Le gouvernement colombien mène la guérilla contre le trafic faunique

30 oct. 2024

Robin des Bois ne participe pas à la 16ème conférence de la Convention des Nations unies sur la diversité biologique qui est chargée de mettre en application les recommandations de la 15ème conférence qui s’est tenue à Montréal, Canada, en décembre 2022. L’association ne participera pas non plus à la 17ème conférence. Marre du blabla.

Singe laineux d’environ 11 mois saisi dans le département de
Caquetá début octobre 2024 © EFE

Grâce à son correspondant en Amérique du Sud, à la veille quotidienne des actes de braconnage et de trafic d’espèces menacées à partir de sources officielles et d’ONG de terrain et grâce aux analyses de son bulletin “A la Trace” (1), Robin des Bois apprécie les efforts du gouvernement colombien pour lutter contre le trafic faunique. La France et l’Union européenne ont beaucoup à apprendre de la Colombie. Le gouvernement et les pouvoirs publics sont en particulier actifs contre le “mascotismo” ou mascottisme, autrement dit l’appropriation d’animaux sauvages pour en faire des animaux de compagnie. La tâche n’est pas facile pour un pays de 1.141.000 km2 avec 3200 km de côtes sur l’océan Pacifique et la mer des Caraïbes et 51 millions d’habitants.

Plusieurs numéros et adresses emails d’alerte sont disponibles pour signaler des actes de braconnage, de cruauté et de trafic, par exemple les numéros 318 8277733, 317 4276828, 318 7125 560 ou (601) 377 88 54 et l’adresse faune@ambientebogota.gov.co pour la ville de Bogotá, le numéro 601 580 11 11 et l’adresse sau@car.gov.co pour la Corporation autonome régionale de Cundinamarca ou dans l’ensemble du pays le numéro d’urgence 123 de la police nationale.

Les principaux animaux braconnés, saisis, mis en sécurité et si possible remis en liberté sont les oiseaux (aras bleu et jaune, Ara ararauna, Annexe II (2), amazones à ailes oranges, Amazona amazonica, Annexe II, amazones à front jaune, Amazona ochrocephala, Annexe II, sicales bouton-d’or, Sicalis flaveola,…), les singes (hurleurs roux, Alouatta seniculus, Annexe II, sajous à gorge blanche, Cebus capucinus, Annexe II, douroucoulis, Aotus spp., Annexe II,…), les tortues terrestres et d’eau douce (tortues “hicoteas”, Trachemys callirostris, tortues charbonnières, Chelonoidis carbonarius, Annexe II,…), les tortues marines (tortues vertes, Chelonia mydas, Annexe I, tortues luth, Dermochelys coriacea, Annexe I…), les caïmans, les iguanes (ou les œufs d’iguane) et les serpents (boas constrictor, Boa constrictor, Annexe II).

Les félins ne sont pas épargnés par le trafic. Ils sont tous protégés par les conventions internationales et par la loi nationale et menacés d’extinction. Des pumas, des ocelots, des jaguars, des oncilles et des margays ou leurs parties (peaux, crânes, dents…) sont aussi saisis par la police et les autorités environnementales, notamment dans les départements de Córdoba, de Cundinamarca et de Valle del Cauca.

Quelques saisies pendant la 16ème conférence de la Convention des Nations unies sur la diversité biologique à Cali, Colombie (21 octobre – 1er novembre 2024)
– 23 octobre, saisie d’un ocelot transporté dans une voiture. Département de Nariño.
– 24 octobre, saisie de 13 animaux sauvages dont des iguanes et un boa. Dosquebradas, département de Risaralda.
– 28 octobre, saisie de 407 caïmans, 9 boas et d’un sicale. Département de Sucre.
– 28 octobre, saisie dans un entrepôt de 570 peaux de caïman, de crocodile, d’autruche et de python et de 141 accessoires de mode (bottes, ceintures, sacs…) destinés au trafic international. Bogotá.
– 29 octobre, saisie pendant deux interventions de la Marine de 107 animaux sauvages : un paresseux, un fourmilier, un paca, 37 reptiles (caïmans, serpents, iguanes, tortues) et 67 oiseaux (des oiseaux chanteurs et un hibou). Carthagène, département de Bolivar et Toluviejo, département de Sucre.

 

Selon les chiffres des Corporations régionales autonomes de Colombie, en 2023, 42.000 animaux sauvages ont été pris en charge dans les centres de soins et d’évaluation de la faune. Plus de la moitié ont retrouvé la liberté. 59 % étaient des reptiles, 18 % des oiseaux, 17 % des mammifères, 4 % des poissons et 1 % des amphibiens.

La Semana Mayor (Semaine Sainte des fêtes de Pâques) est considérée comme une période à haut risque pour la biodiversité. Les œufs et la viande des tortues et des iguanes sont recherchés pour les banquets familiaux, les perroquets et les petits singes pour faire des “cadeaux”. Cette année, 290 tortues “hicoteas” et 180 œufs ont été saisis le 7 mars, 290 tortues le 11 mars, 800 tortues et 500 œufs mi-mars, 30 kg de viande de tortue et 280 œufs le 31 mars, jour de Pâques, à Carthagène et dans le département de Córdoba.

A Bogotá, les efforts de la police se concentrent sur la gare routière d’El Salitre qui est un haut lieu d’arrivée d’animaux braconnés pour alimenter les besoins de la capitale en animaux de compagnie ou en viande sauvage.

La Colombie coopère également activement avec la communauté internationale pour lutter contre le trafic. Elle a par exemple accepté d’extrader Nancy González de Barberi, styliste et productrice sous la marque éponyme d’une maroquinerie en peau de caïmans (Caiman spp., Annexe I ou II) et de pythons (Pythonidae, Annexe I ou II) braconnés dans les jungles de Colombie et des pays voisins. Elle a été condamnée en avril 2024 aux Etats-Unis à 18 mois de prison suivis de 3 ans de liberté surveillée. Ses sacs culminant à 4000 US$ ont été célébrés dans le monde entier, y compris à Paris et dans des séries comme “Sex and The City”.

La Colombie veut cohabiter pacifiquement avec sa faune luxuriante, avec les tortues, les amazones et les aras, les boas, les caïmans et les jaguars tandis que la France panique devant un millier de loups et une centaine de lynx.

 

Quelques-uns des slogans de la Colombie pour lutter contre le trafic faunique et protéger la biodiversité
– “N’achetez pas d’espèces sauvages vendues illégalement sur les routes et dans les centres urbains.”
– “Informez votre famille et vos amis qui vont voyager dans le pays pour qu’ils évitent d’acheter des espèces sauvages comme animaux de compagnie et de consommer des produits ou sous-produits issus de la faune sauvage.”
– “Les espèces sauvages jouent un rôle très important dans les écosystèmes ; les extraire de leurs habitats naturels ou porter atteinte à leur vie dégrade progressivement les environnements et nous affectera indirectement dans le futur.”
– “Le trafic d’espèces de faune sauvage implique toujours des actes de cruauté envers les animaux ; le simple fait de les extraire de leurs habitats naturels affecte considérablement leur condition physique.”
– “Les animaux sauvages doivent rester libres dans leurs habitats.”
– “Lors des voyages, il est possible que des animaux tels que des serpents cherchent à se réchauffer dans le châssis de votre voiture pendant la nuit. Avant de rentrer à Bogotá, veuillez vérifier qu’il n’y a pas de passagers clandestins dans votre voiture.”

 

Saisies en août 2024 par la Marine Colombienne
© Fuerza Naval del Caribe

(1) “A la Trace”, Bulletin trimestriel d’information et d’analyses sur le braconnage et la contrebande
https://robindesbois.org/a-la-trace-bulletin-dinformation-et-danalyses-sur-le-braconnage-et-la-contrebande/

(2) Annexes de la Convention CITES sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction. Annexe I : espèces menacées d’extinction. Commerce international interdit, sauf permis d’exportation et d’importation exceptionnels. Annexe II : commerce réglementé devant faire l’objet de permis d’exportation pour éviter une exploitation incompatible avec la survie de l’espèce. Un permis d’importation peut également être nécessaire s’il est requis par la loi nationale du pays de destination.

 

 

 

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