Objet : procès Trafigura/Probo Koala à Amsterdam
A la barre du tribunal d’Amsterdam, Trafigura est aussi manipulateur qu’à la barre du Probo Koala. Tous les dommages du raffinage en mer du naphta hyper soufré de Pemex* et tous les risques sanitaires des déchets de désulfuration ne seraient qu’un « mythe » colporté par les écologistes, les journalistes et les politiques : « Il n’a pas été prouvé que les évènements de Côte d’Ivoire [la dispersion des déchets du Probo Koala à Abidjan] aient nuit à la santé des populations ni même qu’ils aient été en capacité de le faire » a déclaré d’entrée dans sa plaidoirie l’avocat de Trafigura.
Les dangers du mercaptan et de l’hydrogène sulfuré seraient-ils aussi un mythe scientifique ?
L’accidentologie du mercaptan répertorié sur la base ARIA compte 54 évènements sans compter celui du 8 avril 1970 quand 3 cheminots sont morts à Lacq à côté d’un wagon fuyard de mercaptan. L’accidentologie de l’hydrogène sulfuré en relève 112 dont plusieurs mortels sans prendre en compte l’hydrogène sulfuré résultant du pourrissement des algues vertes.
Quand elles ne sont pas mortelles, les conséquences de l’inhalation de l’air pollué par le mercaptan et l’hydrogène sulfuré telles qu’elles sont décrites dans les résumés d’accidents ou les fiches toxicologiques sont exactement comparables à celles constatées et racontées après les évènements d’Abidjan et ceux de Sløvåg où les déchets de la filière Trafigura ont aussi provoqué une catastrophe en mai 2007.
Le mercaptan provoque des douleurs thoraciques, de la toux, des nausées, des migraines, des vomissements et des diarrhées. L’hydrogène sulfuré provoque des détresses respiratoires, des oedèmes pulmonaires et à des doses plus faibles des conjonctivites, des rhinites, des irritations oculaires et des saignements de nez. L’hydrogène sulfuré à une odeur d’œuf pourri et les quatre composés de mercaptan une odeur de poireau pourri, d’ail, de chou et de putois. On se croirait à Abidjan en août et septembre 2006.
Des analyses réalisées à Amsterdam par le Dutch Forensic Institute et à Abidjan par le CIAPOL (Centre Ivoirien Anti-Pollution) révèlent des teneurs très élevées en mercaptan et en hydrogène sulfuré : de 5.000 mg/kg à 6.129 mg/kg pour l’hydrogène sulfuré et de 1.287 mg/kg à 35.000 mg/kg pour le mercaptan. Le déversement des déchets riches en soufre dans un milieu acide comme les eaux polluées ou les caniveaux à ciel ouvert et l’exposition aux pluies facilitent la formation et le dégagement des deux gaz toxiques. A ces niveaux, ils sont susceptibles d’atteindre les concentrations dans l’air déclenchant des risques létaux, irréversibles ou chroniques et de les maintenir dans certaines conditions météorologiques comme l’absence de vent.
Plus globalement, le bilan sanitaire de la catastrophe d’Abidjan devrait aussi prendre en compte les effets collatéraux des déchets du Probo Koala comme la fermeture de la décharge d’Akouédo et l’arrêt consécutif de la collecte des ordures ménagères dans la mégapole. Dans ce domaine aussi, la responsabilité de Trafigura qui a choisi de décharger ses déchets à Abidjan en toute connaissance de leur dangerosité est engagée.
*Petroleos Mexicanos
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Quelques sources :
– Exposition environnementale à des déchets contenant du mercaptan, des hydrocarbures aromatiques et de l’hydrogène sulfuré (Abidjan). K. Dongo, A. B. Koné, I. Tiembré, J. Biémi, M. Tanner, J. Zinsstag, G. Cissé. Environnement, Risques & Santé – Vol 8, n°6, novembre-décembre 2009.
– Déchets toxiques déversés à Abidjan (Côte d’Ivoire) et conséquences sanitaires. X. Bohand, C. Monpeurt, S. Bohand, A. Cazoulat. Médecine Tropicale. 2007. 67 : 620-624.
– Seuils de toxicité aiguë – Hydrogène Sulfuré (H2S). Rapport final INERIS. Janvier 2000.