La Haye, Pays Bas
14e session de la conférence des parties de la Convention de Washington, sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES).
L’Afrique australe, depuis plusieurs années, organise des tournées à travers le monde pour militer en faveur du commerce international de l’ivoire tel un rouleau compresseur. Le reste du continent africain subissait. Mais depuis la dernière session de la CITES à Bangkok en 2004, la riposte des pays dont les populations d’éléphants sont les plus fragmentées et fragiles s’organise et a été formalisée à cette session par une demande de moratoire sur le commerce international de l’ivoire pendant 20 ans présentée par le Mali et le Kenya, soutenue par une vingtaine de pays africains.
La Communauté Européenne a tenté de jouer un rôle de médiateur entre les deux camps mais a vite braqué les pays en faveur de l’éléphant tant l’écoute était inéquitable, sans doute déséquilibrée par les enjeux économiques entre l’Europe et l’Afrique australe. Les propositions européennes d’amendements aux documents soumis pour reprendre le commerce international de l’ivoire depuis la Namibie, le Botswana et l’Afrique du Sud ont eu le mérite de ressouder les pays africains opposés à ce commerce.
Seule une solution africaine pouvait venir à bout du problème et après s’être enfermée des jours et des nuits, l’Afrique a trouvé sa solution, présentée par la Zambie et le Tchad et approuvée ce matin par consensus des pays membres de la CITES : le commerce de l’ivoire est suspendu pendant une période de 9 ans.
En échange, en plus des 60 tonnes d’ivoire dont la vente a été décidée en 2002, le Botswana, la Namibie, l’Afrique du Sud et le Zimbabwe seront autorisés à vendre l’ivoire des stocks gouvernementaux enregistrés au 31 janvier 2007 (date butoir afin d’éviter une soudaine augmentation des stocks suite à ce consensus).Cette vente devra être réalisée en une fois afin de suivre ses effets potentiels sur le braconnage et le commerce illicite et vers des partenaires commerciaux certifiés par le secrétariat de la CITES. Pour l’instant seul le Japon est certifié mais la Chine insiste pour l’être aussi. Ce point est inquiétant si l’on considère que le marché chinois de l’ivoire est considérable et est une passoire dominée par des organisations criminelles. Un autre point noir est l’inclusion du Zimbabwe dans cet accord car dans ce pays où les droits de l’Homme ne sont pas respectés, la vérification des stocks gouvernementaux officiellement constitués de défenses d’éléphants morts naturellement ou abattus lors de conflits avec les hommes est illusoire ; le braconnage s’amplifie au Zimbabwe depuis 2001 et 900 camps actifs de braconnage y ont été repérés en 2006. Le moratoire est effectif dès maintenant. Mais la période de 9 ans commencera seulement à être comptabilisée à partir du moment où l’ivoire « gouvernemental » sera commercialisé, ce qui au regard des exigences techniques et administratives envers les pays exportateurs et le ou les pays importateurs peut prendre plusieurs années. Le Kenya, le Mali et les autres pays en faveur de la protection des éléphants sont particulièrement satisfaits de cette clause qui rallonge d’autant les effets positifs du moratoire et qui au départ était rejetée par les pays d’Afrique australe et par l’Union Européenne.
Robin des Bois observateur à la CITES depuis 1989 est heureux que la voix du Kenya, du Mali, de la Sierra Leone, du Niger, du Nigeria, du Burkina Faso, du Ghana, du Togo, du Benin, du Congo, de la RDC, de la Centrafrique, de la Côte d’Ivoire, du Tchad, du Libéria, du Gabon, du Rwanda, du Burundi (liste non exhaustive) ait enfin été entendue. Toute la biodiversité est aujourd’hui gagnante car la communauté internationale pourra dorénavant davantage se préoccuper des autres espèces et notamment de celles qui pâtissent du délit de sale gueule comme les araignées ou les poissons de grands fonds.
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