Lettre ouverte à Mel Gibson

28 sept. 2007

mel-gibson

Cher Mel Gibson,

Nous avons lu dans l’article du Lloyd’s List daté du 12 septembre 2007 «From Carbon footprints to CO2 Ship blueprints» que vous apportiez ouvertement votre soutien au projet de conception d’un navire deux fois plus grand qu’un vraquier “capesize” (100-160.000 tpl) afin de transporter du dioxyde de carbone (CO2). « Le directeur de BW Shipping, Andreas Sohmen-Pao, révèle ses ambitions « vertes » et a trouvé un allié en l’acteur Mel Gibson ». L’objectif est d’utiliser le CO2 pour rendre les champs de pétrole et de gaz plus productifs par la technique de récupération renforcée. Plus de 40 millions de tonnes de CO2 sont utilisés en moyenne chaque année aux Etats-Unis pour récupérer le pétrole avec cette technique. La plupart de ce CO2 provient de réservoirs naturels de profondeur alors que 5% sont produits industriellement. Une partie du CO2 utilisé pour la récupération renforcée est stockée dans les puits d’hydrocarbures d’où ils s’echappent à moyen terme, à l’exception du projet pilote de Weyburn au Canada où le CO2 est recapturé et ré-injecté pour une séquestration permanente.

Robin des Bois est une ONG française de protection de l’Homme et de l’environnement créée en 1985. Depuis plus de 20 ans, Robin des Bois milite pour l’interdiction des stockages ou rejets de déchets en mer ou dans les sous-sols océaniques. Nous sommes très réservés à propos des concepts et projets exposés par Monsieur Andreas Sohmen-Pao à la conference Forbes Global CEO de Singapour. Plus généralement, nous avons des doutes sérieux quant aux solutions technologiques de Capture et de Stockage de CO2 (CSC) exposées en ce moment.

Robin des Bois a la conviction que le transport maritime de CO2 à tres grande échelle n’est pas une bonne option ; la sécurité est loin d’être assurée à plusieurs égards. Robin des Bois considère que le CO2 issu d’activités industrielles est un déchet. Nous estimons que la sequestration sous-marine de gaz carbonique pourrait constituer un précédent pour le dépôt d’autres déchets dans l’océan et que le CO2 stocké peut avoir des impacts environnementaux graves. Le CO2 est un gaz toxique. Le CO2 exploité depuis des réservoirs naturels ou produit industriellement à des fins alimentaires ou d’autres fins industrielles est transporté par navire avec des fuites d’un taux de 3 à 4 % pour une distance de plus de 1.000 km. Une augmentation de ces flux n’est pas la solution.

Il n’y a pas assez de connaissances scientifiques pour prouver que le CO2 sera stocké de façon pérenne sous la mer. Les risques environnementaux de fuites graduelles ou aiguës de CO2 sont illimités; il y a aussi des risques de secousses sismiques de faible ampleur. Il n’y a aucune observation de terrain sur les effets réels du CO2 sur l’écosystème marin. Les effets chimiques peuvent être aigüs sur des organismes calcaires comme le corail et à long terme diminuer les capacités de reproduction d’autres organismes marins comme le plancton. Les risques de fuites de CO2 stocké dans des structures géologiques sous-marines et leurs effets n’ont pas été suffisamment analysés et comparés aux risques d’un niveau atmospherique élevé de CO2 .

D’autre part, Monsieur Sohmen-Pao a également déclaré à cette conférence « Nous pouvons convertir de vieux navires transporteurs de gaz pour capturer ce gaz et le vendre ». Robin des Bois travaille beaucoup à l’amélioration de la sécurité maritime à travers notamment le contrôle de l’état des navires. Recycler des vieux transporteurs de gaz en transporteurs de CO2 est une menace et un danger pour l’Homme et l’environnement. Développer de nouveaux navires gigantesques pour le transport du CO2 n’est pas non plus une solution car cela pourrait avoir de nombreuses conséquences, parmi lesquelles le besoin de ports plus grands ou de nouvelles infrastructures portuaires, ce qui signifie davantage de dragage, des perturbations accrues pour l’environnement marin comme les pollutions sonores, plus de difficultés pour porter secours aux navires en détresse et enfin des chantiers adaptés à la démolition de navires plus grands.

La Convention OSPAR pour la protection de l’Atlantique du Nord-Est fait état d’une augmentation des épisodes de tempêtes dans les océans ; cela pourrait nécessiter à l’avenir une réduction de la taille des navires et du volume des cargaisons. Robin des Bois estime que des recherches complémentaires sont nécessaires dans le domaine des usages du CO2 , incluant des études sur la résistance des écosystèmes marins dans le contexte des CSC. Robin des Bois pense que la clef pour atteindre une meilleure qualité de l’air est de concentrer les efforts à la source en réduisant les émissions industrielles pour neutraliser ou éviter la pollution, pas en la déplacant.

Nous comptons sur vous pour mieux étudier ce sujet et ne pas être associé à ce type de projet.

Avec nos respects sincères.

Robin des Bois – Paris.

 

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