Le Grenelle de la Mer est le niveau national où se discutent les perspectives d’amélioration et d’évolution de la gouvernance maritime. Cherbourg, à travers l’actualité d’un projet de trafic portuaire, montre en même temps les lacunes et les incohérences de cette gouvernance telle qu’elle est appliquée aujourd’hui.
Il est envisagé d’importer du charbon de Colombie et d’Afrique du Sud à bord de minéraliers de 17 m de tirant d’eau qui seraient déchargés en pleine mer, le charbon étant dans un deuxième temps transporté par barges dans le port de Cherbourg puis ré-expédié à bord de caboteurs à destination des centrales thermiques essentiellement anglaises.
L’enquête publique vient de se terminer. Le dossier n’aborde pas le maillon amont du système à savoir le déchargement à deux milles du littoral, hors de l’abri-rade de Cherbourg. Il n’y a pas de quantification des pertes lors de la rupture de charge, ni d’évaluation des effets sur les gisements de coquilles Saint-Jacques et d’huîtres de pleine mer. L’étude d’impact de la dispersion du charbon sur les fonds marins et des poussières dans la colonne d’eau est donc manquante. Le fait que le charbon soit un élément naturel ne l’exempte pas de contenir en éléments-traces des métaux lourds assimilables par les organismes marins.
Le volet sécurité maritime est lui aussi absent du dossier d’enquête publique alors que les opérations d’allégement se dérouleraient en pleine mer par toutes conditions de vent et qu’elles mobiliseraient trois vecteurs associés : le minéralier, la grue flottante et les barges transportant le charbon depuis le site d’allègement jusqu’au quai.
Ces opérations coordonnées en pleine mer impliquent des risques divers – collisions, naufrages, pertes d’hydrocarbures – qui méritent eux aussi d’être exposés au public en même temps que les moyens prévus pour les maîtriser.
L’exemple de ce projet de trafic charbonnier contraignant à une rupture de charge en pleine mer illustre l’inadaptation des navires surdimensionnés, en l’espèce des minéraliers, aux capacités portuaires existantes.
L’association Robin des Bois est consciente de la nécessité d’ouvrir le port de Cherbourg à d’autres trafics internationaux que le transport de matières et déchets nucléaires mais, en l’état des informations disponibles et des risques généraux, elle est opposée à ce projet qui, par ailleurs, dans sa description des tonnages et des trafics induits notamment ferroviaires sont disproportionnés par rapport à la réalité.
Au-delà de ce cas, il est souhaité que l’administration de ces dossiers d’intérêt maritime et terrestre qui mettent en jeu la sécurité, la protection des ressources et du cadre de vie dans les ports urbains fasse l’objet d’une approche commune et simultanée par les préfets terrestres et les préfets maritimes.
Imprimer cet article