Depuis le 4 février dernier, un stock de plusieurs millions de pneus brûle à Artaix, en Saône-et-Loire et dans un climat feutré, pesant et toxique. L’expérience montre que ces brasiers, surtout quand les pneus sont enfouis, sont très difficiles à éteindre définitivement. A Artaix, tous les empilements aériens ont brûlé et les stockages souterrains se consument et dégagent des fumées. Les principaux polluants libérés sont les phénols, les Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques (HAP), le cadmium, le zinc, le plomb, le soufre et les composés organiques volatils du type toluène et benzène. Le Comité pour l’environnement d’Artaix et des communes voisines et les maires du canton disposent aujourd’hui d’un relevé de conclusions et d’analyses prouvant le caractère potentiellement dangereux de l’incendie. La loi du 13 juillet 1992 dispose qu’à partir de Juillet 2002, la mise en décharge des déchets valorisables sera interdite. Un arrêté ministériel spécifique en date du 9 septembre 1997, interdit l’enfouissement des pneumatiques. Le dispositif réglementaire existe mais la filière technique reste un mirage, sauf dans les cimenteries, seul exutoire homologué mais saturé par le flux des farines animales.
Depuis 10 ans, des porteurs de projets sans compétence technique et sans assise financière se pressent aux guichets de l’ADEME, des collectivités locales, du Centre Scientifique et Technique du Bâtiment, du Centre d’Études Techniques de l’Equipement en vue de valider et de commercialiser les procédés et les produits du recyclage des pneus. Les absorbants acoustiques, parasismiques, vibratoires, les chaussées drainantes, les bétons composites sont le plus souvent évoqués ainsi que les revêtements de sols, mais toutes ces pistes n’aboutissent à rien de concret, d’homologué et de pérenne. Les start-up du pneu sont pour la plupart artificiellement gonflées par des subventions à répétition, ou en liquidation judiciaire. Une telle mésaventure est arrivée aux communes de Provins (77) et de Plouray (56) qui se retrouvent aujourd’hui gestionnaires précaires de millions de pneus après avoir loué ou prêté des terrains et hangars à des ex-futurs industriels du recyclage de gommes.
A Artaix, après presque 2 mois de combustion, Robin des Bois réclame une action énergique des pouvoirs publics, portant sur l’évacuation et le relogement provisoire des riverains et de leurs animaux domestiques, l’enlèvement immédiat des pneus qui sont hors feu, l’assainissement global de la friche industrielle, la mise en sécurité des très instables bâtiments de l’ex-tuilerie brûlée, et une surveillance à long terme des ressources aquatiques et des productions agricoles ou potagères, dont le miel. Le décapage des résidus de la combustion est une urgence absolue avant qu’ils soient emportés par le vent, la pluie, les orages. Les seules mesures envisagées et toujours différées – à savoir l’établissement d’une clôture et le recouvrement supplémentaire et partiel du massif de déchets enterrés – sont insuffisantes.
Sur l’ensemble du territoire national, il importe de faire l’inventaire des sites de stockage de pneus, de fragmenter les stocks, de relancer dans l’attente d’autres solutions la filière cimenterie. Les fabricants et importateurs de pneus – un décret en ce sens est attendu depuis 1994 – doivent organiser et développer la collecte, l’entreposage et le recyclage des pneus usagés et abandonnés, par d’autres voies que l’exportation vers l’Afrique ou l’accumulation à risques de déchets inflammables en lisière de forêt ou en milieu urbain
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