Cherbourg
Les contrats de retraitement des combustibles irradiés exportés en France par l’Allemagne, le Japon, la Suisse, la Hollande, la Belgique stipulent que les déchets doivent être renvoyés aux pays d’origine au plus tard le 31 décembre 1995. A cet effet, une unité de déstockage des déchets a été construite dans l’enceinte de l’usine de la Hague entre novembre 1992 et février 1994.
En décembre 1990, dans le cadre du Rapport sur la gestion des déchets nucléaires à haute activité de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, M. Mandil, Directeur Général de l’Energie et des Matières Premières au Ministère de l’Industrie répondait ainsi à une question du représentant de Robin des Bois “Les contrats prévoient très clairement le retour de l’ensemble des déchets dans le pays d’origine, et ce sans condition, c’est-à-dire que ce retour n’est pas subordonné à la mise en place effective d’un éventuel site de stockage souterrain dans le pays d’origine. Le pays d’origine doit se débrouiller avec les déchets et les premiers retours devraient débuter en 1994”.
Mais, en vérité en 1994, ni l’Allemagne, ni la Belgique, ni la Hollande, ni la Suisse, n’ont vu revenir quelque chose qui ressemble à un déchet nucléaire. Les autorités japonaises elles, avaient affirmé que si un bateau venait de France avec des déchets nucléaires en 1994, “il faudra qu’il fasse des ronds dans l’eau car le site de stockage intérimaire ne sera prêt qu’au début de l’année 1995”. En hiver 1992, le bateau de plutonium a reçu plus d’égards.
Par rapport aux échéances prévues par le gouvernement français, et confirmées en 1991 par M. Syrota, P.D.G. de la Cogéma, il y a déjà un an de retard en ce qui concerne le retour des déchets.
Depuis 16 ans que les combustibles irradiés font l’objet de transports internationaux, c’est seulement à Cherbourg, au point de réception, que des actions de résistance et d’information se sont développées, entre 1978 et 1984. La vérité est que le public et les écologistes allemands, japonais, suisses, belges, et hollandais ont été consciemment ou inconsciemment victimes du syndrome NIMBY (Not in my backyard, pas dans mon jardin). Des peuples riches et des pays industrialisés comme l’Allemagne et le Japon doivent assumer la gestion de tous leurs déchets qu’ils soient domestiques, chimiques ou nucléaires.
Pour ce qui est du Japon, les risques ponctuels de retour des déchets par la voie maritime sont sans commune mesure avec les risques chroniques de l’entreposage illimité des déchets de haute activité dans un site industriel aussi complexe et sinistré que l’usine de la Hague, avec ses 2 000 travailleurs, ses zones contaminées, ses décharges internes, ses stockages de produits chimiques, de plutonium, de combustibles irradiés, et de sous-produits de fission.
Les “protestations” contre le retour des déchets vers le Japon font sourire, quand elles émanent des Philippines qui depuis 1992 réfléchissent à la conversion des réacteurs d’anciens sous-marins soviétiques en unités de production d’électricité ! (AFP Sciences février 92), ou quand elles émanent d’experts américains qui en octobre 1994 ne se sont pas préoccupés du transport maritime transatlantique (Europe-Etats-Unis), sur des caboteurs danois, de combustibles irradiés recelant du plutonium de qualité militaire.( source : Lloyd’s List 5 octobre 1994)
La Hague n’est pas une terre sacrifiée et n’a pas vocation à être cette espèce de ” parc international du plutonium et des déchets nucléaires” dont rêvent certaines autorités politiques et militaires.
Le retour des déchets nucléaires au Japon et plus généralement en Asie du sud-est permettra aux pays riverains et à leurs opinions publiques d’avoir une idée globale de ce qu’est l’énergie nucléaire et une idée précise des perversions du retraitement des combustibles irradiés.
Le retraitement des combustibles irradiés a comme justification l’extraction du plutonium et la mise en place de la filière surgénérateur. La faillite de cette filière est aujourd’hui consommée. La pérennité de l’usine de la Hague est menacée. Il est prudent de penser à son démantèlement. Le départ des déchets générés par le retraitement des combustibles irradiés étrangers, constitue la première étape de ce démantèlement.
Si le retour des déchets n’est pas entamé en 1995, comme il est stipulé dans les contrats, et comme la loi relative à la recherche et à la gestion des déchets l’exige (article 3 : “le stockage en France de déchets radioactifs importés, même si le retraitement a été effectué sur le territoire national, est interdit au-delà des délais techniques imposés par le retraitement”), l’association Robin des Bois attaquera devant les juridictions compétentes la Cogéma et l’Etat français et demandera à titre conservatoire la suspension de tous les contrats d’importation des combustibles irradiés non conformes à la loi.
L’association Robin des Bois est solidaire de ses homologues japonais. Ils s’opposent à l’achèvement de l’usine de retraitement de Rokkasho-Mura dans la préfecture d’Aomori au nord du Japon. Le pire des dangers serait que le gouvernement japonais et son industrie nucléaire signent à leur tour des contrats de retraitement de combustibles irradiés avec les pays du sud-est asiatique et d’Extrême Orient.
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