Incendie Bolloré Illogistics – Communiqué n°2
La nouvelle mobilité roule au lithium. De l’extraction à la circulation jusqu’au recyclage, ce métal dévaste, brûle et expose les travailleurs, les populations, la biodiversité et l’atmosphère à des risques connus mais négligés par l’Union européenne et les pouvoirs publics français qui font preuve d’irresponsabilité (1).
Pour combattre l’incendie de l’entrepôt logistique de Grand-Couronne à 18 km au sud de Rouen, les soldats du feu ont pompé dans la Seine pour obtenir un débit de 200m3/minute. La Seine est à plus de 500 mètres de l’entrepôt incendié. L’attaque du feu a été retardée par l’insuffisance ou l’absence de bornes incendie à proximité immédiate de l’entrepôt.L’enquête en dira plus sur le manque de “munitions disponibles” selon l’expression du Sdis après l’incendie de Lubrizol à Rouen en septembre 2019. Déjà pendant cet épisode dont la banlieue de Rouen et la Haute-Normandie portent encore les stigmates, le sinistre avait été maîtrisé avec l’eau de la Seine.
Les sprinklers (arrosages automatiques) ont été impuissants à noyer la prise de feu initiale dans la cellule louée par Bolloré Logistics à Episo 5, un fonds immobilier propriétaire du site depuis avril 2022 et géré depuis Londres par Tristan Capital Partners. Dans cette cellule, il y avait 12.250 batteries électriques en attente de recyclage. Elles sont considérées comme des déchets dangereux. Dans la cellule mitoyenne louée par Districash, séparée par un mur coupe-feu qui n’a pas empêché la propagation de l’incendie, il y avait 80.000 pneus. La combustion des 800 tonnes de pneus, sur la base moyenne théorique de 10 kg/pneu, a produit un panache et des suies chargés en soufre, en zinc, en cadmium, en cuivre et en Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques (HAP) cancérogènes.
L’enquête dira depuis combien de temps ces milliers de batteries inflammables usagées étaient entreposées et à la suite de quelles négligences et nécessités, elles étaient immédiatement voisines d’un stockage de matériaux aussi combustibles que des pneus.
L’incendie s’est ensuite propagé à une troisième cellule mitoyenne louée par Ziegler qui contenait des vêtements en attente de livraison et des palettes. La combustion des vêtements en matières synthétiques fabriqués le plus souvent en Asie libère elle aussi des composés toxiques. Issus de l’industrie pétrochimique, leur toxicité est aggravée par des colorants de synthèse.
Le panache principal a été repéré par les moyens aériens de la sécurité civile à 20 heures le 17 janvier. Il était long de 7 km et culminait à 2400 mètres d’altitude. Les retombées proches et lointaines des fumées et des suies devraient pouvoir être localisées à l’issue des travaux de la cellule post-accidentelle qui a été opportunément mise en place par le Préfet Pierre-André Durand dès le 18 janvier.
Robin des Bois recommande, comme il l’a déjà précisé dans son communiqué n°1, que des marqueurs spécifiques soient recherchés, comme les particules fines de lithium, de cobalt ou d’autres substances qui ne pourront pas être confondus avec les pollutions industrielles historiques des sols et des milieux aquatiques. Ce masquage avait selon les autorités empêché de distinguer les apports de l’incendie de Lubrizol et de Normandie Logistique.
La préfecture de Seine-Maritime déclare que le sinistre est circonscrit. Malheureusement, le risque de reprise doit être sérieusement envisagé et anticipé. Un nouvel emballement thermique des batteries électriques usagées peut se produire plusieurs heures ou plusieurs jours après que le feu a été déclaré circonscrit. Une surveillance longue et vigilante est impérative assortie de la protection intégrale de tous les personnels dédiés au déblaiement des résidus solides de l’incendie.
Entre fin novembre 2022 et le 14 janvier 2023, Robin des Bois a recensé six incendies et explosions dus à des batteries ou des piles au lithium dans le Cher, les Yvelines, le Puy-de-Dôme, les Alpes-Maritimes, les Pyrénées-Atlantiques et la Loire-Atlantique. Le 5 novembre 2022 à New York, l’incendie d’un immeuble est attribué par le New York City Fire Department (FDNY) à l’emballement thermique d’une batterie lithium-ion embarquée sur une trottinette ou un autre engin à deux roues. Selon le FDNY, en 2022, le bilan destructeur des batteries au lithium s’élève à environ 200 incendies et six morts. A Rouen, en prélude à la catastrophe de la plateforme de Bolloré Logistics à Grand-Couronne, un magasin de vélos électriques a brûlé au 56 quai du Havre le 18 mars 2022.
Mais l’empreinte du lithium en Seine-Maritime date du 20 juillet 2000 avec l’explosion chez l’ex-forban CITRON (Centre International de TRaitement des Ordures Nocives) dans la zone industrialo-portuaire du Havre d’un conteneur maritime contenant entre autres des batteries au lithium usagées.
Robin des Bois va déposer plainte contre X pour exploitation non conforme d’une installation classée ayant dégradé substantiellement la qualité de l’air, du sol et de l’eau et pour violation des prescriptions applicables à l’exploitation d’une installation classée (en particulier, des prescriptions relatives à la prévention du risque incendie). Les poursuites devront déterminer les responsabilités respectives de Bolloré Logistics et des autres parties prenantes, du propriétaire du site et des producteurs et détenteurs des déchets et des marchandises.
(1) “Voiture électrique. Le lithium, champion de la pollution et des incendies verts“, article écrit par Jacky Bonnemains, directeur de Robin des Bois, et publié dans Charlie Hebdo n°1519 le 1er septembre 2021