Le remorqueur ALP Centre tracte pour son dernier voyage le porte-avions brésilien Sao Paulo, ex-Foch, frère jumeau du Clemenceau. Parti le 4 août de Rio de Janeiro, le convoi a traversé l’Atlantique et se trouve à l’heure actuelle au large du Sahara Occidental. Il se dirige vers Aliaga, Turquie, où il est attendu vers le 12 septembre. Le Brésil envoie un sale cadeau à la communauté ouvrière turque et à la mer Egée. Le Sao Paulo devrait être ferraillé par le chantier Sök Denizcilik agréé par l’Union européenne. Sök Denizcilik reçoit régulièrement des navires militaires notamment en provenance du Royaume-Uni.
Si l’on se réfère à l’inventaire des matières dangereuses contenues à bord du Clemenceau, le porte-avions Sao Paulo contient des PCB (polychlorobiphényles) dans des gaines de câbles électriques, de peintures, de joints en caoutchouc, de revêtements de type linoléum, de cartes électroniques, des résidus de peintures et d’hydrocarbures, des milliers de tubes fluorescents au mercure et de détecteurs incendie avec des microsources radioactives, des batteries et des déchets d’hydrocarbures. En ce qui concerne l’amiante, il y a au moins à bord du Sao Paulo 17,5 km de tuyauterie avec calorifugeage amianté, 2,8 km de gaines de ventilation amiantées, 2.380 m2 de parois isolantes avec de l’amiante projeté, 3.920 m2 de matelas amiantés dans des cloisons coupe-feu, 7.120 m2 de dalles amiantées et 44.000 m2 de peinture amiantée. Avant son démantèlement à Hartlepool en Royaume-Uni, le Clemenceau avait subi un désamiantage partiel. Ce n’est pas le cas du Sao Paulo, envoyé dans son jus par les brésiliens au chantier turc Sök Denizcilik.
La France a une part de responsabilité dans cette exportation transocéanique de déchets gris. Au lieu de procéder au démantèlement du porte-avions Foch, elle l’a cédé à la Marine brésilienne en 2000. Le Foch était à bout de souffle. Rebaptisé NAeL Sao Paulo, il devait relever le prestige du Brésil, se targuant d’être le seul pays d’Amérique latine à posséder un porte-avions, et servir à l’entraînement des 23 avions de chasse Skyhawk achetés en 1997. Le NAeL Sao Paulo s’est très vite empêtré dans des problèmes techniques à répétition. En 2004, l’explosion d’un tube de chaudière et un incendie ont tué 3 marins et blessé 7 autres. En 2012, un nouvel incendie a tué un marin et blessé 2 autres. Les résidus des incendies s’ajoutent à la longue liste des déchets intégrés à la coque du navire et de ses déchets d’exploitation. Plusieurs tentatives de rénovation ont été entreprises, mais l’ampleur des investissements nécessaires a finalement conduit au désarmement définitif du porte-avions en 2017.
La vente du Sao Paulo au chantier Sök Denizcilik avait été annoncée en mars 2021 (cf. “A la Casse”, le bulletin d’information et d’analyses sur les navires en fin de vie de Robin des Bois, n° 64 p. 15). A défaut de chantiers de déconstruction des navires en Amérique du Sud, le Brésil a l’habitude d’envoyer à la casse dans le sous-continent indien ses pétroliers et minéraliers sans oublier son précédent porte-avions, le NAeL Minas Gerais (ex- HMS Vengeance de la Royal Navy) démoli à Alang (Inde) en 2004.
Après l’Inde, le Bangladesh et le Pakistan, la Turquie est le quatrième importateur de navires en fin de vie à démolir.
A lire également dans le “A la Casse” n°58 p. 7 (février 2020) l’article “La fauche du Foch” et les échanges de Robin des Bois avec le chantier Sök Denizcilik.
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