La 53 ème session plénière de la Commission Baleinière Internationale -CBI- se terminera demain à Londres. Retenu à Bonn dans le cadre de la finalisation du protocole de Kyoto, le haut fonctionnaire responsable de la délégation française ne sera finalement pas du tout venu. Sans directives, le reliquat de la délégation aura opté pour le profil très bas, lâchant notamment la Grande-Bretagne, la Nouvelle-Zélande, l’Australie, l’Autriche, les Pays-Bas, l’Allemagne et Monaco dans la défense des grands cétacés. Historiquement, la France a été un pays baleinier notoire et un leader épisodique dans la protection des baleines. Elle a notamment proposé le sanctuaire dans l’Océan Austral approuvé en 1994 par la CBI. En 2001, la France n’a parrainé que deux résolutions, n’en aura proposé aucune et ne s’est portée volontaire pour aucun groupe de travail. Pourtant, la préparation de la prochaine réunion qui se tiendra au Japon est cruciale pour l’avenir des grands cétacés, d’autant que des pays africains francophones pourraient à l’image de la Guinée renforcer le camp des chasseurs de baleines.
La proposition de sanctuaire dans le Pacifique Sud proposé par la Nouvelle-Zélande et l’Australie a échoué face au bloc norvégien et japonais constamment renforcé par des pays des Caraïbes comme St Vincent-et-Grenadines, Sainte-Lucie, Antigua et Barbuda, la Dominique, la Grenade, Saint-Kitts-et-Nevis et les îles Salomon. Ces Etats qui n’ont pas d’intérêt direct dans la chasse à la baleine payent chaque année environ 250.000 francs pour être membre de la CBI, et soutiennent le Japon en échange d’aides au développement et d’accords de pêche. C’est pourquoi 8 pays protecteurs des baleines, dont la France ne faisait pas partie, ont rappelé dans le cadre d’une résolution en faveur de “ la transparence au sein de la CBI ”, que les Etats doivent décider seuls de leur propre politique et participer librement au débat, sans “ coercition d’autres pays souverains ”. Cette résolution a été acceptée. Par contre, celle présentée par le bloc des Caraïbes qualifiant certains groupes de protection de la nature “ d’irresponsables qui menacent certains pays-membres avec violence et boycott économique ” a été refusée.
La confiance au sein de la commission a encore reculé d’un cran après les révélations d’un ancien dirigeant de la “ Japan Whaling and Co. ”, directeur de stations baleinières. Il a publié un livre révélant les trucages des rapports de chasse entre 1950 et 1987 : la taille des sub-adultes était augmentée, les femelles étaient rapportées comme mâles, les observateurs étaient accueillis très généreusement quand une baleine était chassée dans l’irrespect des règles de la CBI. Au final, ce ne sont pas 2.659 rorquals de Bryde qui ont été chassés, mais 4.162, à l’insu de la CBI. Au moment où la Commission tente de mettre au point un plan de gestion incluant dans ses critères la chasse et les autres pressions comme la dégradation de l’habitat, les prises accidentelles, la contamination par les toxiques persistants et les métaux lourds, ces nouvelles révélations rappellent que la chasse clandestine et les falsifications de données doivent elles aussi être prises en compte. L’Italie, l’Autriche, l’Allemagne, le Mexique, les Pays-Bas et les Etats-Unis ont demandé des explications qui devraient être fournies l’année prochaine au Comité Scientifique.
La chasse commerciale étant interdite depuis le moratoire entré en vigueur en 1986, les Japonais pratiquent la “ chasse scientifique ” pour alimenter leur marché culinaire. Depuis 1994, plus de 600 baleines ont été tuées dans le Pacifique Nord pour le programme de recherches “ JARNII ”. Après quelques prélèvements, la viande est commercialisée à des prix oscillant entre 800 et 2.400 francs le kilo. Cette année, 5 cachalots ont également été chassés sous cet argument, mais le gouvernement japonais n’a pas dit où était passé le précieux blanc de baleine contenu dans leur tête et très prisé sur le marché des cosmétiques. Un cachalot en contient environ 1 tonne, soit une valeur d’environ 500.000 francs. Une résolution a été votée, soulignant le manque de crédibilité de ce programme scientifique et son inutilité à ce jour, et demandant au gouvernement japonais de ne pas le poursuivre avant que le Comité Scientifique de la CBI ait pu se prononcer sur son opportunité. Plus de 400 baleines sont également chassées chaque année dans le sanctuaire de l’Océan Austral sous le même prétexte.
Au-delà des baleines, les Norvégiens et les Japonais entendent défendre leurs pêcheries et ne pas créer de précédent dans la limitation des droits de pêche. Le statut des espèces passe au second plan. Une seule résolution reconnaissant la diminution inquiétante des populations de baleines grises du Pacifique Nord-Ouest a pour l’instant été adoptée à Londres.
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