Le Stade de la France polluée

6 juil. 1998

Faire venir 80.000 spectateurs dont les ministres et les chefs d’Etat juste au-dessus de 35.000 m3 d’eaux souterraines contaminées par des substances cancérigènes et inflammables sous produites par 150 ans d’activités industrielles et un demi-siècle d’usines à gaz c’est de notre point de vue, l’exploit de la Coupe du Monde de football.

Toute personne a le droit d’être informée sur les effets préjudiciables pour la santé de l’homme et l’environnement du traitement, du transport, du stockage et du dépôt des déchets ainsi que sur les mesures prises pour prévenir ou compenser leurs effets. Robin des Bois a demandé en janvier 1998 à Madame la Ministre de l’Environnement de créer à cet effet une Commission Locale d’Information et de Surveillance (CLIS) ; aucune réponse ne nous est parvenue sauf de la part du Préfet de Seine-Saint-Denis assurant – à tort – que les CLIS ne concernent que la surveillance des centres de traitement de déchets industriels. En fait, elles peuvent concerner les centres de traitement de tous types de déchets, les centres de production énergétique, les centres de stockage de gaz et les sites pollués en cours de réhabilitation puisque Robin des Bois est membre de la CLIS de la mine d’amiante de Canari en Corse.

Par ailleurs, la Préfecture de Seine-Saint-Denis a refusé de nous communiquer le rapport final du traitement du site avec les résultats des contrôles, les destinations des déchets et les modes de traitement du site, le rapport final sur le traitement biologique des terres polluées par hydrocarbures, le rapport final sur le traitement de la nappe phréatique ainsi que les études préalables sur les diagnostics de pollution. Face à ces rétentions d’informations Robin des Bois a déposé devant le Tribunal Administratif de Paris, un recours pour excès de pouvoir en vue d’obtenir la communication de ces documents, conformément à l’avis favorable de la Commission d’Accès aux Documents Administratifs (CADA).

Cependant, il est possible aujourd’hui d’annoncer que la remise en état du site du Cornillon prescrite par l’arrêté préfectoral du 2 juin 1994 dont Gaz de France était le seul destinataire se poursuit aujourd’hui dans le cadre de l’arrêté complémentaire du 7 juillet 1995 dont Gaz de France est toujours destinataire avec en plus la SANEM Grand Stade et la délégation interministérielle à la Coupe du Monde rattachée auprès des services du Premier Ministre.

La remise en état actuelle consiste dans un système de captage sous la pelouse des émanations gazeuses, et d’un rejet atmosphérique d’environ 4 kg/heure de gaz toxiques dont du benzène. Malgré des informations contradictoires il ne semble pas que ce rejet fasse l’objet d’un arrêté préfectoral. L’enceinte périphérique empêchant la plupart des hydrocarbures flottants de s’accumuler sous la pelouse perturbe l’écoulement des eaux souterraines et provoque des concentrations importantes à l’extérieur de la paroi, soit à l’aplomb de l’ellipse de la toiture. Avant les matches, ils sont pompés, stockés sur place, puis incinérés. La maintenance de ce système de résorption de pollution revient au minimum à 5 millions de francs par an qui sont à la charge de l’Etat.

En profondeur, la situation n’est pas non plus exempte de risques. Outre que “les ouvrages construits sur le site prendront en compte la pollution résiduelle de telle sorte d’une part qu’il ne puissent en être affectés”, ils ne doivent pas selon la Préfecture de Seine-Saint-Denis être une cause de fuite vers les nappes les plus profondes “en particulier dans le cas des pieux de fondation”. Considérées comme des réserves stratégiques, les nappes inférieures du Sparnacien et de l’Albien sont utilisées par le centre de recherches de Gaz de France et la SNCF.

Le planning de construction du Stade de France était extrêmement tendu. Les pollutions lourdes et dangereuses des nappes phréatiques affleurantes ont été mises à jour au cours du 1er semestre 1995. Le consortium a été obligé de s’adapter en quelques semaines à des conditions géotechniques non prévues. Et là où dans un chantier normal, les travaux auraient été suspendus pendant plusieurs mois ou années, il a fallu passer en force et ne pas être trop regardant sur la gestion des déchets de chantier et les procédures administratives. C’est ainsi que le Préfet, contrairement aux usages et à son premier arrêté de juin 1994 a exceptionnellement autorisé dans son arrêté de juillet 1995 le mélange sur place des terres d’excavation très contaminées, moyennement et faiblement contaminées. 100.000 t de terres polluées ont été réutilisées sous le parvis. D’autres auraient été envoyées à Dugny et à Vemars pour les Aéroports de Paris en vue d’être utilisées en sous-couche des nouvelles pistes de Roissy. En Picardie, des carrières en fin d’exploitation ont été comblées par ces matériaux d’excavation qui selon l’arrêté préfectoral de juillet 1995 contient des hydrocarbures aromatiques, des coupes d’essence et kérosène, des solvants chlorés.

 

 

 

 

 

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