Ce vendredi 22 janvier 2021 est un grand jour, le Traité sur l’Interdiction des Armes Nucléaires (1) entre en vigueur.
Le 7 juillet 2017, 122 pays ont adopté ce Traité. Conformément à son article 15, il entre en vigueur 90 jours après le dépôt du 50ème instrument de ratification, d’acceptation, d’approbation ou d’adhésion. Le Honduras a été ce 50ème opposant catégorique aux armes atomiques. Toutes les puissances nucléaires se sont mises à l’écart de la Conférence d’adoption du Traité et certaines d’entre elles, la France, les Etats-Unis d’Amérique et le Royaume-Uni, lui sont ouvertement hostiles.
Honneur à l’Autriche, à l’Irlande et à Malte, les seuls pays de l’Union Européenne qui se sont juridiquement engagés à respecter le Traité. Tous les autres pays de l’Union se sont jusqu’alors défilés, même la Suède qui avait pourtant déclaré en juillet 2017 qu’elle ne pouvait pas faire autrement que d’adopter ce texte.
En Afrique, des pays comme le Sénégal à l’Ouest et le Kenya à l’Est sont sous la pression de la France, des Etats-Unis et du Royaume-Uni. Leurs bonnes intentions exprimées par un vote positif lors de l’adoption du texte en juillet 2017 ne se sont pas encore été concrétisées (ni signature ni ratification). L’Afrique du Sud s’était alors offusquée à la tribune des Nations Unies à New York des pressions « incroyables » qu’elle avait subies pour ne pas participer à la Conférence d’adoption.
L’Amérique Centrale et l’Amérique du Sud sont sur la bonne voie avec notamment le Mexique, Cuba, le Venezuela, la Bolivie qui sont maintenant des Etats parties. A l’exception notable de l’Argentine qui avait pourtant adopté le texte en 2017, tout le continent sud-américain l’a signé.
Une des marches vers la paix au Moyen-Orient a été loupée. En 2017, l’Iran avait proposé de nombreux amendements et adopté le Traité tout en regrettant que l’usage de l’arme nucléaire ne soit pas considéré comme un crime contre l’humanité. Mais l’Iran n’a finalement pas signé le texte ; en 4 ans, les relations se sont envenimées avec les Etats-Unis de Trump, la France, le Royaume-Uni et Israël. Le Moyen-Orient semble tétanisé. Ni l’Arabie Saoudite, ni l’Irak, ni la Jordanie, ni le Koweït, ni le Liban, ni Oman, ni l’Egypte, ni le Yémen qui pourtant avaient adopté le texte en 2017 n’ont pour le moment juridiquement confirmé leur opposition totale aux armes nucléaires. Seul l’Etat de Palestine a ratifié le texte en mars 2018.
En Asie, le Kazakhstan a également ratifié le Traité, une position singulière au milieu des puissances nucléaires russe, chinoise, indienne et pakistanaise.
Les maires de Nagasaki et d’Hiroshima ont en novembre 2020 officiellement réclamé auprès de leur gouvernement que le Japon signe et approuve le Traité, en vain pour le moment.
L’arsenal nucléaire détenu par les Etats-Unis, la Russie, la Chine, la France, le Royaume-Uni, l’Inde, le Pakistan et Israël a de quoi brûler, disloquer, déchiqueter, tuer plusieurs fois l’humanité et la biodiversité et empoisonner l’océan mondial et atmosphérique pendant des centaines de milliers d’années. La bombe atomique est bien pire que la bombe climatique. Elle doit être à l’agenda du Monde. Dans l’année qui vient se tiendra sous l’égide de l’ONU, sans doute à Vienne en Autriche, la première réunion de toutes les parties au Traité sur l’Interdiction des Armes Nucléaires. Il est espéré que d’ici là d’autres Etats s’engageront contre la guerre atomique.
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(1) Le Traité sur l’Interdiction des Armes Nucléaires comprend un arsenal d’interdictions de participer à toute activité liée aux armes nucléaires. Les Etats parties s’engagent notamment à ne pas mettre au point, tester, produire, acquérir, posséder, stocker, utiliser des armes nucléaires (ou d’autres dispositifs explosifs nucléaires) ou menacer de les utiliser. Le Traité interdit également le déploiement d’armes nucléaires sur le territoire national et l’assistance à tout Etat souhaitant mener des activités interdites. Le Traité oblige les Etats parties à fournir une assistance adaptée aux personnes relevant de sa juridiction touchées par l’utilisation ou l’essai d’armes nucléaires. Ces parties doivent aussi prendre les mesures nécessaires et appropriées pour remettre en état l’environnement dans les zones sous leur juridiction ou leur contrôle contaminées à la suite d’essais ou d’utilisation d’armes nucléaires. L’article 4 prévoit que chaque Etat partie détenteur d’armes nucléaires ou d’autres dispositifs explosifs nucléaires les retire sans délai du service opérationnel puis les détruit dans des délais à convenir.
Dans ses préambules, le Traité mentionne les risques d’explosions nucléaires résultant d’une erreur d’appréciation, d’un acte intentionnel ou d’un accident (concernant les accidents, cf. le dossier de Robin des Bois « De Franco à Trump: la saga thermonucléaire » au sujet de l’accident de Palomares en Espagne en 1966).
Autres publications de Robin des Bois concernant le Traité sur l’Interdiction des Armes Nucléaires
« Le cartel atomique sur la défensive », 7 décembre 2017
« Le 14 juillet 2017 est nucléaire », 14 juillet 2017
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