CORSE
Barbara Pompili a tapé sur la table et promis que les bandits seront « trouvés » et sévèrement punis.
Cinq jours après l’alerte, les bandits courent toujours et les menottes du ministère de l’Écologie restent dans un tiroir. Plus le temps passe, plus les chances d’identifier formellement le navire irresponsable se diluent comme les irisations dans la grande bleue, comme les Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques dans les animaux marins, comme le soufre dans les sables de l’île de Beauté.
Le flagrant délit a été manqué. L’enquête de la gendarmerie maritime est difficile. Le bateau pollueur a sans doute pris la tangente. Les principales routes maritimes à l’est de la Corse relient la Sardaigne et Gênes, la Sicile et Gênes, la Tunisie et Gênes, la Méditerranée orientale et Gênes. D’autres ports italiens de la mer Ligurienne comme Livourne participent aussi à ces liaisons maritimes.
L’armateur et l’équipage ont depuis la commission des faits eu le temps de maquiller les pièces à conviction. Si les navires suspects étaient effectivement en provenance ou à destination de Gênes ou d’un port voisin, il reste à espérer qu’ils reviendront dans le golfe de Gênes dans le cadre d’un trafic régulier. Dans ce cas et avec la coopération judiciaire et technique des autorités italiennes, ils pourront être inspectés de fond en comble depuis le registre des hydrocarbures jusqu’aux dispositifs de traitement et de confinement des boues d’hydrocarbures qu’il est interdit de rejeter en mer. Les équipages pourront aussi être interrogés.
En tout état de cause, Robin des Bois constate que les capacités de détection des hydrocarbures et les moyens nautiques de les collecter au plus près de la source doivent être renforcés tout autour de la Corse. C’est seulement à cause du caprice des vents et des courants que la Corse a été épargnée par la marée noire consécutive à la collision en octobre 2018 entre un car-ferry tunisien qui venait de Gênes et un porte-conteneur au mouillage au nord du Cap Corse. En France, plus de 400 km de côtes entre le Var et les Pyrénées-Orientales avaient été en quelques semaines souillées par les galettes et les boulettes issues de cet accident de mer.
BRETAGNE
La nappe, 13 km de long, 3,3 de large, n’est pas noire, elle est irisée. Elle provient du navire néerlandais Aeolus, 140 m de long pour 44 large, qui dans la baie de Saint-Brieuc tente de forer jusqu’à 40 m de profondeur dans le sous-sol marin. Ces travaux de force sont préalables à l’installation de 62 éoliennes qui culmineraient à 200 m de haut au-dessus du niveau de la mer. Sur le papier et les bureaux des politiques et des hommes d’affaires, l’usine éolienne de la baie de Saint-Brieuc devrait produire son électricité intermittente et être raccordée au réseau en 2023. En fait, le chantier de cet EPR du vent durera beaucoup plus longtemps. La multinationale espagnole Iberdrola représentée en France par Ailes Marines fait face dès le départ à de sérieuses difficultés.
Malgré une prétendue reconnaissance géologique des fonds en face d’Erquy, de Saint-Brieuc et du Cap Fréhel, l’Aeolus piétine. Le socle sous-marin fait lui aussi de la résistance. Arrivé au mois de mai dans la baie, l’Aeolus devait, après un temps de réglage, forer les fondations d’une éolienne en une semaine. En 2 mois, les forages d’une seule éolienne ont été réalisés. Les travaux sont aujourd’hui suspendus. Selon les déclarations du représentant d’Iberdrola en Bretagne, la fuite correspondrait à 100 l d’un fluide de forage, le Panolin HLP Synth, qui serait biodégradable en quelques semaines. Selon ses fabricants, le Panolin HLP Synth serait moins nocif que les fluides de la concurrence. Le Panolin HLP Synth « valorise l’image verte » de ses utilisateurs et « ne laisse pas de film aux couleurs de l’arc en ciel en cas de déversement dans l’eau ». En d’autres termes, il s’agit d’un fluide discret. Or, le communiqué de la préfecture maritime de l’Atlantique précise que le lundi 14 juin à 14h20 au moment de l’observation par un avion des douanes, la nappe était irisée et visible sur plusieurs kilomètres. La saison de forage s’étend de mai à octobre par temps présumé calme et hors de la campagne de coquilles Saint-Jacques qui constitue un pilier de l’économie locale. L’Aeolus, après une inspection par les officiers de police judiciaire de la gendarmerie maritime a été autorisé à gagner un port hollandais pour vérifier l’étanchéité et le réglage de ses équipements de forage. Il est aujourd’hui à 18h00 devant Le Touquet.
Robin des Bois se joindra aux recours des pêcheurs pour que le pollueur pris cette fois-ci en flagrant délit soit sanctionné.
* * *
A lire ou à relire d’urgence l’article de Fabrice Nicolino illustré par Tignous dans le Charlie Hebdo du 16 avril 2014 « Éoliennes maritimes. Comment vendre du vent pour pourrir la mer » (cliquez pour agrandir).
Imprimer cet article