Objet : Ocean Jasper / Sokalique
Le coup de fil pendant le week-end entre le Président de la République française et son homologue des îles Kiribati est très loin d’être suffisant pour endiguer le raz-de-marée des pavillons de complaisance. Aux avantages fiscaux et sociaux que les armateurs avaient jusqu’alors à immatriculer leurs navires dans des états étrangers, s’ajoute de plus en plus l’immunité ou la recherche de l’immunité juridique des différentes entités qui prospèrent autour des pavillons de complaisance. Cette tendance s’est récemment manifestée pendant le procès de l’Erika, pavillon maltais, quand la société italienne de classification Rina a réclamé l’immunité en mettant en avant qu’elle était en matière de classification des navires une sorte de service diplomatique de l’Etat de Malte. Cette requête n’a pas encore été examinée sur le fond.
En ce qui concerne l’Ocean Jasper, pavillon îles Kiribati, entré en collision avec le bateau de pêche français Sokalique, l’interprétation que fait le procureur du Tribunal de Morlaix du droit maritime est orientée. L’article 97 du droit international de la mer mentionne en effet les abordages et dit que l’Etat du pavillon a la responsabilité juridique exclusive. Mais cet article concerne les abordages en haute mer, la haute mer étant au sens de la Convention de Montego Bay au-delà de la Zone Economique Exclusive -ZEE- des états côtiers. D’une part, il semble que la collision entre l’Ocean Jasper et le Sokalique ait eu lieu à l’intérieur de la ZEE française et d’autre part l’article 97 du droit international de la mer ne traite que de l’abordage et des responsabilités de l’abordage. La mort du marin français n’a pas été provoquée par l’abordage mais par le défaut d’assistance et l’éventuel délit de fuite d’un des navires impliqués à savoir l’Ocean Jasper. Rien dans les conventions internationales n’attribue la compétence juridique à l’Etat du pavillon pour le défaut d’assistance.
Rien dans les conventions internationales donc n’interdit à la justice française de mener la procédure depuis l’enquête jusqu’au procès. Il n’y a pas à quémander le dépaysement du procès. Seules des frilosités diplomatiques ou des considérations communes entre la France et Kiribati sur la gestion des pêches ou d’autres ressources marines autour de la Polynésie Française et plus largement une complaisance de l’Etat français envers le système des pavillons de complaisance pourraient expliquer qu’un jour prochain, après quelques réparations et mesures de sécurité, l’Ocean Jasper avec le même équipage ou un équipage de remplacement quitte Brest sans le versement d’une caution. Celle-ci ne devra décemment pas être inférieure à celles qui sont demandées en cas de pollution par hydrocarbures dans cette même ZEE ; il s’agit de prendre en compte les pertes humaines et les douleurs infligées à des marins français, de garantir la comparution des responsables et de parer à la dissolution précipitée de la compagnie propriétaire « Ocean Jasper
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