Hier en fin de séance a été présentée aux membres du CSPRT (Conseil Supérieur de la Prévention des Risques Technologiques*) une instruction qui devrait être soumise dans les plus brefs délais à la signature du ministre de l’écologie et du ministre de l’intérieur et qui ne paraîtra pas au Journal Officiel.
Cette instruction qui prétend tirer les leçons de l’attentat du 26 juin 2015 sur le site Air Products de Saint-Quentin-Fallavier et des « incendies criminels » survenus le 14 juillet 2015 sur deux cuves d’hydrocarbures de la raffinerie Lyondell Basell à Berre l’Etang, restreint considérablement l’accès du public, des journalistes, des avocats et des associations aux informations sur les risques des usines stockant ou mettant en œuvre des substances dangereuses.
Les mots-clefs du projet d’instruction sont « occultation ou disjonction des informations sensibles », « discrétion absolue », « documents expurgés ».
La censure ne concerne pas seulement les établissements Seveso, elle s’étend à tous les sites industriels « soumis à simple autorisation dont l’activité présenterait une sensibilité particulière ».
Concrètement, les documents sur la nature précise des substances dangereuses susceptibles d’être présentes sur site, la description précise des scénarios d’accidents majeurs et des effets associés, l’organisation des moyens internes et externes de secours pourront seulement être consultés selon des « modalités adaptées et contrôlées » pour autant que le préfet, en vertu de son pouvoir discrétionnaire, en autorise l’accès aux personnes « justifiant un intérêt ». Dans ce cas la photocopie et la photographie des documents seraient interdites. Dans l’état actuel du texte, il n’est pas encore interdit de prendre des notes !
La communication de ces mêmes documents administratifs aux membres du Conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques se fera sous réserve de leur engagement à respecter une discrétion absolue.
Cette instruction est un retour au siècle dernier. Elle est à contre-courant des efforts de dématérialisation de l’information. Elle compromet l’accès égalitaire aux informations sur les risques technologiques auxquels les résidents permanents et temporaires, les touristes et les professionnels en déplacement sont soumis.
Cette ligne Maginot administrative n’empêcherait pas des terroristes de toutes obédiences d’essayer de commettre des attentats dans des sites industriels à partir d’observations de terrain, de documents existants, de photos aériennes ou encore de fuites internes.
Sous le couvert de la lutte contre le terrorisme, l’Etat démantèle la culture collective de sécurité et le droit de chacun à savoir où il met les pieds et les poumons.
* dont Robin des Bois est membre. Les comptes-rendus sont disponibles sur
https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/conseil-superieur-prevention-des-risques-technologiques-csprt
Annexes (pdf) :
1- Présentation du projet d’Instruction du Gouvernement relative à la mise à disposition et aux conditions d’accès des informations potentiellement sensibles pouvant faciliter la commission d’actes de malveillance dans les installations classées pour la protection de l’environnement
2- Projet d’Instruction du Gouvernement
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