimes des marées noires à la hauteur de leur préjudice. les scénarios se répètent depuis plus de 30 ans. les pétroliers coulent, les plans POLMAR mer échouent, le fuel arrive sur le littoral, les riverains sont victimes. L’appel au bénévolat est alors insupportable: sur le plan sanitaire d’une part, les conditions de ramassage des déchets toxiques et cancérigènes ont été jusqu’à présent déplorables. Sur le plan financier, les gagnants sont des compagnies pétrolières qui ne paient pas le coût réel de la pollution. La flotte mondiale doit désormais se sentir en permanence surveillée: il faut renforcer la qualité des contrôles et pas seulement leur fréquence, et l’ensemble de la flotte doit être mis en cale sèche tous les deux ans. Le collectif se rendra en Galice au début du mois de janvier prochain afin de contrôler le devenir des déchets du Prestige.

Surfrider Foundation Europe
Surfrider travaille avec le réseau des associations présentes à la conférence de presse pour des changements globaux sur la sécurité maritime, et mène des actions locales depuis son bureau de Biarritz et son antenne en Galice. A la différence du naufrage de l’Erika, Surfrider n’a pas pris la responsabilité d’appeler à titre collectif les bénévoles à se rendre sur les plages galiciennes. En tant qu’association locale, Surfrider a malheureusement le sentiment de parer à l’absence de vigilance des États. Surfrider déplore le manque de communication du gouvernement espagnol, et actuellement, de certaines collectivités françaises (Biarritz). A quand une information objective sur la nature du pétrole et les risques encourus par les bénévoles et les services de secours réquisitionnés ?

Les Amis de la Terre
L’urgence est de mettre en place une responsabilité juridique des multinationales. Or, à l’heure actuelle, le manque de clarté demeure. L’Union Européenne a proposé au printemps 2002 l’adoption d’une directive sur la responsabilité environnementale qui exclut le transport maritime, et l’Accord Général sur le Commerce et les Services (AGCS) a pour objectif la déréglementation, en particulier dans le transport maritime. Le Conseil européen renvoie la balle à l’Organisation Maritime Internationale (OMI), dont le fonctionnement doit être totalement révisé. L’OMI est minée par les intérêts pétroliers car ses membres ont des parts proportionnelles aux tonnages de leurs bateaux. En matière de pollution pétrolière, il faut raisonner en terme de chaîne globale: depuis l’extraction, le transport, le raffinage jusqu’à la consommation, c’est ce à quoi s’attellent les Amis de la Terre au Cameroun, en Birmanie, en Afrique du Sud…

France Nature Environnement
Suite au sommet de Copenhague, FNE constate la promptitude des États à intervenir quand il s’agit de terrorisme, mais dénonce leur lenteur, voire leur inertie quand il s’agit d’environnement. Suite au naufrage du Prestige, le Conseil d’administration de FNE a demandé à ses membres “de ne pas participer directement au nettoyage des plages dans l’immédiat”, mais de s’impliquer dans les commissions qui définissent les cahiers des charges du contrôle des opérations de ramassage des déchets. FNE a également demandé aux propriétaires du Prestige de payer des sociétés de dépollution. FNE souhaite la création d’une plate-forme associative d’intervention et le lancement d’une pétition nationale.

Greenpeace
L’objectif est de suivre l’initiative américaine prise un an après la catastrophe de l’Exxon Valdez en 1989: l’Oil Pollution Act a été adopté et a imposé à tout navire entrant dans les eaux américaines d’attester que sa cargaison était couverte de façon illimitée en cas d’éventuel dommage. Il s’agit désormais d’appliquer en Europe une réglementation similaire. L’assureur serait ainsi le premier garant de la sécurité maritime en amont des États. Pour l’Erika et pour le Prestige, les assureurs ont seulement limité les garanties à respectivement 13 et 20 millions d’eauros. Greenpeace souhaite un régime de protection afficace autour des côtes européennes, une réforme statutaire de l’OMI donnant moins de pouvoir aux pavillons de complaisance et modifiant le mode de contribution financière. Une réunion aura lieu prochainement entre Greenpeace et des conseillers du Président de la République, notamment au sujet de la responsabilité des assureurs.

Keep it Blue
Keep It Blue s’est constituée partie civile auprès du juge d’instruction qui instruit l’affaire du Prestige en Corogne. Par l’intermédiaire d’un fabricant de filets de pêches, qui a déjà eu plus de 60 annulations de commande suite au naufrage du Prestige. Keep it Blue souhaite faire séquestrer les sommes que vont recevoir respectivement les propriétaires du Prestige pour la perte de son bateau et Crown Resources pour la perte de sa cargaison jusqu’à réglement final du sinistre.
Une autre procédure a été engagée auprès du Tribunal de Commerce de Nanterre, qui a fixé une audience en référé le 9 janvier 2003 à 9h30, afin de vérifier les conditions dans lesquelles les sociétés de classification bureau Véritas et l’American Bureau of Shipping (ABS) ont été amenées à délivrer les certificats qui ont permis au bateau de s’assurer et donc de naviguer. Keep it Blue va s’efforcer de démontrer la faute inexcusable du Bureau Véritas et d’ABS afin de leur faire assumer le coût réel du naufrage. On notera que l’Amoco Cadiz avait été classifié par ABS. Keep it Blue souhaite vivement que les ONG présentes à cette conférence de presse s’associent à elle pour que l’Union Européenne accorde à Keep it Blue le statut d’observateur à l’Agence de Sécurité Maritime européenne. Si nous avons droit aux marées noires, nous avons aussi droit à l’accès à l’information.

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