Le communiqué de presse publié le 6 juillet sous l’autorité du préfet de la Seine-Maritime réserve au moins 2 surprises :
– L’orque pour la première fois repérée et photographiée en baie de Seine le 5 avril par l’équipage du bateau de pêche Atlas et morte le 30 mai en face de Caudebec-en-Caux dans une boucle de la Seine n’était pas un mâle comme il était affirmé par les experts.
– Une munition a été découverte le 3 juin par le spécialiste en ostéologie du Museum d’Histoire naturelle de Paris dans des lambeaux de chair à la base du crâne de l’orque femelle. Cette découverte majeure, postérieure à l’examen post-mortem qui in situ au bord de la Seine avait réuni sous un chapiteau une quinzaine de spécialistes, a été gardée secrète pendant plus d’un mois. Le calibre de la balle n’a pas été communiqué. On ne peut pas exclure que la carcasse de l’orque femelle ait recelé d’autres munitions. Mis à part quelques prélèvements et échantillons destinés notamment à mesurer les teneurs en contaminants chimiques, la carcasse a été très vite expédiée chez un équarrisseur. Elle a été transformée en farine animale. Il ne subsiste de l’orque que le squelette.
Au large du Texas, du Mississippi, de la Floride et dans le golfe du Mexique, il y a de plus en plus de dauphins qui sont tués par balles, 17 entre 2002 et 2014. Le rythme s’accélère depuis 4 ans. La NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration) offre désormais une récompense de 20.000 US$ à qui permettra de retrouver le ou les responsables de ces actes de cruauté envers des animaux protégés par le Marine Mammal Protection Act et par les conventions internationales. La tuerie se propage en Californie et dans les Caraïbes.
Il apparaît donc nécessaire de passer immédiatement au détecteur de métaux les cadavres des dauphins et des baleines échoués sur le littoral et dans les estuaires quand les causes de la mort ne sont pas immédiatement identifiées. En Afrique, cette opération est pratiquée dans les meilleurs délais sur les corps des rhinocéros braconnés. Elle permet d’éclaircir les circonstances de la mort et d’extraire des chairs ou des organes des pièces à conviction utiles à l’aboutissement des enquêtes.
En France, le Code rural et de la pêche maritime punit de 22.500 € d’amende “le fait de détenir à bord ou d’utiliser pour la pêche des armes à feu, des substances soporifiques ou toxiques de nature à détruire les animaux, les végétaux et leur milieu”. Au sujet des armes à feu, il n’est pas sûr que cette interdiction soit en vigueur dans les autres pays de l’Union Européenne riverains de l’Atlantique du Nord-Est, dans les Iles Féroé, en Norvège et en Russie.
C’est seulement en février 2021 que l’Ecosse a interdit aux exploitants d’élevage de saumons de tirer à vue sur les phoques attirés par la concentration d’une proie favorite et par l’opportunité de s’emparer des fuyards ou d’une manière ou d’une autre des captifs. Il est probable que les industriels de l’aquaculture utilisaient à l’égard des orques les mêmes techniques de dissuasion que pour les phoques. Les orques se nourrissent de poissons (et de phoques).
En mer du Nord, les orques suivent de près les évolutions des senneurs et des chalutiers géants qui ciblent le maquereau et aucune information ne transpire sur les modalités d’effarouchement des orques affamées. L’orque égarée et solitaire dans la baie de Seine provient sans doute de la mer du Nord.
L’étude du CNRS parue dans le Journal of Cetacean Research and Management en 2010 rapporte que pour se débarrasser des orques qui s’en prennent aux légines prises dans les hameçons des palangres, les équipages des bateaux pirates les attaquent à l’explosif au sud de l’océan Indien dans les eaux sub-antarctiques.
Les fusils et la dynamite sont loin d’être les seuls ennemis des orques. Elles ont contre elles des légions imbattables et constamment renforcées. Les agents chlorés, bromés, perfluorés inventés par la chimie pour assurer le bien-être, la sécurité et la prospérité du genre humain sur terre déteignent en mer et se concentrent dans le lait, le foie et les muscles des orques. Au sommet des chaînes alimentaires marines, les orques sont les principales bénéficiaires de l’héritage toxique de l’humanité. Les foies de 4 orques échouées en Irlande entre 2010 et 2017 contenaient 17 mg/kg de résidus chimiques persistants et perturbateurs et le fœtus d’une des femelles était déjà contaminé.
Les orques vivent et chassent en bande ou en meute comme les loups. La structure sociale est stable. Chaque groupe est dominé par les femelles et peut comprendre 4 générations si les aïeules vont au terme de leur espérance maximale de vie (90 à 100 ans), un exploit de plus en plus improbable vu la quantité d’agressions externes et internes dont elles sont victimes en même temps que tous leurs congénères. Dans l’océan mondial, les orques ne seraient pas plus que 50.000.
Même après la mort, les orques échouées ne sont pas tranquilles. Les récupérateurs rôdent sur les plages et s’emparent de leurs dents voire de leurs mâchoires. On les retrouve quelque temps après en vente sur l’Internet ou dans des cabinets de curiosité.
Robin des Bois est observateur à la Commission Baleinière Internationale depuis 1986. La prochaine réunion plénière devrait avoir lieu en Slovénie en octobre 2022. “A la Trace” n°33, le bulletin trimestriel édité par Robin des Bois sur le braconnage et la contrebande d’animaux menacés d’extinction, comprend 8 pages consacrées aux mammifères marins et d’eau douce et sera publié mercredi 13 juillet.
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