Erradium

19 juin 2014

La Suisse et la France, berceaux jumeaux de l’industrie horlogère ont oublié que pendant un demi-siècle, des « radium girls » ont peint les aiguilles et les chiffres des montres et des réveils avec une solution luminescente pour que chacun puisse lire l’heure de nuit. Le travail minutieux se faisait en atelier ou très souvent à domicile. La sous-traitance de ces tâches complique les recherches des sites à risque. A ce jour, 83 sites en Suisse et 30 en France sont repérés autour de la frontière.

 

France-Suisse_radium_robindesbois

Les locaux où le radium a été mis en œuvre restent durablement contaminés. C’est seulement au bout de 1600 ans que le radium 226 a perdu la moitié de sa radiotoxicité.

Le radium 226 est classé parmi les isotopes de très forte radiotoxicité. Une exposition prolongée et rapprochée à des poussières ou agrégats de poussière de radium ou à des vieux emballages réputés vides et l’inhalation de particules et le contact cutané peuvent augmenter les risques de cancer. Certaines configurations comme par exemple la proximité immédiate de lits et d’agrégats de poussière aboutissent au dépassement de la limite annuelle d’exposition pour le public, fixée à 1mSv/an.

Jaz, Bayard, Lip, autant de grands noms du tic-tac français qui, plusieurs décennies après l’application du radium, ont été rattrapés par l’inventaire des sites radioactifs de l’Andra (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs). C’était en 1999 et sur 3 ex-usines subsistent des taches de contamination. Elles sont considérées comme inoffensives car elles sont pour le moment hors de portée des enfants ; elles sont cachées à 30 cm de la surface du sol dans les domaines des vers de terre.

Grâce à l’action conjointe de l’Andra, de l’ASN, de Robin des Bois et des portiques de détection de radioactivité, le portefeuille français de sites potentiellement contaminés par le radium s’est considérablement élargi. En septembre 2010, le gouvernement français a lancé et financé l’opération Diagnostic Radium. Elle porte sur 134 sites présumés pollués sur la base de recherches documentaires, historiques et comptables. En Franche-Comté, 25 sites horlogers sont concernés. Déjà à Charquemont, à 5 km de la frontière suisse, l’ex- Elector est avéré contaminé. Selon les scénarios actuels, 80 à 570 m3 de gravats et matériaux divers devront être extraits et traités comme des déchets radioactifs.

La Suisse, elle, se réveille avec plusieurs années de retard. L’opinion publique vient de découvrir grâce à la presse l’existence de ces cimetières à radium. De Bâle à Genève, tout l’arc jurassique est radifère. Des dizaines de petits ateliers de peinture et quelques usines horlogères sont sur la liste rouge. 83 en tout dont 29 à Bienne d’où toute l’affaire est partie. C’est dans une ancienne décharge transférée à l’occasion d’un chantier autoroutier que des terres contaminées au radium ont été repérées.

Une opération diagnostic radium va être lancée en Suisse tandis que l’Office Fédéral de la Santé Publique affirme sans preuve que les usines horlogères fermées ont été décontaminées.

Du retour d’expérience en France, la Suisse peut tirer les enseignements suivants :
– les diagnostics radiologiques doivent être approfondis. Les planchers, les combles, les caves, les meubles, les locaux à poubelle, les parties communes, les jardins, les canalisations, les conduits de cheminée, les fosses septiques doivent être inspectés.
– les chantiers de dépollution radioactive sont toujours plus coûteux et plus longs que prévu. Les contaminations peuvent s’étendre à des appartements voisins. Les occupants doivent être relogés au moins pendant plusieurs mois ;
– dans les cas les plus graves, en particulier si les locaux de travail reconvertis en locaux d’hébergement ont abrité des enfants, des reconstitutions de la dose radioactive individuelle et une enquête sanitaire sont recommandées ;
– les déchets radifères sont à vie longue et un centre de stockage définitif en subsurface est nécessaire. En France, sa construction est toujours repoussée à plus tard. La Suisse doit dès maintenant étudier des options entreposage et stockage ;
– en plus du radium, des contaminations radioactives au tritium sont ici et là détectées. Les peintures au tritium ont remplacé les peintures au radium à partir des années 60. Aujourd’hui des marques suisses comme Luminox l’utilisent encore. L’IRSN (Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire) a découvert qu’en France les sédiments du Haut-Rhône en amont de toutes les centrales nucléaires françaises fermées ou en exploitation sont les plus marqués par le tritium. L’IRSN attribue cette contamination à l’industrie horlogère suisse. Les contaminations au tritium doivent aussi être assainies. La demi-vie du tritium est beaucoup plus courte que celle du radium mais sa radiotoxicité ne peut pas être négligée.

Robin des Bois demande que le radium dans les eaux souterraines autour des anciennes décharges du Jura suisse et du Jura français soit recherché.

Sources: Archives Robin des Bois, ANDRA, Autorité de Sûreté Nucléaire – Contrôle; BASIAS – Inventaire historique de sites industriels et activités de service; Journal du Jura (le); Matin (le); IRSN; RNM – Réseau National de Mesures de la radioactivité dans l’environnement; Sonntags-Zeitung; 24 Heures.

 

 

 

 

 

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