Le groupe monégasque Vlasov propriétaire du MC Ruby à travers ses filiales MC Shipping et V. Ships n’a pas été inquiété et aucun de ses cadres n’a été inculpé.
Pourtant les armateurs qui inscrivent leurs navires dans des pays de complaisance sociale et fiscale et qui recrutent des équipages déboussolés soumis avec constance aux menaces de licenciement doivent aussi assumer la responsabilité des passagers clandestins et de l’ensemble des pratiques illégales, criminelles, ou dangereuses pour la sécurité et l’environnement, en vigueur à bord du MC Ruby et des bateaux de ce type. Du départ d’Anvers jusqu’au retour au Havre, l’équipage a été exposé aux brimades, aux intimidations, aux carences et aux pressions des employeurs : non remboursement des frais de transport entre Odessa et Moscou, avaries permanentes du moteur principal tant sur le MC Pearl que sur le MC Ruby. Télex en mer et pression aux escales pour obtenir, malgré tout, le respect de la vitesse contractuelle.
Rationnement des vivres pour inciter l’équipage à éviter l’embarquement de passagers clandestins. Tolérance de la contrebande massive entre l’Europe et l’Afrique en vue de compenser la dureté du travail et la précarité des contrats de travail. Menaces diverses et diffuses de débarquement sans paiement des frais de retour au pays d’origine.
L’Etat français n’a pas eu, non plus, à s’expliquer à la barre sur l’incohérence de ces lois et usages en matière d’immigration clandestine maritime.
Dans la perspective de la Convention de Shengen, il a été décidé de créer dans chaque port des zones d’attente permettant de retenir les passagers clandestins dans des conditions impartiales et légales, pour mettre au point le rapatriement et examiner une éventuelle demande d’asile politique. Trois ans après la promulgation de la loi, aucune zone d’attente n’a été construite dans les ports français. Les commandants ont donc à la fois l’obligation d’informer les autorités françaises, de garder les passagers clandestins à bord et de les séquestrer illégalement et indéfiniment. La Convention internationale sur les passagers clandestins en date du 10 octobre 1957 n’a pas été ratifiée par la France et n’entrera en vigueur que 6 mois après la 10ème ratification. Seuls en 28 ans, le Pérou, la Norvège, la Suède, le Danemark, la Belgique et la Finlande l’ont ratifiée. Le Maroc, la République Malgache et le Luxembourg l’ont signée. Selon cette convention, « Il est désirable de fixer par un accord certaines règles uniformes relatives aux passagers clandestins ». Dans son article premier elle les qualifie de « personnes » et abandonne donc les appellations de « criminels », « resquilleurs » ou de « lièvres » en usage dans le monde maritime. Elle engage la responsabilité des pays du pavillon qui peuvent se voir obliger d’accueillir les « personnes » montées clandestinement sur leurs navires.
Combien faudra-t-il encore de « personnes » jetées à la mer et de marins égarés pour que l’exploitation des navires de complaisance n’entraîne plus l’exploitation des équipages et la discrimination sociale et raciale ?
Combien faudra-t-il encore de crimes et d’immersions des Droits de l’Homme pour que tous les pays d’Europe et les pays d’Afrique ratifient la Convention internationale sur les passagers clandestins ?
Dans l’attente de ces décisions politiques, des transporteurs maritimes essayent par les moyens du bord de réduire les flux migratoires. Du côté des armateurs français, on estime que l’appel à des sociétés de gardiennage dans certains ports africains permet de réduire de moitié le nombre de « personnes » clandestinement embarquées. Ces sociétés de gardiennage s’engagent à participer aux frais de rapatriement de ceux qui toutefois seraient passées à travers les mailles du filet ou l’échelle de coupée.
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