Après l’explosion survenue dans la nuit du 8 au 9 avril au n°17 de la rue de Tivoli à Marseille et l’évacuation jusqu’à nouvel ordre de 43 immeubles, l’ONG Robin des Bois tient à diffuser les informations suivantes, sans préjuger de l’origine exacte de cette catastrophe humaine et urbaine.
Environ 11 millions de foyers sont raccordés au gaz naturel sans être convenablement informés sur tous les risques susceptibles de mettre en danger leur sécurité et environ 200.000 km de canalisations de gaz soumises à la corrosion, à l’érosion, aux mouvements de terrain, aux contraintes de la voirie, aux vibrations, aux percements accidentels serpentent sous nos pieds. Selon le rapport du CGEDD (Conseil général de l’Environnement et du Développement durable) sur “La sécurité des réseaux de distribution de gaz naturel”, “GRDF est apparemment un opérateur sérieux et responsable mais sa transparence est perfectible” (1). Pour rappel, GRDF est une filiale à 100 % d’Engie.
Les documents cités ci-dessous constituent un dossier non exhaustif mais homogène.
Dans sa séance du 14 septembre 2021, le Conseil Supérieur de Prévention des Risques Technologiques (CSPRT) a examiné entre autres sujets un projet d’arrêté “portant modification de l’arrêté du 13 juillet 2000 portant règlement de sécurité de la distribution de gaz combustible par canalisations”. Robin des Bois était représenté par Jacky Bonnemains. Le compte-rendu de cette séance est disponible sur le site du CSPRT (2). Les délais de remplacement des réseaux anciens exposés à la corrosion, aux tassements de terrain, aux aléas argile et aux contraintes subies par la voirie publique, ont fait l’objet de discussions vives entre M. Mennereau (directeur de la sécurité et directeur du Réseau Méditerranée chez GRDF) d’une part et Jacky Bonnemains, Philippe Merle (alors chef du service des risques technologiques au Ministère) et Jacques Vernier (président du CSPRT) d’autre part. A la question du président souhaitant savoir si les conduites en fonte à graphite sphéroïdal [ou fonte ductile] en environnement “argile fort” représentent un volume important, M. Mennereau a répondu que “le sujet est d’autant plus sensible que les conduites concernées se situent au sein d’environnements très denses. A titre d’exemple, ces conduites représentent plus de 180 km au sein des rues principales de la deuxième ville de France [Marseille]. Leur renouvellement va nécessiter la réalisation de travaux considérables au cours des huit ans à venir.” L’arrêté du 6 décembre 2021 publié le 16 décembre 2021 au Journal Officiel (3) maintient les délais de retrait, de remplacement ou de mise hors service des réseaux anciens tels qu’ils étaient présentés dans le projet, sans reprendre la proposition émise par le CSPRT d’un objectif intermédiaire de taux de réalisation en 2030. Toutefois, l’Association Française du Gaz dans son cahier des charges du Règlement de Sécurité de la Distribution du Gaz (RSDG) publié en février 2022 fixe des objectifs intermédiaires.
Le 18 novembre 2020, Charlotte Nithart, représentant Robin des Bois au sein du CSPRT, a participé à l’examen d’un projet d’arrêté “modifiant l’arrêté ministériel du 23 février 2018 relatif aux règles techniques et de sécurité applicables aux installations de gaz combustible des bâtiments d’habitation individuelle ou collective, y compris les parties communes”. Pendant la séance du CSPRT, elle a tout d’abord déploré que seules 7 contributions aient été formulées dans le cadre de la consultation du public organisée sur le site internet du ministère de la Transition écologique. De plus, ces contributions provenaient de professionnels de la distribution du gaz de ville. Le document mis à disposition des membres du CSPRT en début de séance est disponible sur le site de Robin des Bois (4) et le compte-rendu de cette séance est disponible sur le site du CSPRT (5). La discussion sur les OCI (Organes de Coupure Individuelle) a été vive entre d’une part M. Mennereau (GRDF), et d’autre part Philippe Merle, Charlotte Nithart et Jean-Pierre Brazzini (alors représentant de la CGT au CSPRT). Dans l’arrêté du 4 mars 2021 publié le 10 mars 2021 au Journal Officiel, les amendements proposés par le CSPRT ont été intégrés (6).
Le rapport du CGEDD est lisible par tout à chacun (1). Il devrait être un document de référence pour tous les utilisateurs de gaz et leur permettre de réclamer des informations à GRDF, aux 23 entreprises locales de distribution, aux syndics de copropriété, aux promoteurs immobiliers, aux démolisseurs d’immeubles, aux entreprises de travaux publics, aux maires et aux services techniques des 9500 communes desservies par le gaz. Commandé le 13 février 2019 par François de Rugy, ministre de la Transition écologique, après l’explosion meurtrière de la rue de Trévise à Paris le 12 janvier 2019 et publié en janvier 2020, il constitue une synthèse de toutes les marges de progrès susceptibles de réduire les atteintes à la sécurité publique provoquées par les fuites de gaz sous les voiries et dans les immeubles collectifs ou maisons individuelles. Les chapitres 1.2 sur “L’organisation technique actuelle”, 2.1 sur “Les fuites”, 3.2 sur “La politique de maintenance pour la sécurité de GRDF”, 3.4 sur “L’imparfaite gestion des branchements abandonnés ou inutilisés” et 3.6 sur “La prévention de l’endommagement des réseaux lors de travaux publics” sont susceptibles d’éclairer les populations, les associations, voire les enquêteurs, dans la recherche des causes d’une fuite de gaz majeure et d’une explosion inopinée. Le chapitre 1.2 liste un certain nombre de définitions réglementaires et évoque le fameux “bout parisien” qui, contrairement à son appellation, peut avoir été exporté hors de la capitale. Les missionnaires du rapport sur “La sécurité des réseaux de distribution de gaz naturel” en ont débusqué à Grenoble de même qu’ils ont retrouvé trace de “mégots” c’est-à-dire de tronçons oubliés de canalisations en fonte grise cassante.
(2) Procès-verbal du CSPRT du 14 septembre 2021. Les débats sur le sujet gaz vont de la page 26 à la page 37.
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