La mi-mars est maudite pour l’extrême ouest de l’Europe. Le 16 mars 1967, le Torrey Canyon s’échouait sur le récif des Seven Stones dans le Land’s End anglais et le 10 avril la marée noire atteignait le Cotentin et surtout le Finistère. Dans la nuit du 18 mars 1978, l’Amoco Cadiz s’échouait sur la Bretagne.
Les naufrages du Tanio, du Boehlen, de l’Olympic Bravery, l’avarie de l’Amazzone (liste non exhaustive) complètent la série noire. Ces catastrophes maritimes ont généré environ 300.000 tonnes de déchets liquides ou pâteux souillés aux hydrocarbures. La plupart de ces déchets -hors les exportations vers l’estuaire de la Seine, Saint-Nazaire, la Rochelle, la région parisienne, et peut-être Marseille- sont restés sur place et décorent le Finistère et les Côtes d’Armor d’un ruban noir soigneusement dissimulé. (Suite du communiqué après la carte)
La gestion des déchets de marée noire ou d’autres résidus d’accidents maritimes a toujours été pour l’association Robin des Bois un sujet majeur de préoccupation. Après le naufrage de l’Erika, Robin des Bois a fortement contribué au regroupement des déchets et au suivi de leur traitement. Dans les quelques semaines qui ont suivi cette catastrophe, Robin des Bois a été destinataire de plusieurs documents officiels témoignant des recherches de l’administration pour retrouver les sites oubliés de stockage provisoire des déchets des marées noires antérieures. Le Comité Interministériel d’Aménagement et de Développement du Territoire a décidé fin février 2000 à Nantes d’attribuer 20 millions de francs (plus de 3 millions d’euros) pour consolider et compléter l’inventaire -tous les sites ne sont pas connus-, initier des campagnes de surveillance environnementale des sites et si nécessaire réaliser des travaux de mise en sécurité ou de transfert des déchets. A cause des tergiversations du Ministère de l’Environnement de l’époque et aussi à cause des inquiétudes et des dénégations des élus bretons, ces 20 millions de francs n’ont pas été utilisés à cet effet. (Cf. la lettre de la DRIRE Bretagne à Robin des Bois en date du 12 mars 2003). Seul le site de la Rochelle a été entièrement purgé. Malgré de nombreux et réguliers courriers adressés aux maires et services de l’Etat concernés, rien n’a bougé depuis.
C’est pourquoi, le 18 mars 2007, Robin des Bois a porté plainte contre X pour abandon de déchets, exploitation d’Installations Classées pour la Protection de l’Environnement sans autorisation et délit de pollution des eaux. Cette plainte concerne tous les sites intéressés et a été déposée auprès des procureurs de la République des Tribunaux de Grande Instance de Brest, Guingamp, Saint Brieuc, Quimper et Morlaix.
En terme de volume, les sites les plus importants sont ceux de la zone portuaire de Brest -environ 90.000 tonnes de déchets pâteux et secs- et de Trégastel -environ 45.000 tonnes-. Ces évaluations sont approximatives et sujettes à caution car il n’y avait pas de pesée. Les dépôts de Brest et Trégastel ont été mélangés à de la chaux (environ 10%) pour donner une certaine stabilité mécanique aux massifs de déchets. En aucun cas ce traitement rudimentaire et improvisé ne garantit la stabilité chimique et la prévention de la migration des pollutions vers les eaux souterraines ou littorales. La toxicité des hydrocarbures et leur persistance sont variables selon les cargaisons -brut pour l’Amoco Cadiz et le Torrey Canyon, fuel lourd pour le Tanio– et la composition des fuels de soute embarqués. Aux hydrocarbures s’ajoutent les éléments traces métalliques et le phénol. La toxicité est aussi renforcée par les dispersants qui ont été abondamment utilisés sur la côte après les naufrages du Torrey Canyon et de l’Amoco Cadiz et qui contenaient des solvants pétroliers à base de benzène.
Il n’est pas concevable que ces décharges n’aient aucune existence administrative, ne bénéficient d’aucune autre mémoire que celle de gardiens comme Robin des Bois, ni surtout d’aucun suivi hydrogéologique. Robin des Bois demande donc au Ministère de l’Ecologie et du Développement Durables d’entreprendre en 2008 et 2009 ce qui n’a pas été initié par le Ministère de l’Environnement en 2000-2001. Au titre de la prévention des risques et éventuellement de leur élimination, les élus doivent faciliter et encourager les investigations.
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