Aujourd’hui, les chantiers navals Maersk à Odense au Danemark livrent l’Emma Maersk, le premier porte-conteneurs au monde à déclarer une capacité de 11.000 « boites ». En vérité, comme à l’habitude, le groupe danois AP- Møller dissimule l’exacte capacité du nouveau navire de sa filiale Maersk ; des modélisations d’architectes maritimes aboutissent à une estimation de capacité entre 12.000 et 15.000 conteneurs. Il est surprenant de constater qu’un armateur civil entoure ses navires de secrets généralement pratiqués par les navires militaires. Maersk ne peut cependant rien dissimuler des mensurations de son nouveau né, tête d’une série d’une dizaine de navires : 399 m de long, 56 m de large et 16 m de tirant d’eau. Le tout sous le contrôle d’un équipage de 13 marins. Chez Maersk, la massification du fret entraîne la minimisation de l’équipage.
La politique environnementale de la plus grande compagnie maritime du monde ne prend pas en compte l’inadaptation de la plupart des ports et des estuaires aux manœuvres de ses porte-conteneurs démesurés.
Maersk est engagé dans une course de fond désastreuse sur le plan biologique et écologique. La lignée des Regina Maersk exigeait dès 1996 un approfondissement des chenaux d’accès et des bassins portuaires à -14,50 m. 10 ans plus tard, la lignée des Emma Maersk requiert un approfondissement minimal de 16,50 m. Tous les grands ports européens sur la côte méditerranéenne, atlantique et baltique se disent obligés de suivre et de lancer de vastes et incessantes opérations de dragage impliquant l’extraction de dizaines de millions de tonnes de sédiments le plus souvent pollués, la destruction des fonds marins, le remblaiement des zones humides et des marais. La remobilisation des sédiments pendant les opérations de dragage et après l’immersion dans des lieux de dépôts sous-marins transporte les polluants et contamine les chaînes alimentaires marines, tout en augmentant la turbidité de l’eau et en appauvrissant la biodiversité.
A Singapour, à New York, à Los Angeles et à Long Beach en Californie, à Portsmouth en Virginie, à Melbourne en Australie, l’artificialisation des fonds portuaires et la création de nouveaux terminaux à conteneurs suscitent les protestations des pêcheurs et d’organisations environnementales. Elles sont le plus souvent étouffées comme les coquillages, les mollusques et les herbiers engloutis sous les vases.
L’Europe n’est pas en reste avec Rotterdam, Anvers, Bremerhaven, Fos-sur-Mer. Port 2000 au Havre vient d’être inauguré. Le chantier a coûté plus d’1 milliard d’euros, mobilisé 41 millions de tonnes de vases, détruit des habitats de bars, de soles et de crevettes. Il est déjà sous-dimensionné. La profondeur des darses (14,50 m) interdit l’escale de la génération de l’Emma Maersk. Les boues de dragages sont incluses dans le catalogue européen des déchets. Ce sont souvent des déchets dangereux mais l’option majoritaire d’élimination reste l’immersion – dispersion. La mise en œuvre de décharges sous-marines ou le comblement de sites d’extraction de granulats sous-marins sont, en l’absence d’une réglementation européenne dédiée, présentés par les promoteurs comme des solutions innovantes et sûres à long terme.
Dans ce contexte, il est urgent que l’Union Européenne et l’OMI engagent une réflexion et une action pour limiter le tirant d’eau des porte-conteneurs et des autres navires. Seule, la capacité naturelle des ports, des deltas, des estuaires, des lagunes à garantir en toutes circonstances la sécurité de ces stockages flottants doit être prise en compte. La prévention des déchets et la réduction de leur volume est une priorité pour la communauté mondiale et pour l’Union Européenne. Ce principe de limitation doit aussi s’appliquer aux boues de dragage et les armateurs influents comme la compagnie danoise Maersk ont en ce sens un rôle pilote à jouer et une lourde responsabilité.
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