Notre-Dame de Paris
Communiqué n°15
Il faut en abattre 2360 pour accomplir la volonté divine des conservateurs des monuments historiques. Jusqu’alors, les chasseurs de chênes en ont repéré 1097. L’Établissement public chargé de la reconstitution de Notre-Dame de Paris n’exclut pas de devoir recourir à des fournisseurs étrangers. Faudra-t-il en dernier recours user de la diplomatie et faire revenir quelques fûts scandaleusement exportés en Chine pour 3000-4000 euros alors que les chênes rendent à la nature des services inestimables ?
Les pics-verts atterrés sont en alerte depuis quelques jours. Des confédérés en doudoune arpentent les forêts de hêtres et de chênes avec des rentiers de la sève, des métreurs et des bombeurs de peinture rouge. Des ministres et des préfets en apparat sont de la partie et piétinent avec leurs gros sabots les mousses et les fougères en larmoyant face caméras et micros. L’émotion est « palpable ». Notre-Dame revivra. Peu après ces conciliabules, des types arrivent avec leurs combinaisons du meilleur Stihl et abattent des chênes altiers nés il y a 200 années, victorieux des guerres, des révolutions, des tempêtes, des incendies et des armateurs. Il est étonnant que l’inénarrable archiprêtre de Notre-Dame ne vienne avec son goupillon et son tronc bénir les condamnés à mort qui n’ont rien à se reprocher.
Les chênes sont des bienfaiteurs. Les chenilles de 200 espèces de papillons nocturnes et diurnes se nourrissent de leurs feuilles tendres. Au printemps, elles sont innombrables et attirent une trentaine d’espèces d’oiseaux. L’apogée des chenilles coïncide avec l’éclosion des couvées et les passereaux s’en saisissent pour nourrir les oisillons. A l’automne, le chêne perd autour de 100 000 feuilles. En 9 mois de gestation, cette litière triée, mâchée, mélangée, digérée par des cohortes d’araignées, de scarabées, d’escargots, de champignons, de musaraignes et de vers de terre, se transforme en un humus fertile et sombre. Chaque chêne est un tour de force de biotechnologie naturelle et un radeau de survie pour la biodiversité.
Mésange charbonnière sur un chêne rouvre (Quercus petraea) © Allan Hopkins
Ce coup de massue qui abat dans l’urgence la génération prolifique et robuste des chênes dominants est dû à la décision de reproduire à l’identique une cathédrale traficotée au XIXe siècle par Viollet-le-Duc. Cette option calamiteuse a été imposée par la Commission Nationale du Patrimoine et de l’Architecture en juillet de l’année dernière au détriment de plusieurs projets dont les esquisses, quelques mois après l’incendie, étaient pour la plupart enthousiasmantes, ou au détriment du retour à une austérité médiévale consolidée par des matériaux contemporains non combustibles et non toxiques.
Pour les copieurs de la cathédrale version 1865 et leurs communicants, le chêne c’est du m3, pour Robin des Bois c’est la vie.
Lien vers les publications de Robin des Bois concernant l’incendie de Notre-Dame de Paris.
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