La prolifération des plastiques à la surface de l’océan mondial, notamment des fragments et boulettes de polystyrène, constitue plus qu’une nuisance esthétique. Ces déchets ont un impact négatif sur les poissons “opportunistes”, les oiseaux de mer, les tortues marines et les mammifères marins. Des milliers d’entre eux meurent chaque année ou voient leur potentiel de reproduction réduit à cause de l’ingestion involontaire des déchets flottants de plastique. L’Organisation Maritime Internationale a depuis 1973 souligné l’importance de cette pollution et a proposé à ses pays membres une annexe à la convention Marpol portant sur l’interdiction du rejet en mer des matériaux en plastique.
En supplément de cette pollution mécanique, il est exclu de penser que les bulles, filaments, fragments ou nouilles de styrène sont exemptes de toxicité, quelques heures ou jours après leur fuite des cuves de l’Ievoli Sun. Ils ont des effets narcotiques, induisent des troubles du comportement et de l’équilibre. Il a été constaté que le styrène avait des effets mutagènes sur les oursins. Il a une action irritante sur les voies respiratoires et les muqueuses.
Il importe donc que les propriétaires du styrène, Shell, et par extension, de l’alcool isopropylique, Esso, soient mis en demeure par les préfets des départements concernés de procéder au criblage, au regroupement et à la gestion des déchets. De même, Ciba-Geigy en décembre 1993 avait été mis en demeure de procéder au ramassage des sachets d’Apron +, un pesticide toxique perdu par le porte-conteneurs français, le Sherbro. Ce bateau parti du Havre dans la nuit du mercredi 8 décembre 1993 avait perdu dans des rafales de 130 à 150 km/heure plusieurs dizaines de conteneurs dans la zone des Casquets. Ce triangle des Bermudes de la mer de la Manche a déjà capté le Gateway (Saint-Vincent et Grenadines) avec 1000 tonnes de bitume, le Perintis (venant de quitter le pavillon islandais, le Perintis était en cours de re-immatriculation dans un pays inconnu) avec plusieurs centaines de tonnes de cypermétrine et de lindane, le Murree (Pakistan) avec du cyanure et des solvants chlorés, et le Grape One, un maltais chargé de 4000 tonnes de xylène.
L’excellente flottabilité des sachets d’Apron + comparable à celle du styrène leur avait permis de se disperser dans toute la mer de la Manche et la mer du Nord – côtes normandes, côtes picardes, le littoral du Nord-Pas-de-Calais – au point que plusieurs dizaines de milliers d’entre eux se sont retrouvés dans le port d’Amsterdam, deux mois après l’accident.
Si le styrène n’est pas piégé à l’intérieur du périmètre de sécurité de l’épave, il constituera une pollution dispersive pour tous les Etats riverains, à court terme.
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