Shell, l’ogre de l’or noir rôde au large de la Guyane. Le navire de forage Stena IceMAX vient de passer au large du Cap en Afrique du Sud et se dirige vers la Guyane. Le premier des quatre nouveaux forages exploratoires de Shell devait débuter le 19 juin de l’autre côté de l’Atlantique Sud. Le dossier n’est pas encore complet, l’arrêté du préfet de Guyane sur les dispositions préalables aux travaux et la prévention des pollutions marines n’est pas encore signé. Il y a matière à s’inquiéter et à suspendre le trait de plume préfectoral.
L’étude d’impact du cabinet Creocean aborde exclusivement le fonctionnement normal des forages. Les situations dégradées ou accidentelles fréquentes dans le cadre des forages ultra-profonds provoquent des marées noires difficiles à maîtriser. Les quatre forages se situent dans la Zone Economique Exclusive française au large de la Guyane, soit 130.000 km2. La profondeur du premier forage atteint 1.970 m jusqu’au fond de la mer plus 4.330 m sous les sédiments marins.
Quoique minimale, l’étude de Shell / Creocean démontre que même si tout se passe bien, ça se passera mal pour un environnement marin fragile, productif et peu pollué.
Pour un seul forage, la première phase dispersera autour de la tête de puits 200 tonnes de déblais et l’auréole de contamination sera visible jusqu’à 500 m. Le perturbateur principal est le baryum mélangé aux fluides de forage. Pour la deuxième phase du forage, les déblais et fluides usagés seront rejetés depuis le navire par « lâchers successifs » ; la même méthode d’immersion que pour les boues de dragage. La somme des contaminants rejetés en mer est évaluée à 345 kg de baryum, 174 kg de pétrole, 13 kg de plomb ; un bilan mercuriel catastrophique pour les chaînes alimentaires marines est aussi annoncé : 678 kg. Pour faire avaler le morceau, Creocean insiste sur le fait que la quasi-totalité des polluants sera uniformément répartie sur les fonds de l’océan et ne se dispersera pas dans la colonne d’eau. La surface impactée sera au minimum de 10.000 km 2. A l’encontre de Creocean, Robin des Bois estime que cette perturbation d’origine industrielle nuira à l’état sanitaire et aux capacités de reproduction de la faune benthique qualifiée dans l’étude d’impact de « riche, diversifiée et largement répandue ».
A la fin de la deuxième phase de forage, il est prévu de faire des essais de pompage des hydrocarbures liquides et gazeux. Les eaux de production seront rejetées en mer après traitement sur le navire de forage. L’étude d’impact ne précise pas les quantités rejetées ni les teneurs résiduelles en hydrocarbures. Les essais de pompage dureront 5 jours et émettront en CO2 l’équivalent journalier de 265.000 voitures, soit 2.300 t. Par comparaison, le parc automobile de Cayenne rejette 155 t/jour de CO2. Les autres polluants atmosphériques rejetés par la torchère du navire de forage – soufre, métaux lourds, hydrocarbures – ne sont pas quantifiés ni bien entendu leurs effets sur les oiseaux ou les pêcheurs sur zone. De par la Convention de Montego Bay sur le droit international de la mer, la France a l’obligation de protéger la biodiversité dans sa Zone Economique Exclusive. Aux poissons et aux crevettes s’ajoutent les mammifères marins, les tortues, et des oiseaux de mer comme l’albatros à bec jaune en voie d’extinction. On ne peut pas compter sur le plan Polmar-Guyane pour défendre les eaux et le littoral guyanais. Sa seule inquiétude vient des pétroliers qui passent au large et alimentent l’Amérique du Sud, il ne connaît pas les marées noires venues de l’exploration ou de l’exploitation du pétrole.
Shell n’a pas prouvé sa capacité à stopper rapidement et à confiner une marée noire accidentelle. Shell n’a pas trouvé d’autre moyen que de rejeter en mer ses déchets liquides et solides d’exploration et de pompage expérimental. En attendant que Shell trouve des solutions et en prouve la faisabilité, la seule option pour le gouvernement français c’est de confirmer « la remise à plat » des permis Shell en Guyane, de résister à la pression du Stena IceMAX qui se rapproche de Cayenne et de refuser dans ces conditions insuffisantes de sécurité environnementale de rejoindre le Brésil qui a laissé imprudemment l’offshore pétrolier ultra-profond prospérer et déclencher régulièrement des marées noires.
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