⇒ L’Union Européenne a publié le 19 décembre 2016 sa 1ère liste de chantiers de démolition agréés.
– L’Allemagne garde les mains propres. En mer du Nord ou en Baltique, elle ne propose aucune solution de démolition pour ses navires de pêche, sa flotte militaire et ses porte-conteneurs. Elle exporte ses déchets en Turquie, en Inde, au Bangladesh et un peu dans les pays baltes.
– Autour du bassin méditerranéen, dans l’Adriatique et en mer Noire, il n’y a à ce jour aucun chantier de démolition dans les Etats-membres de l’Union Européenne. Cette lacune est grave, elle prive la Méditerranée occidentale et les mers adjacentes de moyens fiables et autonomes de destruction des navires saisis, sous-normes, bloqués dans les ports pour des raisons techniques, sociales et judiciaires. Cette lacune est grave, elle ne favorise pas l’élimination des navires poubelles se livrant à la traite humaine. Elle favorise la filière turque qui à l’image de l’Inde, du Bangladesh et du Pakistan pratiquent l’échouage des vieilles coques. L’Italie n’a pas profité de son retour d’expérience du Costa Concordia et de la démolition des navires impliqués dans le trafic de migrants et saisis dans les ports d’Augusta, Reggio de Calabre, Corigliano, Catane ou Gallipoli.
⇒ Le Bow Eagle est parti à la casse en Inde. Le chimiquier a été coupable d’un délit de fuite le 26 août 2002 au large de la Bretagne après une collision de nuit avec le Cistude, un chalutier des Sables d’Olonne (4 disparus). Le procès de l’officier de quart philippin a eu lieu en Norvège (5 ans de prison). Le dépaysement du procès a ouvert la voie à la doctrine juridique selon laquelle les crimes et les délits en mer doivent être jugés dans l’Etat du pavillon. Ironie du sort, son armateur a gagné beaucoup d’argent avec l’épave du Bow Eagle grâce à ses citernes en inox. Il a été acheté par un chantier indien au prix record de 507 $ la tonne.
⇒ L’incendie et l’explosion de l’Aces ex Federal 1 (28 morts le 1er novembre) sur les plages de Gadani au Pakistan a exposé au grand jour la face cachée de la démolition des navires en Asie. Le pétrolier contenait au moment de son échouage 30.000 t d’hydrocarbures divers qui devaient faire l’objet d’une réutilisation à l’intérieur du pays. L’enquête préliminaire parle de “contrebande”. Le vieux pétrolier venait en remorque d’Indonésie. Au moment de l’explosion il y avait sur les plages des vieilles carcasses battant pavillon de l’Allemagne, de Malte, de la Norvège, du Portugal et du Royaume-Uni.
⇒ D’octobre à décembre 2016, 203 navires ont été démolis dans le sous-continent indien, en Chine et en Turquie. Sur ces 203 navires, 81 avaient été construits en Europe et 93 appartenaient à des armateurs européens ou de l’espace économique européen. Les made in EU dans la décennie 85-95 avec de l’amiante, des PCB, des peintures au plomb et à l’étain continuent à être détruits en Asie pour des raisons de profit.
Du point de vue financier, le parallèle entre la démolition de la Jeanne d’Arc et du croiseur Colbert à Bordeaux en France et la démolition du porte-avions HMS Illustrious en Turquie est saisissant :
19.000 t: pour le démantèlement de la Jeanne d’Arc et du croiseur Colbert, la Marine Nationale française a payé 11,5 millions d’euros au chantier de démolition de Bordeaux soit un coût de 648 $ la tonne.
12.500 t: pour le démantèlement du porte-avions HMS Illustrious, la Royal Navy a touché 2,1 millions de £ du chantier turc, soit une recette de 210 $ la tonne. |
⇒ Le danois Maersk, le 1er armateur mondial montre la mauvaise voie. En décembre, 3 de ses navires de service à l’offshore en mer du Nord partaient de conserve en Turquie pour se faire démolir. Ce convoi invraisemblable, l’un tirant les 2 autres à couple, a eu des ennuis au large de la Bretagne. Le Maersk Shipper et le Maersk Searcher ont coulé. Ces naufrages auraient pu être évités si Maersk avait envoyé ses navires en fin de vie dans des chantiers de proximité. Ces remorquages branquignolesques sont malheureusement fréquents dans le petit monde de la démolition des navires. Le Rio Tagus, scotché dans le port de Sète depuis 2010 est en attente de remorquage vers un chantier de démolition espagnol non agréé par l’Union Européenne au lieu comme l’autorise l’Union Européenne en cas de nécessité d’être détruit sur place dans une installation provisoire encadrée par les autorités françaises.
Maersk Shipper et Maersk Searcher coulés au large de la Bretagne le 22 décembre 2016
© Inspektionsskibet Vestkysten
⇒ Les leaders du marché de la démolition sont toujours l’Inde, le Bangladesh et le Pakistan.
“A la casse” n°46
83 pages, pdf – 14 Mo
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