Kalliopi RC, un réfugié mécanique au Havre

11 mars 2016

Le Kalliopi RC, ex Hoechst Express, est le 4ème de la série des 8 porte-conteneurs Samsung 4600. Ils ont été construits entre 1991 et 1994 pour l’armement allemand Hapag-Lloyd. Longs de 294 m, ils faisaient à l’époque figure de géants.

En mars 2015, Hapag-Lloyd, le n°6 mondial du porte-conteneurs, se débarrasse de ses plus vieilles unités. 2 Samsung 4600 partent immédiatement à la démolition en Chine. Les 6 sisterships rescapés jouent les prolongations. Le Stuttgart Express navigue toujours sous le nom de MSC Roberta. Les 5 autres avaient été rachetés par l’armateur allemand König & Cie Gmbh & Co Kg.

Après quelques mois de prolongation d’exploitation, König est en train de les liquider : les HH Nikol C (ex-Boston Express, ex-Essen Express), HH Emilia (ex-Dresden Express) et Dimitrios C (ex-Atlanta Express, ex-Ludwigshafen Express) ont été échoués à Alang en décembre 2015, février 2016 et mars 2016. Le HH Johanna (ex-Portland Express, ex-Leverkusen Express) était en attente à Valence (Espagne). Le 14 février, une de ses amarres a rompu et il a cogné le Cosco Europe. Il a quitté Valence le 20 février et franchit aujourd’hui le canal de Suez. Il y a de très fortes probabilités qu’il se dirige à son tour vers Alang.

Reste le Kalliopi RC. Lui aussi est au bout du rouleau. Il a 25 ans, l’âge moyen des porte-conteneurs partis à la casse en 2015 était de 22 ans. Sa maintenance pose question. En avril 2015, alors qu’il est affrété par MSC il connaît au Pirée (Grèce) la première détention de sa carrière ; elle dure 10 jours, le temps de corriger les déficiences des moteurs, de nettoyer le compartiment machines et de mettre aux normes les équipements de lutte contre l’incendie. Le 5 février 2016 au Havre, nouveau coup de semonce des inspecteurs de la sécurité maritime. 13 déficiences, dont 5 relatives aux moteurs, auxiliaire et principal, 2 à la sécurité incendie, 1 à l’équipement électrique en général et 1 aux embarcations de sauvetage sont relevées. 12 jours plus tard, malgré des réparations, une seconde inspection en relève encore 5. Fin février, l’équipage est remplacé.

Mardi 1er mars 2016. Le Kalliopi RC appareille dans la soirée alors que les prévisions sont mauvaises. Il quitte à vide le Havre et le quai de Bougainville avec pour destination officielle Le Pirée, en Grèce. Des sources officieuses bien informées rapportées par le quotidien Paris Normandie disent que le Kalliopi RC a été racheté par GMS, un des spécialistes du rachat des navires en fin de vie. A peine parti, le navire est victime de 2 black-out (perte totale d’énergie) dans le chenal de sortie du port ; il repart. Un 3ème black-out dans l’estuaire de la Seine l’oblige à jeter l’ancre, ce qui ne l’empêche pas de dériver tout en étant contraint au silence pendant 1 h pour cause de panne de radio.

Dans l’après-midi du 2 mars, sur ordre du préfet maritime de la Manche et de la mer du Nord, il est pris en remorque par l’Abeille Liberté venue de Cherbourg et mis en sécurité au Havre, quai de l’Asie près du terminal pétrolier. Le site internet du port du Havre l’annonce partant pour le 13 mars, à destination, cette fois de Rotterdam, une destination sans doute fictive visant à brouiller les pistes. Le nouveau propriétaire a tout intérêt à simuler une poursuite d’exploitation. Les autorités européennes chargées de la sécurité maritime et notamment les préfets maritimes de la façade Atlantique française ne doivent pas tomber dans ce panneau.
Seuls 3 scénarios sont possibles :
–    Démolition en Europe du Nord
–    Départ par ses propres moyens vers un chantier de démolition à condition de présenter toutes les garanties de sécurité.
–    Départ du Havre en remorque à condition que l’attelage présente lui aussi toutes les garanties de sécurité.

Quoiqu’il en soit, ce serait une nouvelle preuve de la négligence de l’Europe dans le domaine du démantèlement des navires que de retrouver ce Kalliopi RC échoué dans quelques semaines en Asie alors qu’il est aujourd’hui au Havre.

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2 mars 2016, le Kalliopi RC remorqué au Havre après son avarie © Erwan Guéguéniat

 

 

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