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La Confédération Générale des planteurs de Betteraves, la FNSEA, l’Institut Technique de la Betterave et le Syndicat national des fabricants de sucre ont convaincu le gouvernement et les députés de la république sucrière française de réintroduire par la force de la loi les néonicotinoïdes dits néonics ou encore néoniqueurs sur les centaines de milliers d’hectares de la surface betteravière française et dans les nappes d’eau sous-jacentes. Les craintes de l’Union Nationale de l’Apiculture Française ont été balayées.
Les pollueurs-sucreurs ont commencé en mars à agiter le chiffon blanc du Covid-19, en juin le chiffon orange de la sécheresse et en juillet, pour parachever le travail de sape, ils ont brandi le chiffon rouge des jaunisses de la betterave transmises par les pucerons verts du pêcher.
Les ministres embarrassés ont fini par capituler et par accepter que la loi varie comme une girouette au gré de la pluviosité et de la vivacité des pucerons.
Dans les heures qui viennent, l’Assemblée nationale mutée en comice et en comique agricoles va voter solennellement la « loi relative aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire » dont le seul article consiste à réautoriser l’utilisation des semences empoisonnées aux néonicotinoïdes produits par la chimie suisse et allemande pour protéger les betteraves à sucre. Cette divagation ouvre la porte à d’autres réautorisations de produits phytosanitaires interdits. Après ce hors d’œuvre, les députés voteront la loi ASAP (As Soon As Possible) et ses nombreuses autres manigances.
Le plan pro-betterave du gouvernement consiste aussi à indemniser les betteraviers confrontés à des « pertes importantes » à cause des jaunisses, à défendre la souveraineté nationale en faisant de la betterave française un pilier alimentaire avec le sucre, un pilier énergétique avec l’alcool de betterave dans les biocarburants et un pilier sanitaire avec les envahissants gels hydroalcooliques issus de la distillation de la mélasse et du sirop, sous-produits de l’extraction du sucre.
Ce plan cocorico serait plus crédible et respectueux de l’environnement et de l’avenir s’il valorisait le sucre de betterave bio, s’il poussait l’Union Européenne à freiner l’importation de sucre de canne indien et d’Amérique du Sud non bio. Les pionniers de la betterave bio, dans les Hauts-de-France et l’Ile-de-France constatent d’ailleurs que les jaunisses ne mettent pas en danger le rendement de leurs parcelles et la rentabilité des récoltes.
En fait, le plan de soutien à la filière sucrière devrait en priorité s’attacher à la rénovation de l’outil industriel en métropole (sucre de betterave) et dans les territoires ultra-marins de la Réunion, de la Guadeloupe et de la Martinique (sucre de canne).
En France métropolitaine, les sucreries ont été responsables entre 2010 et 2020 d’au moins 40 incendies, dégagements d’hydrogène sulfuré, d’acide sulfurique et chlorhydrique et pollutions de rivières. La dernière date du 10 avril 2020 quand un bassin de la sucrerie Tereos (ex-Beghin Say) à Escaudœuvres s’est fissuré et que 100.000 m3 d’eaux polluées provenant du lavage des betteraves se sont répandus dans les ruisseaux, les jardins voisins et le canal de l’Escaut. Des milliers de poissons sont morts et la Belgique accuse la France de négligence. En 2015, la DREAL (1) avait « proposé » et non imposé à Tereos de faire une étude géotechnique sur l’état de ses digues. L’industrie du sucre est toujours maniée avec des pincettes par les services de l’Etat. Tereos dont l’endettement aujourd’hui est de plus de 2 milliards d’euros n’avait pas bougé le petit doigt. En 1992, il y avait 60 sucreries en France, aujourd’hui il en reste 21 et la fréquence des accidents et leur gravité augmentent.
(1) Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement
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